– Qui es-tu, toi ?
Ce n’était pas un début encourageant pour une conversation.
Alice répondit, avec une certaine timidité :
-Je… Je ne sais pas vraiment, madame, pour le moment.
Du moins, je sais qui j’étais quand je me suis levée ce matin,
mais je pense que, depuis, j’ai dû changer plusieurs fois.
(Lewis Carroll)
Recueil: Alice au Pays des Merveilles / De l’autre côté du Miroir
Traduction:
Editions: Folio
Je sus à peine, être esseulé, que j’existais
et que je pourrais vivre ainsi cahin-caha,
que j’eus peur de cela même : la vie;
je voulus qu’on ne me vit pas,
qu’on ignorât mon existence.
Et je devins maigreur, pâleur, absence,
je ne voulus pas parler : il ne fallait pas
qu’on reconnût ma voix, je ne voulus pas voir
pour ne pas être vu,
je frôlai les murs en marchant :
j’étais une ombre aux pas glissants.
J’aurais bien mis des vêtements
de tuiles cassées, de fumée,
pour rester là, mais invisible,
pour être en tout présent, mais à distance,
et garder mon obscure identité
fixée au rythme du printemps.
Un visage de fille, le choc pur
d’un rire qui fendait le jour en deux
comme une orange en deux moitiés,
et je changeais de rue,
avide de vivre et craintif,
proche de l’eau sans en boire le froid,
proche du feu sans en baiser la flamme,
un masque d’orgueil me couvrit
et je fus mince et belliqueux comme une lance,
ne prêtant l’oreille à personne
— car je m’y opposais —
ma plainte
murée
comme le cri d’un chien blessé
au fond d’un puits.
L’amour, ce bel enfant
Doux et rieur
Qui sème le printemps
Au fond des coeurs
Fit fleurir en moi-même
Un frais jardin
O belles fleurs que j’aime
Qu’il vienne enfin!
Tu resteras toujours
Mon éternel amour
J’ai voulu te le dire
Et n’ai pu que sourire…
J’ai cueilli pour toi la fleur de mai,
Le perce-neige au parfum si frais
Mais toi, tu dédaignas
Ce bouquet délicat
Que ma timidité
Ose à peine effeuiller!
Tu resteras, chéri,
Mon unique souci
Tu resteras toujours
Mon seul amour!
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
Sur le palier,
plus haut que les marches qu’il n’a pas su compter,
il hésite et, plus heureux qu’après une grande victoire,
il redescend sans avoir seulement effleuré
de sa main lâche le cordon
auquel il aurait plutôt pendu son cou.