Verte, si Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière
Amples, si amples se déploient les saules du jardin
Belle, si belle cette femme qui se tient en haut des marches
Claire et brillante, elle apparaît dans la fenêtre
Charmant, si charmant son visage poudré
Fines, si fines ses mains blanches qui se découvrent
Autrefois chanteuse, elle ornait la maison de musique
La voilà aujourd’hui à un petit qui délaisse son foyer
Comment se résoudre à voir encore son lit inoccupé ?
Le banquet remplit le jour d’échos hilares
Et les joies délicieuses épuisent encore nos mots.
Comment dire cette merveille que le luth accentue
Son chant m’amène au voisinage céleste
Le génie musical embrase l’écoute de ceux qui s’attardent
Et c’est d’un seul coeur que nous portons l’élan de nos souhaits
Mais la fête entamée garde encore une pensée silencieuse
Les jours des hommes tourbillonnent puis se dispersent
Si peu de temps pour jouir du beau séjour !
Pourquoi ne pas laisser ses ambitions galoper ?
Pour être ainsi le premier arrivé aux commandes du monde
Pourquoi rester pauvre et ignoré,
Enlisé dans les marais aigres du ressentiment !
La première lune d’hiver annonce les courants froids
Le vent du nord s’engouffre cruel et tranchant.
J’endure la peine et sais la nuit longue.
Les étoiles hiérarques s’égrènent dans la nuit claire
Au quinzième jour, la lune est pleine
Et au vingtième déjà ses ombres se brisent.
Un voyageur pâle me tend une lettre seule.
J’ai lu au premier vers « amour immortel »
J’ai lu au dernier vers « douleur infinie d’être encore
J’ai conservé cette lettre dans les plis de ma robe
Trois ans déjà sont passés mais les mots n’ont pas blanchi.
Je m’offre entière à cette unique ferveur
Et je tremble que jamais tu n’en voies la valeur.
(Anonyme)
Les dix-neuf poèmes anciens des Han (ler siècle ap. J.-C.)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine je buste ta poitrine puis te visage
je te corsage
tu m’odeur tu me vertige
tu glisses
je te cuisse je te caresse
je te frissonne tu m’enjambes
tu m’insupportable
je t’amazone
je te gorge je te ventre
je te jupe
je te jarretelle je te bas je te Bach
oui je te Bach pour clavecin sein et flûte
je te tremblante
tu me séduis tu m’absorbes
je te dispute
je te risque je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi tu me tourbillonnes
tu m’effleures tu me cernes
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerines rouges
et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvre je t’invente
parfois tu te livres
tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dents je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues et te veines
je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris
Mes yeux ne cessent de chercher ta présence
dans cette opaque nuée
ne parvenant à te révéler qu’à moitié
mêlant sa substance primordiale
à la vérité de ton souffle
le secret et le chuchotement de tes signes
au parfum de tes sphères
J’en prends plein les narines
au coeur de cette effusion divine
Je tourbillonne dans les dédales de mes pensées
sans savoir si elles m’appartiennent réellement
ou si je te les emprunte par allusion
du moins voudrais-je te les prêter
pour qu’ensemble nous les habitions
Quelles pensées!
Autant de couleurs incarnant l’arc-en-ciel
dont elles épousent la composition
plus subtiles encore
car exhalant une gamme de transparences
se déclinant comme une symphonie
comme une dévotion
une caresse
la céleste sensation…
(Touria Iqbal)
Recueil: Anthologie des femmes poètes du monde arabe
Traduction: Maram al-Masri
Editions: Le Temps des Cerises
Quand tu es dans mes bras
Et que tu m’enivres des parfums
Du jardin fleuri de ton corps
Réceptacle vivant
Des cieux et des enfers
Mon coeur vrombit
Pivote se désintègre
Mon âme contemple
Dans tes yeux placides
Profondeurs nacrées
Aux mille arcs-en-ciel
Des appels envoûtants
Pour l’union des corps
Et mon cœur galope
Frémit se dilate
Prends mon amour
Les envols obligatoires
Des sens explosés
Où mon cœur tourbillonne
s’élevaient de toutes parts en tourbillonnant —
forêts-d’eau menaçantes.
Huttes murmurantes et arbres-gémissements —
Je me dirigeai vers le ruisseau noir —
Des oiseaux, semblables à des feuilles blêmes livrées au vent.
ORAGE S’APPRÊTANT
***
SCHWARZE TRAUERWETTERWOLKEN
rollten allüberall hoch
warnende Wasserwälder.
Raunige Hütten und Brummbäume —
Ich ging gegen den schwarzen Bach —
Vögel, gleich wie fahle Blätter im Wind.
Dans les bras du silence
Les toits bleuissent
Une aube indécise
Verse un air liquide
Sur la forêt assoiffée
A l’horizon le ciel épouse la terre
Dans un jour fait d’insectes et de fleurs
L’arbre dort encore
Les oiseaux le secouent
Pour le réveiller
Et en faire tomber
Des cerises à peine mûres
Le vent rampe à ras du sol
Tout mon être tressaille
Quand le matin étire
Ses bras nus caressés de soleil
Il circule des prémisses d’azur
Au flanc d’un nuage
Des couleurs tourbillonnent
Dans le flou au bout de la route
Où la colline déploie des clairs et des sombres
La mousse tourne autour des troncs
Et les brumes s’effilochent
A la pointe des branches
On écrit pour apaiser
Quelque chose
Mais quoi
Et de quelle façon
L’amour
Perdu
Jamais trouvé
L’amour présent
On ne l’écrit pas
Plus tard
Quand il sera parti
L’amour tout court
L’amour de tout
On cherche
On ne sait pas
Peut-être
Pour être
On le croit
Dehors les mots tourbillonnent
Avec les feuilles
Traversant la balançoire des répliques
Tu traverses ma peau d’écume
Avec ton regard