Ô vous qui ne tenez pas table ouverte
aux folies de printemps, à la renverse
des robes et des chairs qui s’ébrouent
vous qui vivez reclus dans l’aveugle
hiver des livres et ne touchez seins
croupe toison que dans le foulage
des lettres le velours des vélins
hâtez-vous car bientôt ne toucherez
plus que la nuit et la cendre des choses.
Pour ce rien cet impondérable
Qui fait qu’on croit à l’incroyable
Au premier regard échangé
Pour cet instant de trouble étrange
Où l’on entend rire les anges
Avant même que de se toucher
Pour cette robe que l’on frôle
Ce châle quittant vos épaules
En haut des marches d’escalier
Je vous aime Je vous aime
Pour la lampe déjà éteinte
Et la première de vos plaintes
La porte à peine refermée
Pour vos dessous qui s’éparpillent
Comme des grappes de jonquilles
Aux quatre coins du lit semés
Pour vos yeux de vague mourante
Et ce désir qui s’impatiente
Aux pointes de vos seins levés
Je vous aime Je vous aime
Pour vos toisons de ronces douces
Qui me retiennent me repoussent
Quand mes lèvres vont s’y noyer
Pour vos paroles démesure
La source le chant la blessure
De votre corps écartelé
Pour vos reins de houle profonde
Pour ce plaisir qui vous inonde
En long sanglots inachevés
Je vous aime Je vous aime
Mon chat, hôte sacré de ma vieille maison,
De ton dos électrique arrondis la souplesse,
Viens te pelotonner sur mes genoux, et laisse
Que je plonge mes doigts dans ta chaude toison.
Ferme à demi, les reins émus d’un long frisson,
Ton œil vert qui me raille et pourtant me caresse,
Ton œil vert semé d’or, qui, chargé de paresse,
M’observe d’ironique et bénigne façon.
Tu n’as jamais connu, philosophe, ô vieux frère,
La fidélité sotte et bruyante du chien :
Tu m’aimes cependant, et mon coeur le sent bien.
Ton amour clairvoyant, et peut-être éphémère,
Me plaît, et je salue en toi, calme penseur,
Deux exquises vertus : scepticisme et douceur.
(Jules Lemaître)
Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus
Filles d’ondes habillées sous le miroir des eaux,
nymphe adverse des algues qui poussent à l’envers,
ce sont vers moi tes jambes qui se meuvent, hors
la corolle sinueuse de la toison ouverte et la
perle incertaine de ton souffle.
Chrysanthèmes:
Ces énormes amoncellements et ces toisons de neige,
ces disques et ces globes de cuivre rouge,
ces sphères de vieil argent,
ces trophées d’albâtre et d’améthyste…
Recel nacré dans la toison sombre
de cette nuit en odeur froissée
échevelée en soi Bérénice
ce pleur de sel par fourrure épaisse
lumière noire en follets et flammes
dans tel cresson mes chevaux se battent
te délivrant écume en écume
rosée accrue ils la désétoilent
Rien qu’un enclos et les bergers
descendus, un à un, des cimes,
dans l’odeur chaude des toisons,
et voici que le jeu commence.
Nous sommes là, ceux de la terre,
à souffler dans les coquilles
nos songes nés entre les seins,
bêtes et gens, dans nos haleines,
à guetter le sens de la chair.
Nous sommes là, ceux de l’absence,
l’appel des autres dans nos voix ;
rien qu’une palme sur le ciel
où Dieu caché ne répond pas.