Posts Tagged ‘(Tennessee Williams)’
Posted by arbrealettres sur 23 juin 2017

Illustration: Chagall
Il est bon de se souvenir des merveilles que tu as accomplies dans le royaume d’en haut,
le gouffre et la forêt dotés d’une voix sensible,
le cours de la rivière modifié comme un bras change pliant le coude,
les instants prolongés par la douce vibration d’une corde que presse un doigt…
Mais ce n’étaient que merveilles naturelles comparées à ce que tu tentes dans le royaume d’en bas
et qui ne se réalisera pas,
non, qui ne se réalisera pas,
car tu dois apprendre, même toi, ce que nous avons appris,
qu’il est des choses destinées par leur nature à ne pas se réaliser,
mais seulement à être désirées et poursuivies un temps puis abandonnées.
Tu dois apprendre, même toi, ce que nous avons appris,
la passion qui existe en ce monde pour le déclin,
l’impulsion à tomber qui succède au jaillissement de la fontaine.
Rampe à présent, Orphée, ô fugitif à l’air honteux, rampe
à reculons sous le mur réduit en miettes de toi,
car tu n’es pas les étoiles dans le ciel en forme de lyre,
mais la poussière de ceux qu’ont démembrés les Furies !
***
It is all very well to remember the wonders that you have performed in the upper kingdom,
the chasm and forest made responsively vocal,
the course of a river altered as an arm alters when it is bent at the elbow,
the moments made to continue by the sweet vibrancy of a string pressed by a finger…
But those were natural wonders compared to what you
essay in the under kingdom
and it will not be completed,
no, it will not be completed,
for you must learn, even you, what we have learned,
that some things are marked by their nature to be not completed
but only longed for and sought for a while and abandoned.
And you must learn, even you, what we have learned,
the passion there is for declivity in this world,
the impulse to fall that follows a rising fountain.
Now Orpheus, crawl, O shamefaced fugitive, crawl
back under the crumbling broken wall of yourself
for you are not stars, sky-set in the shape of a lyre,
but the dust of those who have been dismembered by Furies!
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted in poésie | Tagué: (Tennessee Williams), abandonné, accomplir, apprendre, étoile, bas, bras, changer, ciel, corde, cours, déclin, désirer, doigt, doux, forêt, fugitif, furie, gouffre, haut, honteux, instant, jaillissement, merveille, miette, mur, passion, poussière, presser, prolongé, reculer, rivière, royaume, se réaliser, se souvenir, sensible, succéder, tenter, vibration, voix | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 23 juin 2017

Illustration: Salvador Dali
VIEUX AVEC CANNE
Les vieux quand ils se promènent
communiquent à distance,
leurs cannes claquant le sol ferré de l’hiver,
un, deux, répondant trois,
aussi irrégulier que le pouls sénile
qui les réchauffe un peu.
Tirées de la pochette qui pend
tel un testicule fané à leur taille ceinturée,
des perles sans lustre passent sans passion de l’un à l’autre ;
Les pierres ternes mais tenaces de la haine
sont entre eux trafiquées en douce.
Et la jeunesse avec honte
s’écarte de qui l’aime,
baisse les yeux et couvre
le lustre de sa nudité,
tousse et ne peut rendre le regard bien-aimé.
Les anciens, les anciens se promènent
sans but dans un paysage terne.
La lune est un faucon, à capuche ;
il va geler. Il va vraiment geler,
quand la cloche du lieu retentira
seules des cannes fanées claqueront sur le triste sol ferré de l’hiver.
***
OLD MEN WITH STICKS
Old men walking abroad
communicate across distances
by sticks clumping the iron earth of winter,
one, two, answering three,
irregular as the senile pulse
that warms them dimly.
Drawn from the pouch that hangs
like a withered testicle at the belted waist,
pearls without luster are passed without passion amongst them;
the dim but enduring stones of hatred
are trafficked amongst them by stealth.
And youth from his lover
draws apart in shame,
looks down and covers
the luster of his nudity,
coughs and cannot return the beloved look.
The ancients, the ancients are walking
aimlessly the dim country.
The moon is a falcon, hooded;
there will be frost. There will indeed be frost
when the bell of space rings
with only withered sticks clumping winter’s iron earth dully.
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted in poésie | Tagué: (Tennessee Williams), aimer, ancien, but, canne, claquer, cloche, communiquer, fané, faucon, geler, hiver, honte, jeunesse, lune, lustre, nudité, passion, paysage, perle, pochette, pouls, réchauffer, s'écarter, sénile, se promener, sol, testicule, trafiqué, vieux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017

Illustration: ArbreaPhotos
L’ÎLE NOUS RESTE EN MÉMOIRE
L’île nous reste en mémoire
comme le changement sur un miroir
ou une rivière souterraine.
L’île se perd en allant.
Elle semble être tranquille.
Une moitié à présent dans l’ombre
et pourtant elle augmente en allant,
aussi mémorable que les phases de la lune.
Elle fait des avances inaperçues
avec un semblant d’abandon ;
elle glisse entre les doigts,
une pierre au lustre laiteux…
Non, tu ne peux la tenir, elle
se tortille comme une femme ! Ses nuits
nous restent en mémoire : les yeux
d’or de la chèvre noire tirant sur sa
corde nous fixent quand nous passons,
le coq leghorn, blanc
comme un corps nu se tortillant, la croix
incluse dans un code secret, la nuit
incluse dans la rose…
Oh, le poids de nos flots
comparé à celui d’une île
Car nous sommes ancrés, l’île
un constant et blanc glissement !
***
THE ISLAND IS MEMORABLE TO US
The island is memorable to us
as the change of a mirror
or an underground river.
The island loses in going.
It appears to be still.
Half of it, now, is in shadow,
and yet it increases in going,
memorable as the moon’s changes.
It makes unnoticed advances
with an appearance of yielding;
it slips through the fingers,
a stone with a milky luster…
No, you cannot hold it, it
twists like a woman! Its nights
are memorable to us: the black
rope-straining goat’s golden
eyed gaze at our passings,
the leghorn rooster, white
as a bare body’s twisting, the cross
enclosed by the cipher, the night
enclosed by the rose…
Oh, heavy our flow
compared to the weight of an island!
For we are the anchored, the island
a constant white gliding!
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted in poésie | Tagué: (Tennessee Williams), abandon, ancre, augmenter, avance, île, changement, code, coq, croix, flot, glisser, inaperçu, inclus, laiteux, lune, lustre, mémoire, miroir, ombre, pierre, poids, présent, rivière, rose, se perdre, secret, souterrain, tenir, tortiller, tranquille | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017

Illustration
LES VILLES DEVIENNENT DES JOYAUX
Les villes deviennent des joyaux
à sept heures, le soleil couché,
perlées de lampadaires,
les galeries s’éclairent à plaisir…
Haute, haute, haute
est la fine musique de la nuit sur elles !
Oh, pourquoi ne sont-elles
ce que nous avons cru qu’elles étaient,
des gemmes incorruptibles,
de vrais diamants tombés dans l’eau ?
***
TOWNS BECOME JEWELS
Towns become jewels
at seven, after sunset,
pearled with lamps,
the arcades lit for pleasure…
High, high, high
is the night’s thin music above them!
Oh, why are they not
as once we believed they were,
incorruptible gems,
true diamonds dropped in water?
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted in méditations, poésie | Tagué: (Tennessee Williams), couché, croire, devenir, diamant, eau, fin, galerie, gemme, haut, incorruptible, joyau, lampadaire, musique, nuit, perle, plaisir, s'éclairer, soleil, tombe, ville | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017

Illustration: Paul Klee
MON PETIT
Mon petit dont la langue est muette,
dont les doigts ne peuvent tenir à rien
et la jeunesse est si impitoyable,
il saute sur tout ce qui lui vient,
je ne le retiens pas. D’ailleurs, qui le pourrait ?
Il court dans le bois en feu.
Suis-le, suis-le si tu peux
Il en ressortira grand comme un homme
ayant oublié ceux qu’il embrassait,
qui l’attrapaient par son mince poignet
et le tenaient sous un tendre joug
que, ne comprenant pas, il dénoue.
***
MY LITTLE ONE
My little one whose tongue is dumb,
whose fingers cannot hold to things,
who is so mercilessly young,
he leaps upon the instant things,
I hold him not. Indeed, who could?
He runs into the burning wood.
Follow, follow if you can!
He will come out grown to a man
and not remember whom he kissed,
who caught him by the slender wrist
and bound him by a tender yoke
which, understanding not, he broke.
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted in poésie | Tagué: (Tennessee Williams), attraper, bois, courir, dénouer, doigt, embrasser, feu, homme, impitoyable, jeunesse, joug, langue, muet, oublier, petit, poignet, ressortir, retenir, sauter, tendre, tenir, venir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017

Illustration: Pierre-Yves Vigneron
SA TÊTE SUR L’OREILLER
Le matin je l’ai regardé se lever
et regardé dormir la nuit,
et je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne de la Vierge Marie ;
je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne d’or de Marie.
Le coeur est attiré par des choses si légères
et la main par des choses si chaudes,
mais je le jure j’avais une pierre sur le coeur
quand la dame j’ai pris d’assaut ;
je le jure j’avais une pierre sur le coeur
quand je l’ai enfourchée à l’assaut.
Une ombre a couvert son visage cette nuit-là
et sa main les dentelles de sa chemise,
mais je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne de la Vierge Marie ;
je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne d’or de Marie.
***
HER HEAD ON THE PILLOW
In the morning I watched her rise
and in the night lie down,
and I swear that her head on the pillow was bright
as Holy Mary’s crown;
I swear that her head on the pillow was bright
as Mary’s golden crown.
The heart is drawn to a thing so light
and the hand to a thing so warm,
but I swear that I pressed a stone to my heart
when I took the lady by storm;
I swear that I pressed my heart to a stone
when I covered her by storm.
A shadow fell on her face that night
and her hand on the lace of her gown,
but I swear that her head on the pillow was bright
as Holy Mary’s crown;
I swear that her head on the pillow was bright,
as Mary’s golden crown.
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted in poésie | Tagué: (Tennessee Williams), assaut, attirer, briller, chaud, coeur, couronné, dame, dentelle, enfourcher, jurer, main, matin, or, oreiller, pierre, prendre, regarder, se lever, tête, vierge | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017
Illustration
BLUES DE LA PORTE DE CUISINE
La vieille lady est morte d’un banal coup de froid.
Elle fumait des cigares à quatre-vingt-dix ans.
L’était mince comme feuille, des os de cerf-volant :
Par la porte d’la cuisine s’est envolée un soir.
Bon je suis pas plus jeune qu’était ma vieille lady,
Quand elle a perdu pied, j’ai fumé des cigares.
Me sens en bout de course et j’ai l’air d’un pauv’ gars,
Alors pour l’amour de Dieu, ferme la porte d’la cuisine !
***
KITCHEN DOOR BLUES
My old lady died of a common cold.
She smoked cigars and was ninety years old.
She was thin as paper with the ribs of a kite,
And she flew out the kitchen door one night.
Now I’m no younger ‘n the old lady was,
When she lost gravitation, and I smoke cigars.
I feel sort of peaked, an’I look kinda pore,
So for God’s sake, lock that kitchen door!
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted in humour | Tagué: (Tennessee Williams), amour, banal, blues, cerf-volant, cigare, course, cuisine, fermer, feuille, froid, fumer, jeune, lady, mince, mort, os, perdre, pied, porte, s'envoler, vieille | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017

CABANE
La cabane était douillette et des roses trémières
Ornaient la porte quand il chuchota au travers.
Le soleil sur le seuil était d’un jaune ardent
Lorsqu’elle ouvrit à cet homme ou cet ouragan.
À présent la cabane s’effondre au vent d’hiver
Les cloisons tombent où dans le péché ils s’aimèrent.
Et la longue et blanche pluie balaie toute la cabane
Comme une vieille sorcière de son balai de paille !
***
CABIN
The cabin was cozy and hollyhocks grew
Bright by the door till his whisper crept through.
The sun on the sill was yellow and warm
Till she lifted the latch for a man or a storm.
Now the cabin falls to the winter wind
And the walls cave in where they kissed and sinned.
And the long white rain sweeps clean the room
Like a white-haired witch with a long straw broom!
From Blue Mountain
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017

L’HOMME SOLITAIRE
Ma chaise s’berce-berce dehors toute la journée
Personne jamais n’arrive â m’arrêter,
Personne jamais n’arrête dans mon allée.
Mes dents mâchent-mâchent jusqu’à l’os un jambon,
Je lave tout seul gamelles et bidons,
Tout seul je fais la vaisselle pour de bon.
Mes pieds clopinent sur le bois du plancher
Parce qu’on n’achète pas l’amour au marché,
Ne veux pas d’un amour qu’il faut payer.
L’horloge tictaque près de mon lit étroit
Et la lune lorgne ma tête qui ne dort pas,
La lune se marre d’une tête de vieux gaga.
***
LONESOME MAN
My chair rock-rocks by the door all day
But nobody ever stops my way,
Nobody ever stops by my way.
My teef chaw-chaw on an old ham bone
An’I do the dishes all alone,
I do the dishes all by my lone.
My feet clop-clop on the hardwood floor
Cause I won’t buy love at the hardware store,
I don’t want love from the mercantile store.
Now the clock tick tocks by my single bed
While the moon looks down at my sleepless head,
While the moon grins down at an ole fool’s head.
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017

HERBE CÉLESTE
Mes pieds ont foulé une herbe céleste.
Tout le jour le ciel a brillé comme verre.
Mes pieds ont foulé une herbe céleste.
La nuit les étoiles ont roulé solitaires.
Puis mes pieds sont venus fouler la terre
Et ma mère a crié me donnant naissance.
À présent mes pieds vite et loin avancent,
Mais les démange encore l’herbe céleste.
Mais les démange encore l’herbe céleste.
***
HEAVENLY GRASS
My feet took a walk in heavenly grass.
All day while the sky shone clear as glass.
My feet took a walk in heavenly grass,
All night while the lonesome stars rolled past.
Then my feet come down to walk on earth,
And my mother cried when she gave me birth.
Now my feet walk far and my feet walk Fast,
But they still got an itch for heavenly grass.
But they still got an itch for heavenly grass.
(Tennessee Williams)
Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers
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