Quelle foudre inflexible a pris ce corps en main,
l’a pétri, ravagé d’orages sans pitié !
Ce qui dévaste n’a pas de nom, pas de mains,
saisit l’esprit entier.
Il faut manger ses cris.
Et le corps en douleurs sent le vent de la peur,
un vide où rien ne protège plus de la mort,
l’espace du rien qui l’angoisse, l’humilie,
ne laisse plus qu’un noir entre lui et la mort.
La personne petite où se débat la vie
voit derrière son oui les arbres toujours verts,
puis soudain ce visage imprégné de noblesse,
presque inconnu dans sa douceur et sa noblesse,
rayonnant d’un souvenir qui n’a pas de fin,
et dans ses yeux tout ce qui reste de lumière.
(Jean Mambrino)
Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard
Inventer le retour du monde
après sa disparition.
Et inventer un retour vers ce monde
depuis notre disparition.
Et réunir les deux souvenirs
pour assembler tous les détails.
Il faut soumettre l’infini à des tests
pour voir s’il y résiste.
***
inventar el regreso del mundo
después de su desaparición.
E inventar un regreso a ese mundo
desde nuestra desaparición.
Y reunir las dos memorias,
para juntar todos los detalles.
Hay que ponerle pruebas al infinito,
para ver si resiste.
***
inventar o regresso do mundo
após o seu desaparecimento.
E inventar um regresso a esse mundo
a partir do nosso desaparecimento.
E reunir as duas memórias,
para juntar todos os detalhes.
É preciso pôr à prova o infinito
para ver se resiste.
To invent the return of the world
after its disappearance.
And to invent a return to this world
since our disappearance.
And to reunite the two memories
together in all its details.
One must submit infinity to tests
to see if it resists.
***
De terugkeer van de wereld uitvinden
na haar verdwijning.
En een terugkeer naar deze wereld uitvinden
vanaf onze verdwijning.
En beide herinneringen verenigen,
om alle details te verbinden.
Men dient de oneindigheid aan testen te onderwerpen,
om te zien of ze het uithoudt.
***
Die Rückkehr der Welt erfinden
nach ihrem Verschwinden.
Und eine Rückkehr zu dieser Welt erfinden
seit unserem Verschwinden.
Und beide Erinnerungen vereinen,
um alle Einzelheiten zusammenzuführen.
Man soll die Unendlichkeit auf die Probe stellen,
um zu sehen, ob sie es aushält.
***
दनियाु
की वापसी का आववष्कार करिे के लिए
इसके गायब होिे के बाद।
और इस दनु िया में वापसी का आववष्कार करिे के लिए
हमारे िापता होिे के बाद से।
और दो यादों को फिर से लमिािे के लिए
एक साथ इसके सभी वववरणों में।
एक परीक्षण के लिए अिंत प्रस्त
तु
करिा चाहहए
देखिा है फक क्या यह ववरोध करता है।
***
Inventare il ritorno del mondo
dopo la sua scomparsa.
E inventare il ritorno a questo mondo
fin dalla nostra scomparsa.
E raccogliere i due ricordi
per mettere insieme i suoi dettagli.
Bisogna mettere alla prova l’infinito
per vedere se resiste.
(Roberto Juarroz)
Recueil: Ithaca 594
Traduction: Français Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache / Espagnol / Portugais Maria do Sameiro Barroso / Chinois Zhou Dao Mo / Anglais Stanley Barkan / Néerlandais Germain Droogenbroodt / Allemand Wolfgang Klinck / Hindi Jyotirmaya Thakur / Italien Stanley Barkan – Luca Benassi /
Editions: POINTS
Dans un journal à fascicules
J´ai lu en lettres majuscules
Qu´on ne peut vivre sans calcul
En ce siècle où les automates
Sont les grands rivaux des primates
Qu´on ne peut plus vivre sans maths
Comme d´ailleurs depuis toujours
Quel que soit l´homme et ses recours
On ne peut vivre sans amour
Moi qui tiens fermement à vivre
Et qui suis lucide autant qu´ivre
J´ai uni le lit et le livre
J´ai rencontré au point critique
La femme la plus érotique
Une Vénus mathématique
Vive la nouvelle Vénus mathématique!
Au bal de l´Hôtel Terminus
Je vis soudain cette Vénus
Qui embrasa mes cosinus
C´était la folle nuit du rythme
Au bras d´un jeune sybarite
Elle exhibait ses logarithmes
C´était pour moi un jour de bol
La voilà qui me carambole
D´un grand sourire en hyperbole
C´était la grande nuit du rut
Le temps de pousser un contre-ut
Je l´attaquai comme une brute
Grâce à son triangle et son pis
Aussi rond que le nombre Pi
Elle augmenta mon entropie
Vive la nouvelle Vénus mathématique!
Et moi, très vite, j´adorai
Cette enfant qui suivait de près
De toute science les progrès
Les manuels, les opuscules
Les courbes, les tests, les calculs
Lui tenaient lieu de crépuscules
Au saint nom des mathématiques
Elle appliqua ses statistiques
À nos étreintes frénétiques
Au diable les gens qui attifent
Leur passion de préservatifs
Ou de retraits intempestifs
Bientôt, nous réglâmes tous nos
Exercices abdominaux
Selon la méthode Ogino
Vive la nouvelle Vénus mathématique
Et la Vénus aux équations
Me fit goûter des sensations
D´une nouvelle dimension
Les entités humanoïdes
Aux formes hyperboloïdes
Charment les spermatozoïdes
Dans mon vieux grenier en spirale
Chaque soir, quel concert de râles
Quand je frôlais son intégrale
Elle avait uni sans histoire
La mécanique ondulatoire
Et les positions giratoires
Mes caresses venaient en troupe
Selon la théorie des groupes
Pour réunir jambes et croupes
Vive la nouvelle Vénus mathématique
Hélas, un jour, un jour funeste
Elle me fit passer un test
Qui lui démontra sans conteste
En comparant des numéros
Que j´étais un pauvre zéro
Elle prit la tangente au trot
Avec ses courbes inconnues
Dans l´espace discontinu
Elle s´en alla toute nue
Vive la nouvelle Vénus mathématique!