Elle croyait qu’j’étais James Dean,
américain d’origine – le fils de Buffalo Bill,
Alors admiration
Faut dire qu’j’avais la chemise à carreaux,
la guitare derrière dans l’dos
Pour faire le cow-boy très beau
Mais composition
Elle me parlait anglais tout l’temps
J’lui répondais 2, 3 mots bidon
Des trucs entendus dans des chansons,
Consternation
Elle croyait qu’j’étais coureur,
qu’j’arrivais des 24 heures
Avec mon casque en couleur,
Alors admiration
J’lui disais drapeau à damiers dérapage bien contrôlé
Admirateurs fascinés,
Télévision
Elle me dit partons à la mer, dans ton bolide fendons l’air
Elle passe pas l’80 ma traction,
Consternation
J’suis mal dans ma peau en coureur très beau
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis qu’un mec à frime, bourré d’aspirine
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
Elle croyait qu’j’étais chanteur,
incognito voyageur, tournées, sonos, filles en pleurs,
Alors admiration
Faut dire qu’j’avais des talons aiguilles,
le manteau d’lapin d’une fille
Des micro-bracelets aux chevilles,
Exhibition
Elle me dit chante moi une chanson
J’ai avalé 2, 3 maxitons
Puis j’ai bousillé « Satisfaction »,
Consternation
J’suis mal dans ma peau en chanteur très beau
And I just go with my pince a vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis qu’un mec à frime bourré d’aspirine
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’habite chez ma grand-mère, derrière le garde-barrière
And I just go with ma pince à vélo
Je suis bidon, je suis bidon
J’suis mal dans ma peau en chanteur très beau
And I just go with my pince a vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis mal dans ma peau en coureur très beau
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
Je suis qu’un mec à frime, bourré d’aspirine
And I just go with my pince a vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’habite chez ma grand-mère, derrière le garde-barrière
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis bidon
chaque jour la ville tremble par deux fois
quand la femme passe
rapide et silencieuse,
un livre à la main,
ses cheveux lui couvrant la moitié du visage,
dans la grande rue
qui partage en deux la ville,
elle n’est pas une sainte
à qui l’huile coule du nez
ni une princesse heureuse
dans un musée de cire
ni une chanteuse prometteuse
sur le plateau de télévision,
les voitures s’arrêtent
les étudiants, les ouvriers et le fleuve s’arrêtent
au moment où elle passe rapide
son visage est une moitié de planète
à la lumière de la lune,
on dit qu’elle est étudiante en première année
et ouvrière précaire
dans la vieille usine de verre.
(Bandar Abd al-Hamid)
Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral
Elle met du vieux pain sur son balcon
Pour attirer les moineaux, les pigeons
Elle vit sa vie par procuration
Devant son poste de télévision
Levée sans réveil
Avec le soleil
Sans bruit, sans angoisse
La journée se passe
Repasser, poussière
Y’a toujours à faire
Repas solitaires
En points de repère
La maison si nette
Qu’elle en est suspecte
Comme tous ces endroits
Où l’on ne vit pas
Les êtres ont cédé
Perdu la bagarre
Les choses ont gagné
C’est leur territoire
Le temps qui nous casse
Ne la change pas
Les vivants se fanent
Mais les ombres, pas
Tout va, tout fonctionne
Sans but, sans pourquoi
D’hiver en automne
Ni fièvre, ni froid
Elle met du vieux pain sur son balcon
Pour attirer les moineaux, les pigeons
Elle vit sa vie par procuration
Devant son poste de télévision
Elle apprend dans la presse à scandale
La vie des autres qui s’étale
Mais finalement, de moins pire en banal
Elle finira par trouver ça normal
Elle met du vieux pain sur son balcon
Pour attirer les moineaux, les pigeons
Des crèmes et des bains
Qui font la peau douce
Mais ça fait bien loin
Que personne ne la touche
Des mois, des années
Sans personne à aimer
Et jour après jour
L’oubli de l’amour
Ses rêves et désirs
Si sages et possibles
Sans cri, sans délire
Sans inadmissible
Sur dix ou vingt pages
De photos banales
Bilan sans mystère
D’années sans lumière
Quelquefois, je regarde mon living,
et la chose la plus réelle qui s’y trouve est la télévision.
Elle est claire et vive
et le reste de ma vie me semble morne.
Alors, j’éteins cette foutue chose.
La girafe inventa le télégraphe,
l’antenne et la télévision
pour mieux savoir ce qui se passe
aux quatre coins de l’horizon.
Pour mieux entendre, pour mieux voir
sans périscope ni radar,
sans miradors, sans Tour Eiffel,
dans le sillage du soleil,
arriver le premier avion.
Oui, mais, oui, mais, comment fait-on
quand on est tout petit garçon
pour lui dire un mot à l’oreille?
Boulders, pub de brousse
à huit kilomètres de Tulbagh
au bout d’une route goudronnée.
Cabane en bois
dotée d’une table de billard
et de deux télévisions géantes.
Tu l’as encore loupé,
tu grognes. Si seulement
tu me disais quelque chose
du style, j’ai quelque chose
d’important à te dire.
Écoute-moi s’il te plaît.
D’un seul coup tu auras
toute mon attention.
Ne sais-tu pas que les femmes
feraient n’importe quoi
pour faire parler les hommes
Une fois encore cloué à un soir solitaire il
chercha dans sa mémoire les moments de bonheur, pouvant
justifier son existence, et il ravit une place dans le vaisseau spatial.
Puis il se souvint que sur l’écran de télévision il avait vu un homme
que les dauphins avaient accepté pour compagnon de jeu.
Ainsi donc ils s’ébattaient à la surface des eaux de l’océan
gorgés d’existence, les dauphins comme l’homme,
chaque geste réglé selon leur seule présence.
Alors dès la nuit suivante il décida d’apprendre à nager,
d’attendre les dauphins, d’oublier. – Il oublia.
Un serpent de mer arrive à bon port
il rencontre des journalistes
il leur explique quel est son sort
et pourquoi il se sent si triste
et d’où vient le fait qu’il existe
Au bout de peu de temps on se familiarise
on l’appelle par son petit nom
les femmes veulent lui faire des bises
un chasseur prépare du petit plomb
Quand il parle maintenant on ricane
plus question de lui à la télévision
on lui reproche d’obstruer la porte océane
ce qui amène de nombreuses protestations
Alors il retourne vers sa solitude marine
avant qu’on ne lui fasse un mauvais sort
s’il avait soufflé un peu de feu par les narines
peut-être aurait-il trouvé un plus accueillant port
On m’a souvent demandé : la poésie, à quoi ça sert ?
Avec l’air de dire, sourire en coin :
Mon pauvre Monsieur, ne vous donnez pas tant de mal,
avec la télévision, le cinéma, le foot et le loto, on a bien ce qu’il nous faut !
Et je ne savais pas que répondre
parce que la poésie pour moi a toujours été une chose naturelle
comme l’eau du ruisseau.
Mais j’ai beaucoup réfléchi, et aujourd’hui, je sais :
la poésie, c’est comme des lunettes.
C’est pour mieux voir.
Parce que nos yeux ne savent plus,
ils sont fatigués, usés.
Croyez-moi, tous ces gens autour de vous,
ils ont les yeux ouverts et pourtant petit à petit,
sans s’en rendre compte,
ils deviennent aveugles.
Il n’y a qu’une solution pour les sauver :
la poésie.
C’est le remède miracle :
un poème et les yeux sont neufs.
Comme ceux des enfants.
A propos des enfants d’ailleurs,
j’ai aussi un conseil à donner :
les vitamines A, B, C, D, ça ne suffit pas.
Si on ne veut pas qu’en grandissant
ils perdent leurs yeux magiques,
il faut leur administrer un poème par jour.
Au moins.