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LES MYSTÈRES DU TELEGRAPHE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 23 juin 2020




    
LES MYSTÈRES DU TELEGRAPHE
À Françoise Gilot

Les enfants après l’école
aux poteaux du télégraphe
doucement l’oreille collent
poursuivant le temps qui passe
avec ses chevaux légers
ses fifres et ses tambours
et son charroi partagé
de bons et de mauvais jours

Ce n’est que le temps qui passe
ne sait pas ce qu’il dit
Il trébuche dans ses traces
Il se perd dans ses soucis
Beaux enfants d’après l’école
il sera bien temps plus tard
de savoir ce qui s’envole
de ces poteaux trop bavards

Ne sachant pas ce qu’ils disent
ne parlant que pour parler
les plaisirs qu’ils nous prédisent
les chagrins qu’ils annonçaient
sont promesses mensongères
Beaux enfants d’après l’école
méfiez-vous des jolis airs
que jouent ces poteaux frivoles

Il n’est qu’un seul coquillage
où l’on entende vraiment
la mer et ses beaux naufrages
la vie ses vrais accidents
C’est le coeur de la dormante
qui battra à vos côtés
dans des nuits si différentes
de celles des écoliers

Vous serez grandes personnes
ne jouant plus à la marelle
répondant au téléphone
n’ayant plus la varicelle
Vous porterez des moustaches
et ne mettrez plus l’oreille
aux poteaux du télégraphe
qui bredouillent leurs merveilles
mais nous laissent en carafe
entre demain et la veille.

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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CRÉPUSCULE (Juan Ramón Jiménez)

Posted by arbrealettres sur 26 mars 2019



 

Linda Noul   Lune rouge

CRÉPUSCULE

Un câble du télégraphe
coupe au ciel, exactement en deux
— oh nuage ! — sa poitrine rose.
— Quelle douleur ! —
Le ciel voit les étoiles,
et son coeur déborde
— oh lune ! — rouge et vaste.
— Quelle douleur ! —

***

CREPÚSCULO

Un cable del telégrafo
le corta al cielo, exactamente en dos
— ¡oh nube!— el pecho rosa.
—¡Qué dolor!—
Ve el cielo las estrellas,
y se le sale el corazón
— ¡oh luna!— rojo y grande.
—¡Qué dolor!—

(Juan Ramón Jiménez)

Illustration: Linda Noul

 

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LA COMMUNICATION (Robert Sabatier)

Posted by arbrealettres sur 5 janvier 2018



 

Zdzislaw Beksinsk   i88_orig

LA COMMUNICATION

A quoi ça sert tout ça, à quoi ça sert
De dire joie et de dire prière,
De mettre l’aube à genoux pour médire
De la nuit verte et des noirs gabelous ?

Un geste. Un autre. Et courent les messages
Du télégraphe — un stop à chaque phrase :
L’unique mot connu, signifiant.
Le reste : rien. Bouquet. Moisson d’outrages.

Au dernier top, il est exactement
L’heure du cri, celle de ne rien dire.
Ne coupez pas. Ma vie est si fragile,
Je perds ma phrase et mon corps est rompu.

Oubliez-moi. Mon erreur est fatale.
J’entends déjà les abonnés absents
Prier la Parque au-delà de ma ligne
De m’entrouvrir un silence de glace.

Le néant m’aime. Egarés mes fantômes
Et mes espoirs égarés, égarés.
Oui, mais ce pré fleuri de pâquerettes
Où grésillaient les grillons dans le soir ?

(Robert Sabatier)

Illustration: Zdzislaw Beksinski

 

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LA VOIX DES CHOSES (Jean Richepin)

Posted by arbrealettres sur 2 février 2017



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LA VOIX DES CHOSES

Connais-tu la chanson des fils du télégraphe?
Avec neuf clés, ainsi qu’une lyre, il s’agrafe
Dans les blancs clochetons des sonores godets
Qui sous la porcelaine ainsi que sous un dais

Couvent la gamme errante aux fibres de la corde.
Cet étrange instrument, c’est le vent qui l’accorde ;
C’est le bruit du midi, de l’aube et du couchant,
Qui lui donne son vague, et bizarre, et doux chant.

L’homme, en dressant le bois des poteaux par la plaine,
Ne s’est pas souvenu que la nature est pleine
De soupirs, de sanglots, de notes, de frissons,
Et que toute la terre est un nid de chansons.

Où son travail posait l’appareil de physique,
La nature a su mettre un peu de sa musique.
Applique ton oreille, enfant, contre le bois.
Et ton cœur entendra la voix, la grande voix,

Murmurer comme un flot sans fin, lointaine et douce.
Écoute! C’est le grain qui poind, la fleur qui pousse;
Tous les germes obscurs qui vont sourdre du sol
Et tous ceux que la brise emporte dans son vol;

Tout ce qui veut jaillir près de tout ce qui tombe,
Car la terre est berceau comme la terre est tombe;
C’est la chose qui naît et la chose qui meurt;
C’est la mystérieuse et confuse clameur

De vie universelle éparse par l’espace.
Et tout cela tient dans ces fils où le vent passe
maîtresse, emplis bien de ce chant tout ton cœur.
Il dit qu’il faut aimer, et que l’amour vainqueur,

Dans les ruines, dans les morts, dans les désastres,
Anime les brins d’herbe aussi bien que les astres,
Et toujours plus vivace, en efforts plus ardents,
Palpite, et vibre, et souffle, et s’allume dedans

Les coins les plus perdus de l’immense matière.
Il dit qu’à moi tu dois te donner toute entière.
Viens, je ferai chanter mes baisers sur ton corps,
Et, tel qu’un violon dominant les accords,

Le cri de notre amour, comme un fou qui s’esclaffe.
Couvrira la chanson des fils du télégraphe.

(Jean Richepin)

 Illustration: Abel-Dominique Boyé

 

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DEPART (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 10 juillet 2016


 

DEPART

La gare du village avait des airs funèbres
Tassant son grand bloc d’ombre au milieu des ténèbres.

La gare du village avait des airs hostiles
Et les rails allongeaient leur froideur de reptiles.

Au moment des adieux pleurait le vent du nord,
Et la gare, on eût dit une maison de mort.

Quelques rouges fanaux trouaient le crépuscule
Et ces fanaux semblaient remplis de sang qui brûle,

Et tout là—bas, parmi les lointains solennels,
Les rails disparaissaient dans l’ombre des tunnels.

Tout le long de la voie aux feux phosphorescents
Les fils du télégraphe où parlent les absents,

Chuchotant à distance un rappel aux mémoires,
Alignaient dans la nuit leurs fils de harpes noires.

Et lorsque le convoi l’eut emportée au loin,
Je suis resté longtemps, inerte, dans un coin,

Dans un coin où le vent attristait sa musique,
A me sentir au coeur un mal presque physique,

Un mal d’écrasement et d’atroce langueur.
Comme si tout le train m’eût passé sur le coeur !

(Georges Rodenbach)

Illustration: Ryszard Miłek

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Girafe (Marc Alyn)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2016



Girafe

Quand je serai grand, je serai girafe
Pour être bien vu par les géographes.
Pas éléphant blanc, c’est trop salissant,
Ni serpent python, ni caméléon.

La girafe est belle, elle est une échelle
Entre sol et ciel, l’herbe et le soleil !

Mammouth, c’est trop tard et marsouin trop loin,
Le chameau a soif, le saurien a faim.

Tandis que girafe, on a de ces pattes !
Un cou bien plus haut que le télégraphe !

Le kangourou boxe, il reçoit des coups,
Il a une poche, mais jamais de sous.

Non, décidément, quand je serai grand,
Je serai girafe et vivrai cent ans.

Alors sa maman lui dit tendrement :
C’est trop d’ambition, mon petit gardon !

(Marc Alyn)

Illustration

 

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