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Poésie

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Pour Mémoire (Robert Vigneau)

Posted by arbrealettres sur 30 octobre 2022




    
Pour Mémoire
Gott Mit Uns

Qui tondit la rousse juive?
Qui tissa ses longs cheveux
En couverture de feu?
Comment les hivers survivent?

Qui saigna l’un en boudin,
Qui grilla l’autre en saucisse
Dans les fours, les fours d’Auschwitz?
Quelle faim viendra demain?

Qui inventa l’abat-jour
En peaux d’humains tatoués?
Qui en tressa des fouets
Pour s’en fustiger d’amour?

D’homme, qui fit du savon
Sous les ordres d’un apôtre?
Lavez-vous les uns les autres.
Selon Dieu que nous suivons!

Sous les fesses de l’Histoire
Les monstres se tiennent chaud :
Drancy, Buchenwald, Dachau
À jamais prémonitoires.

(Robert Vigneau)

Recueil: La révolte des poètes
Traduction:
Editions: Livre de poche Jeunesse

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RYTHMES (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2020




    
RYTHMES

Tout débuta
Dans l’arythmie
Le chaos

Des vents erratiques
S’emparaient de l’univers
L’intempérie régna

L’indéchiffrable détonation
Fut notre prologue

Tout fut
Débâcle et dispersion
Turbulences et gaspillage
Avant que le rythme
Ne prenne possession
De l’espace

Suivirent de vastes accords
D’indéfectibles liaisons
Des notes s’arrimèrent
Au tissu du rien
Des courroies invisibles
Liaient astres et planètes

Du fond des eaux
Surgissaient
Les remous de la vie

Dans la pavane
Des univers
Se prenant pour le noyau
La Vie
Se rythma
Se nuança

De leitmotiv
En parade
De reprise
En plain-chant

La Vie devint ritournelle
Fugue Impromptu
Refrain
Se fit dissonance
Mélodie Brisure
Se fit battement
Cadence Mesure

Et se mira
Dans le destin

Impie et sacrilège
L’oiseau s’affranchissait
Des liens de la terre

Libre d’allégeance
Il s’éleva
Au-dessus des créatures
Assujetties aux sols
Et à leurs tyrannies

S’unissant
Aux jeux fondateurs
Des nuages et du vent
L’oiseau s’allia à l’espace
S’accoupla à l’étendue
S’emboîta dans la distance
Se relia à l’immensité
Se noua à l’infini

Tandis que lié au temps
Et aux choses
Enfanté sur un sol
Aux racines multiples
L’homme naquit tributaire
D’un passé indélébile

Le lieu prit possession
De sa chair
De son souffle
Les stigmates de l’histoire
Tatouèrent sa mémoire
Et sa peau

Venu on ne sait d’où
Traversant les millénaires
L’homme se trouva captif
Des vestiges d’un monde
Aux masques étranges
Et menaçants

Il s’en arrachait parfois
Grâce aux sons et aux mots
Aux gestes et à l’image
À leurs pistes éloquentes
À leur sens continu

Pour mieux tenir debout
L’homme inventa la fable
Se vêtit de légendes
Peupla le ciel d’idoles
Multiplia ses panthéons
Cumula ses utopies

Se voulant éternel
Il fixa son oreille
Sur la coquille du monde
À l’écoute
D’une voix souterraine
Qui l’escorte le guide
Et l’agrandit

Alors
De nuits en nuits
Et d’aubes en aubes
Tantôt le jour s’éclaire
Tantôt le jour moisit

Faiseur d’images
Le souffle veille

De pesanteur
Le corps fléchit

Toute vie
Amorça
Le mystère
Tout mystère
Se voila
De ténèbres
Toute ténèbre
Se chargea
D’espérance
Toute espérance
Fut soumise
À la Vie

L’esprit cheminait
Sans se tarir
Le corps s’incarnait
Pour mûrir
L’esprit se libérait
Sans périr
Le corps se décharnait
Pour mourir

Parfois l’existence ravivait
L’aiguillon du désir
Ou bien l’enfouissait
Au creux des eaux stagnantes

Parfois elle rameutait
L’essor
D’autres fois elle piétinait
L’élan

Souvent l’existence patrouillait
Sur les chemins du vide
Ou bien se rachetait
Par l’embrasement du coeur

Face au rude
Mais salutaire
Affrontement
De la mort unanime
L’homme sacra
Son séjour éphémère
Pour y planter
Le blé d’avenir.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: Rythmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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LA MER (Henry Jacques)

Posted by arbrealettres sur 26 août 2020



LA MER

Poètes de tous poils dont les pieds ont des bottes,
Dont l’aile est repliée au mitan des capotes,
Par ce que nous savons, par ce que nous aimons,
Par le vent et le sel qui brûlent nos poumons,
Par les hivers du Cap tatouant nos mains bleues,
Les torrides soleils où flambent nos cheveux,
Par l’espace cabré que domptent les filins,
Par les bois et le fer, par le chanvre et le lin,
Nous chanterons d’instinct, toute âme, toute chair,
N’importe la musique et n’importe le vers ;
LA MER !

(Henry Jacques)

Illustration: ArbreaPhotos

 

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Totaux (Norge)

Posted by arbrealettres sur 10 février 2020




    

Totaux

Ton temps têtu te tatoue.
T’as-ti tout tu de tes doutes ?
T’as-ti tout dû de tes dettes ?
T’as-ti tout dit de tes dates ?
T’a-t-on tant ôté ta teinte ?
T’a-t-on donc dompté ton ton ?
T’as-ti tâté tout téton ?
T’as-ti tenté tout tutu ?
T’es-ti tant ? T’es-ti titan ?
T’es-ti toi dans tes totaux ?

Tatata, tu tus ton tout.

(Norge)

 

Recueil: Les poèmes ont des oreilles
Traduction:
Editions: Rue du Monde

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Je suis triste (Gilles Weinzaepflen)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2019



Illustration: Edvard Munch
    
Je suis triste mon âme est triste
Malgré ce beau soleil qui brille pour rien
Tant mon âme est triste pour rien
De la désolation pure sans soulagement

Du désastre sans rien de cassé

Quelque chose est en morceaux
Quelque chose est plié comme un coin
Comme une oreille de chien trop longue
Qui se replie au sommet du crâne

Avec le tatouage à l’intérieur devenu visible

Ça gémit à l’intérieur comme si ça voulait sortir
Mais c’est pas capable de sortir
Ça sait d’avance que sortir ne sert à rien
Même dehors est encore du dedans retourné

(Gilles Weinzaepflen)

 

Recueil: Noël Jivaro
Traduction:
Editions: Le clou dans le fer

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Dans mes os (Alejandra Pizarnik)

Posted by arbrealettres sur 9 décembre 2018




    
Dans mes os la nuit tatouée.
La nuit et le rien.

(Alejandra Pizarnik)

 

Recueil: Approximations
Traduction: Etienne Dobenesque
Editions: Ypfilon

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Tard dans la vie (Abdellatif Laâbi)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2018



Tard dans la vie
je pourrai m’absenter sur un banc
la douleur en moins
J’éteindrai le feu
des passions qui ont écourté le voyage
J’arrêterai la litanie
des questions vieillies avec les réponses
Je sortirai du champ
de la vision incohérente
Je tatouerai sur ma paume
mon dernier petit poème d’amour
et je m’endormirai
du sommeil délicieux
de l’arbre

(Abdellatif Laâbi)


Illustration

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LES AMOUREUX (Jaime Sabines)

Posted by arbrealettres sur 29 janvier 2018


 


 

Benjamin Dominguez (3)

LES AMOUREUX

Les amoureux se taisent.
L’amour est le silence le plus fin,
le plus tremblant, le plus insupportable.
Les amoureux guérissent,
délaissent,
mutent, oublient.
Le coeur leur dit qu’on ne trouve jamais,
ils cherchent en vain, ils persistent.

Les amoureux passent à la déraison
parce que seuls, ils sont deux, deux, deux,
ils se livrent, se donnent, à chaque instant,
et se récrient de ne pas sauver l’Amour.
L’Amour les dévore. Les amoureux vivent
d’instants, impuissants à dépasser
les frontières du temps.
Ils cherchent toujours un aller
vers quelqu’autre lieu.
Ils attendent,
n’espèrent pas, mais languissent encore.
Ils savent trop bien que jamais on ne joint.
L’amour est perpétuel sursis
reste toujours le pas qui vient, et l’autre, et l’autre encore.
Les amoureux sont des insatiables
de leur solitude.

Les amoureux sont l’hydre de l’erne,
des tentacules en guise de bras,
leurs veines autour du cou se gonflent
les étouffant comme des serpents.
Les amoureux ne peuvent dormir,
s’ils ferment l’oeil, la vermine festoie.

A l’obscurité, ils ouvrent le regard,
la terreur au coeur.
Ils trouvent des scorpions sous leurs draps
et leur couche dérive sur le lac.

Les amoureux sont fous, simplement fous,
sans Dieu ni Démon.

Les amoureux sortent d’eux-mêmes
tremblants et affamés,
ils vont chasser les fantasmes.
Ils se rient des sages de l’amour,
de ceux qui aiment à jamais, en toute Vérité,
de ceux qui croient que l’amour est une lampe à la
flamme inusable.

Lies amoureux jouent au puits,
ils dessinent et tatouent les fumées, ils s’amusent à ne pas partir.
Ils jouent le long et triste jeu de l’amour.
ils récusent la résignation.
Ils clament qu’aucun règne ne doit se démettre.
Les amoureux ont honte de toute conformation

Vacants, vides de côte est en côte ouest,
fermentant la mort derrière leur regard,
ils avancent, de sanglot en sanglot, jusqu’à l’aube,
où équipages et chants du coq font leurs douloureux adieux.

Une odeur de terre nouvelle leur arrive parfois,
un parfum de femme doucement abandonnée, la main
fleurissant le mont,
une senteur d’eau tiède, un fumet de chair.
Les amoureux chantent, modulent
un phrasé nouveau.
Ils pleurent l’évanescence
de leur beau dérèglement.

(Jaime Sabines)

Illustration: Benjamin Dominguez

 

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Diapasons Tordus (Marie-Anne Bruch)

Posted by arbrealettres sur 5 janvier 2017



Diapasons Tordus

Si ma tête était un bocal mes yeux déploieraient leurs nageoires.
Si l’amour n’était pas le pansement il serait la plaie ouverte à la belle étoile et nous pourrions dormir dessus.
Si j’étais double je serais l’amie de l’autre mais je suis une et méfiante à mon égard.
Si la réalité perdait son âme nous ferions des cauchemars moins troglodytes.
S’il n’y avait pas d’oasis cachés dans les sabliers on verrait le temps se promener à dos de chameau.
Si les mots contenaient le réel je tatouerais ton nom sur chaque personne que je rencontre.
Si je pouvais dire la vérité elle me raconterait des mensonges.
Si le hasard ne jouait pas les bouffons à la cour de la mort nous ne serions que fées d’hiver.
S’il n’y avait pas la menace d’un supplice sous la moindre goutte d’eau je craindrais moins de disparaître.
Si le rêve devenait absurde et sournois il s’appellerait la vie et nous aussi.
Si je savais de quoi j’espère être sauvée je cesserais toute résistance.
Si j’attendais l’avenir il viendrait certainement en armure brinquebalante me demander l’aumône.
Si l’oubli ne dirigeait pas l’esprit je serais un livre fermé sans voie aux chapitres.
Si j’étais dupe du malheur je chercherais le bonheur.

(Marie-Anne Bruch)

Découvert ici: Lucarne Poétique

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Petite chanson pour le premier avril d’une fenêtre (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 13 octobre 2016



Les filles rient aux fenêtres
pour humilier les pelouses,
arrondir les coins des arbres,
délacer la montagne.

Les filles chantent aux fenêtres
pour tatouer la nuit,
poudrer la mer,
enflammer la fourmi.

Les filles pleurent aux fenêtres
pour noyer la pluie…

(Edmond Jabès)

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