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Posts Tagged ‘trembler’

LA CHENILLE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2024




    
LA CHENILLE

Ses doigts sont fins et gelés
Son alliance tombe et
Cogne contre le bitume
Ses doigts tremblent au vent
Telles les feuilles d’automne
Lorsque la chenille rampe à ses pieds
La chenille d’un char
Aux pieds de sa fille

Deux types s’approchent et lui ordonnent
D’ouvrir ses mains comme pour applaudir
Scrutent son passeport une fois, deux fois
Auscultent ses doigts calleux
Décèlent des brûlures, juste des brûlures
Au lieu de l’ampoule à l’index
Qui dénonce la carabine de sniper
Ils prononcent son nom de soldat
À moins que ce ne soit pas le sien
Femme Salope

Ils la déshabillent
Ils la dévisagent
Ils s’allongent
L’outragent
Enragent
Ils sont neuf
(Son chiffre préféré)
En tenue bleue
(Sa couleur préférée)
En baskets trouées
(Ses chaussures préférées)
Neuf
Pour une échevelée
Une femme et non une salope

Et la petite fille s’est roulée en boule
Elle regarde sans pleurer
Elle ramasse l’alliance de maman
La met dans sa bouche comme un chien un os
Et regarde la chenille dévorer leur verte ville

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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CAMPAGNE (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2024




    
CAMPAGNE

Nuit verte.

Lentes
spirales violettes
tremblant
dans la boule en verre
du vent.
Somnolent dans les cavernes
les serpents du rythme.
Nuit verte.

***

CAMPO

Noche verde.

Lentas
espirales moradas
tiemblan
en la bola de vidrio
del aire.
Y en las cuevas dormitan
las serpientes del ritmo.
Noche verde.

(Federico Garcia Lorca)

Recueil: Romancero gitan Poème du chant profond
Traduction: Claude Esteban
Editions: Aubier

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Tremble mon âme (Frankétienne)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2024



Illustration: Jean-Marie Holterbach
    
Tremble mon âme sous la douleur de l’éveil,
la lourde immobilité d’un corps
indocile aux injonctions du soleil,
imperméable aux invectives de la foudre.

Toute écorchure mon oreille si sensible
aux respirations du temps présent
que j’écoute mourir doucement
les langoureux glissements d’un long soupir
qui plus tard en souvenir
sera devenu plaisir morbide.

(Frankétienne)

Recueil: Anthologie secrète
Editions: Mémoire d’encrier

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ÉGLOGUE (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
ÉGLOGUE

Dans la maison refermée
il fixe un objet dans le soir
et joue à ce jeu d’exister
un fruit tremble
au fond du verger
des débris de modes pompeuses
où pendent les dentelles
des morts
flottent en épouvantail à l’arbre
que le vent fait gémir
mais sur un chêne foudroyé
l’oiseau n’a pas peur de chanter
un vieillard a posé sa main
à l’endroit d’un jeune coeur
voué à l’obéissance.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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LE PAYSAGE (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
LE PAYSAGE

Cet homme à l’habit sombre
porte aux pieds des bottines hâves
où montent des insectes fins
les moellons de la maison
sont par le dur ciment liés
il grandit le hêtre rouge
le paysage est celui
où se déroulera
une bataille d’étrangers
dont l’air charriera les bruits
dans cette campagne altérée
où tremblent à peine les cimes.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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ENFANTEMENT (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2024




    

ENFANTEMENT

L’enfant tremblait en elle
au milieu des tissus roses
des veines bleues
du fiel sombre.
On voyait à travers la ville
cette femme dont les yeux
avec tout son corps
exprimaient la résignation
aux épuisantes constructions
de la chair et du sang.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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Accourez au secours de ma mort violente… (Théodore Agrippa d’Aubigné)

Posted by arbrealettres sur 13 février 2024



Illustration: Etienne-Maurice Falconet
    
Accourez au secours de ma mort violente…

Accourez au secours de ma mort violente,
Amants, nochers experts en la peine où je suis,
Vous qui avez suivi la route que je suis
Et d’amour éprouvé les flots et la tourmente.

Le pilote qui voit une nef périssante,
En l’amoureuse mer remarquant les ennuis
Qu’autrefois il risqua, tremble et lui est avis
Que d’une telle fin il ne perd que l’attente.

Ne venez point ici en espoir de pillage :
Vous ne pouvez tirer profit de mon naufrage,
Je n’ai que des soupirs, de l’espoir et des pleurs.

Pour avoir mes soupirs, les vents lèvent les armes.
Pour l’air sont mes espoirs volagers et menteurs,
La mer me fait périr pour s’enfler de mes larmes.

(Théodore Agrippa d’Aubigné)

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La première lune d’hiver (Pan Qie Yu)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024



Illustration: Wu Songting   
    
La première lune d’hiver annonce les courants froids
Le vent du nord s’engouffre cruel et tranchant.
J’endure la peine et sais la nuit longue.
Les étoiles hiérarques s’égrènent dans la nuit claire
Au quinzième jour, la lune est pleine
Et au vingtième déjà ses ombres se brisent.
Un voyageur pâle me tend une lettre seule.
J’ai lu au premier vers « amour immortel »
J’ai lu au dernier vers « douleur infinie d’être encore séparés »,
J’ai conservé cette lettre dans les plis de ma robe
Trois ans déjà sont passés mais les mots n’ont pas blanchi.
Je m’offre entière à cette unique ferveur
Et je tremble que jamais tu n’en voies la valeur.

(Pan Qie Yu)

(Ier siècle av. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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Triolet au visage (Claude Ber)

Posted by arbrealettres sur 1 février 2024




    
Triolet au visage

Aux doigts dessinant un visage
Viennent les mains se réfugier

Dans le trait tremblé d’un mirage
Aux doigts dessinant un visage
Contre la buée du vitrage
D’un revers de manche effacée

Aux doigts dessinant un visage
Viennent les mains se réfugier.

(Claude Ber)

Recueil: Anthologie Poèmes ouverts
Editions: POINTS

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