J’ai aimé le grand vent
et le ressac
et l’oiseau libre sur son rocher
J’ai aimé ce tendre visage
et cette mère comme le large
j’ai aimé
j’ai aimé tant de choses qui passent
Mais ce vent me disait autre chose et ce
visage me souriait d’ailleurs et cet
oiseau volait par mon coeur
depuis
depuis des âges
J’ai aimé
J’ai aimé tant d’infortunes
et promené un chagrin comme les âges
Et j’ai aimé enfin
ce qui battait dans mon cœur
partout
ce qui chantait dans mes chagrins
partout
ce qui souriait dans tout
J’ai aimé Toi qui es mon voyage et mon grand large
et mon océan au bout des peines et des chemins
Ô Toi, mon oiseau
si vieux
si chantant toujours
je ne savais pas
je ne savais pas
que je t’aimais toujours
depuis toujours
Tu es mon ciel et mon enfer et ma joie et ma peine
et ce qui chante toujours-toujours
Avec un cri aussi
de ne pas t’avoir aimé toujours
de n’avoir pas su
ce que je savais depuis des âges
avec les rochers et le ressac
et le n’importe quoi
qui passe
qui passe
qui est toujours
(Satprem) (1923-2007)
Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard
Ça m’est égal d’être un peu mort escamoté dessous la terre du côté de ceux qui
ont tort d’être plus là pour prendre Pair
Ça m’est égal que plus personne sache comment je m’appelai Tant et tant de
téléphones sonnent dans des appartements déserts
Ça m’est égal de ne plus voir gens qui pleurent ni gens qui rient de rien sentir
de rien savoir d’être un peu de rien dans du gris
Mais je voudrais pourtant savoir
si quelque part quelqu’un quand même
se souviendra de mes souvenirs
Ai-je rien oublié de tous ceux que j’aime
Je veux bien partir et être très mort mais mes souvenirs seront-ils en vain
comme au fond des mers les galions pleins d’or dormant dans le noir de l’eau sans chemins
Mais nos souvenirs seront-ils en vain
(Claude Roy)
Recueil: Poèmes de Claude Roy
Traduction:
Editions : Bayard Jeunesse
Les gens qu’on ne regarde pas
Sont des trésors oubliés
Y avait tant de choses en toi
Et peu de gens pour les aimer
Moi je garde nos images
Que je regarde souvent
Avant de tourner la page
Faut le vouloir, finalement
Et demain
Je referai le chemin
Mes pas juste à côté des tiens
S’il n’y a que du cœur qu’on voit bien
Avant toi, je ne voyais rien
Les gens qu’on ne regarde pas
Sont des livres jamais lus
Moi j’ai vu au fond de toi
Un vieux roman qui m’a plu
Mais t’es pas parfait peut-être
Mais tout est à l’imparfait maintenant
Tu es de ceux qu’on regrette
Parfois géniale, parfois gênant
Et demain
Je referai le chemin
Mes pas juste à côté des tiens
S’il n’y a que du cœur qu’on voit bien
Avant toi, je ne voyais rien
Avant toi, j’avais pas d’horizon
J’avais l’cœur en carton
Je ne voyais que moi
Merci pour ça
Un vagabond errant
Une faille dans le vent
J’étais qu’un demi-moi
Avant toi
Avant toi
Avant toi
Avant toi
Et demain
Je referai le chemin
Mes pas juste à côté des tiens
S’il n’y a que du cœur qu’on voit bien
Avant toi, je ne voyais rien