Posts Tagged ‘tolérer’
Posted by arbrealettres sur 20 avril 2022

Vagues
J’ai vu un Dieu minuscule
Assis
sous un parapluie bleu vif
Qui avait des glands blancs
Et des baleines d’or fourchues.
Au-dessous de lui
Son petit monde
S’expose au soleil.
L’ombre de Son chapeau
S’étale sur la ville.
Quand il étire Son bras
Un lac devient un sombre tremblement.
Quand il donne un coup de pied
Il fait nuit sur les cols des montagnes.
Mais tu es petit !
Il y a des dieux bien plus grands que toi ;
Ils s’élèvent et chutent,
Les dieux de la mer dévalant.
Ton coeur peut-il avoir de tels soupirs,
De tels cris sauvages et vains,
Un tel souffle venteux,
Une telle mort gémissante ?
Et ton bras peut-il envelopper
Le vieux,
Le froid,
L’immuable et épouvantable lieu
Où les hordes
De monstres de mer cornus
Et où les oiseaux hurlant
Se réunissent?
De ces hommes silencieux
Qui gisent dans
Nos prisons nacrées,
Peux-tu en faire ta proie?
Comme nous peux-tu rester
Attendant ton heure,
Et alors t’élever comme une tour
Et t’écraser et te fracasser?
Il n’y a ni arbres ni buissons
Dans mon pays,
Dit le Dieu minuscule.
Mais il y a des ruisseaux
Et des cascades
Et des pics montagneux
Couverts de jolies herbes.
Il y a de petites côtes et des ports sûrs,
Des grottes pour la fraîcheur et des plaines pour le soleil et le vent.
Joli est le son des rivières,
Jolie l’éclatante lumière
Des pics jolis.
Je suis satisfait.
Mais Ton royaume est petit,
Dit le Dieu de la Mer.
Ton royaume va choir,
Je ne peux te tolérer.
Tu es fier!
Avec un bruyant
Carillon de rires,
Il s’est redressé et a recouvert
Le pays du Dieu minuscule
De l’extrémité de sa main,
De la pointe de son doigt: Et après —
Le Dieu minuscule
Se mit à pleurer.
***
Waves
I saw a tiny God
Sitting
Under a bright blue Umbrella
That had white tassels
And forked ribs of gold.
Below him His little world
Lay open to the sun.
The shadow of His hat
Lay upon a city.
When he stretched forth His hand
A lake became a dark tremble.
When he kicked up His foot
It became night in the mountain passes.
But thou art small!
There are gods fargreater than thou;
They rise and fall
The tumbling gods of the sea.
Can thy heart heave such sighs,
Such hollow savage cries,
Such windy breath,
Such groaning death?
And can thy arm enfold
The o1d
The cold
The changeless dreadful place
Where the herds
Of horned sea-monsters
And the screaming birds
Gather together.
From those silent men That lie in the pen
Of our pearly prisons,
Canst thou hunt thy prey?
Like us cant thou stay
Awaiting thine hour,
And then rise like a tower
And crash and shatter?
There are neither trees nor bushes
In my country,
Said the tiny God
But there are streams
And waterfalls
And mountain peaks
Covered with lovely weed
There are little shores and safe harbours,
Caves for cool and plains for sun and wind.
Lovely is the sound of the rivers,
Lovely the flashing brightness
Of the lovely peaks.
I am content.
But Thy kingdom is small
Said the God of the Sea.
Thy kingdom shall fall,
I shall not let thee be.
Thou art proud
With a loud
Pealing of laughter,
He rose and covered
The tiny God’s land
With the tip of his hand
With the curl of his fingers:
And after—
The tiny God
Began to cry.
(Katherine Mansfield)
Recueil: Villa Pauline Autres Poèmes
Traduction: Philippe Blanchon
Editions: La Nerthe
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Posted in poésie | Tagué: (Katherine Mansfield), après, arbre, assis, attendre, au-dessous, éclatant, épouvantable, étirer, baleine, blanc, bleu, bras, bruyant, buisson, carillon, cascade, côte, chapeau, choir, chuter, coeur, col, combre, cornu, coup, couvert, cri, dévaler, Dieu, doigt, donner, envelopper, extrémité, fier, fourchu, fraîcheur, froid, gémissant, gésir, gland, grand, grotte, herbe, heure, homme, horde, hurler, immuable, joli, lac, lieu, lumière, main, mer, minuscule, monde, monstre, montagne, montagneux, mort, nacre, nuit, oiseau, ombre, or, parapluie, pays, petit, pic, pied, plaine, pleurer, pointe, port, pouvoir, prison, proie, recouvrir, rester, rire, rivière, royaume, ruisseau, s'écraser, s'élever, s'étire, s'exposer, satisfait, sauvage, sûr, se fracasser, se réunir, se redresser, silencieux, soleil, sombre, son, souffle, soupir, tolérer, tour, tremblement, vague, vain, vent, venteux, vieux, vif, ville, voir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2019

Notturno
En cette heure-là
tu étais devant ma bouche
comme une comète.
Je saisis tes mains
comme pour une prière.
Là où notre haleine se rejoignit
se trouvaient les incendies,
qui vifs s’enflammèrent
et sans égard me soulevèrent
en une vague.
Dans le désert aucun puits
jamais encore ne me fit
courber de soif
comme le tendon de tes blanches épaules.
Ton habit ajusté
ma main a toléré
plus qu’en hôte.
Tu étais mien.
Dans aucun mot, dans ton silence uniquement
je lisais ton bonheur.
Puis tu repris pourtant
le chemin du matin gris.
Combien de fois encore immobile, le regard fixe
et rêvant, je t’exige et t’attends et t’espère
et me tourmente en pensant de nouveau à toi.
Mais comme les présents trop rares
que l’on perd, aucun jour ne te ramène.
Combien de fois aussi je t’appelle
dans les plaintes et les prières.
Ton ombre est également une lumière
qui s’étend infiniment
Un son venu des profondeurs de la mer
Sur la corde de silence un chant.
Elle est la douleur à vif, étrangère
Et angoisse dans les rêves
Elle pousse un cri en se déchaînant
Dans un lâcher d’écume bouillonnant.
Dans la plus belle des nuits étoilées
La fraîcheur tout autour s’épanouit
Et sur le monde transfiguré
Une incandescence élevée jaillit.
***
Notturno
In jener Stunde
warst du vor meinem Munde
wie ein Komet.
Ich fasste deine Hände
wie zum Gebet.
Wo unser Hauch sich traf
standen die Brände,
die hell entfacht
mich ohne Bedacht
hoben zur Welle.
Wie deiner weissen Schultern Band
so hiess noch keine Quelle
in einem Wüstenland
mich dürstend neigen.
Dein schmiegendes Gewand
duldete meine Hand
mehr, denn als Gast.
Du warst mein Eigen.
In keinem Wort, nur deinem Schweigen
las ich dein Glück.
Dann gingst du doch zurück
den morgengrauen Weg.
Wieviele Male steh ich noch und starre
und träum, verlange dein und barre
und schmerze mich in neuem Dein-Gedenken.
Doch gleich den seltenen Geschenken,
Die man verliert, bringt dich kein Tag.
Wieviele Male ich auch klag
und betend nach dir rufe.
Dein Schatten ist ein Licht zugleich
Von ungemessner Weite
Ein Klang aus einem tiefen Meer
Ein Sang auf stiller Saite.
Und ist der wunde fremde Schmerz
Und Bangigkeit in Träumen
Und jauchzt entfesselt einen Ruf
In freiem Überschäumen.
Und in der schönsten Sternennacht
Ist Kühle rings im Blühen
Und über der verklärten Welt
Entspringt ein hohes Glühen.
(Ingerborg Bachmann)
Recueil: Toute personne qui tombe a des ailes
Traduction: Françoise Rétif
Editions: Gallimard
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Posted in poésie | Tagué: (Ingerborg Bachmann), ajuster, angoisse, appeler, attendre, écume, également, élever, épaule, étoile, beau, blanc, bonheur, bouche, bouillonner, chemin, comète, courber, cri, désert, de nouveau, espérer, exiger, fixe, fraîcheur, gris, habit, haleine, hôte, heure, incandescence, incendie, infiniment, jaillir, lâcher, lire, lumière, main, matin, monde, mot, nuit, ombre, penser, perdre, plainte, pousser, présent, prière, puits, ramener, rare, rêve, rêver, regard, reprendre, s'épanouir, s'étendre, s'enflammer, saisir, sans égard, se déchaîner, se rejoindre, se tourmenter, se trouver, silence, soif, soulever, tendon, tolérer, transfigurer, vague, vif | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 19 juillet 2018

Illustration: ArbreaPhotos
LE LAC S’ENDORT
Avec la paix de l’étang s’endormant
Et l’infini s’installant, qu’ils me laissent
L’amour, avec celui qui me l’adresse
Et dont la main fut un apaisement.
Mes petits malheurs oubliés d’avance,
Tombe mon canif, en sabre agrandi.
Avec ta fleur criarde tu pâlis.
T’éveille alors la branche du silence.
J’ignore ta parole : ça frémit.
Ses mots me sont étrangers, mais ça tonne.
Très fort serait donc l’amour qu’il me donne,
Pour dans mon coeur te tolérer ainsi.
(Attila József)
Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus
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Posted in poésie | Tagué: (Attila Jozsef), adresser, agrandir, amour, apaisement, étang, étranger, branche, canif, coeur, criard, donner, fleur, fort, frémir, ignorer, infini, lac, laisser, main, malheur, mot, oublier, paix, parole, pâlir, s'éveiller, s'endormir, s'installer, sabre, silence, tolérer, tomber, tonner | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 27 juin 2017

Traite des fleurs
Je ne puis traverser un marché aux fleurs sans me sentir
saisi d’une amère tristesse.
Il me semble que je suis dans un bazar d’esclaves, à Constantinople ou au Caire.
Les esclaves sont les fleurs.
Voilà les riches qui viennent les marchander;
ils les regardent, ils les touchent, ils examinent si elles sont dans
des conditions suffisantes de jeunesse, de santé et de beauté.
Le marché est conclu. Suis ton maître, pauvre fleur,
sers à ses plaisirs, orne son sérail,
tu auras une belle robe de porcelaine, un joli manteau de mousse,
tu habiteras un appartement somptueux;
mais adieu le soleil, la brise et la liberté: tu es esclave!
Pauvres fleurs! on les entasse les unes sur les autres,
on les laisse exposées au vent, à la poussière,
à toutes les intempéries des saisons.
Le passant s’arrête. Redressez-vous, pauvres fleurs, faites les coquettes;
c’est pour cela que le marchand vous a conduites au bazar,
c’est sur vous qu’il compte pour s’enrichir.
La plupart restent inclinées sur leur tige;
elles sont languissantes, faibles, étiolées: les fatigues d’un long voyage,
les ennuis de la captivité se lisent sur leurs feuilles pâles.
Que leur importe d’être belles!
Avant le soir elles auront passé sous les lois d’un maître inconnu.
Il est certain que la traite des fleurs est aujourd’hui un fait patent.
Le gouvernement la tolère et l’encourage.
Chaque année il expédie même sous le nom de voyageurs du Jardin des Plantes,
des espèces de corsaires qui vont çà et là sur tous les rivages,
font des descentes, des expéditions dans l’intérieur des terres,
et ramènent captives les fleurs dont ils ont pu s’emparer.
On les transporte en France, on leur donne une case au jardin du roi,
on les établit en familles; ces fleurs s’acclimatent, font des enfants,
et quand ils sont arrivés à un certain âge,
le gouvernement les arrache au sein de leur mère,
et les vend ou les donne à des particuliers.
Cela est affreux.
Quand donc les fleurs trouveront-elles
leur Wilberforce?
(J.J. Grandville)
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Posted in poésie | Tagué: (J.J. Grandville), année, âge, bazar, donner, esclave, fleurs, inclinée, jardin, marche, mère, rivage, s'acclimater, s'emparer, saison, sein, tolérer, traite | 4 Comments »
Posted by arbrealettres sur 22 août 2016

Projets
Tout contribue au philtre où baigne le poète.
Cette chambre elle-même a des vertus secrètes.
Ne me détrompez pas : tenu par son odeur
je trouve à votre sang une étrange vigueur.
Plions ce jaune corps à des songes pratiques !
Moi ne tolérant pas qu’une maigre logique
ravisse un si beau prêtre au culte de l’erreur,
je vous dis pastorale et pleine de fraîcheur.
A nous deux, cet hiver, indifférente épouse !
Sous la tonnelle morte aux couleurs de vos blouses
je saccage sans goût les appâts désolés
dont votre faux renom nourrit ma vanité.
Puisque l’on m’a lavé dans cette eau corrompue
je vais rester longtemps au tournant d’une rue
pour recevoir de vous avec placidité
le philtre desséché de ma sincérité.
(Odilon-Jean Périer)
Illustration: Edvard Munch
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Posted in poésie | Tagué: (Odilon-Jean Périer), appâts, étrange, baigner, chambre, contribuer, corps, culte, désséché, détromper, erreur, fraîcheur, goût, laver, logique, odeur, pastorale, philtre, placidité, plier, poète, prêtre, projet, ravir, sang, secret, sincérité, songe, tolérer, tonnelle, vanité, vertu, vigueur | Leave a Comment »