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Poésie

Posts Tagged ‘tressaillement’

ANDALOUSIE (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023




    
ANDALOUSIE

Cette terre a l’écorce de ses vieux sycomores,
La rudesse de ses pins, la douceur des lavandes,
Le parfum tourmenté des roseaux sur la lande,
Et dans son sang chrétien le fantôme des Mores.

Les oliviers crochus s’y tordent infiniment,
Cloués à des collines qui n’en finissent pas,
Et crucifiés d’ardeur sur leur brun Golgotha,
Ils languissent la pluie en verts tressaillements.

Quand le soir décadent incendie les remparts,
A l’heure où la montagne tourne fantomatique,
On peut voir indécise, sereine et famélique,
Quelque chèvre accrochée aux rochers du hasard.

Cette terre porte ses villes comme autant de diadèmes,
Cordoba la gitane et Séville la mauresque,
Et Granada la rouge et Cadiz l’arabesque,
Cette terre bâtit ses villes comme autant de poèmes.

Partout sont les mosquées et les blanches cathédrales,
Les minarets de fièvre et les clochers d’orgueil,
Les villages andalous assoupis sur le seuil,
Et la lourde torpeur de la mer orientale.

Ce pays est un rêve, un délire céramique,
Une harmonie bleutée de soleil et de mer,
Avec dans son âme le reproche doux-amer
D’une guitare flamenco sanglotant sa musique.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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Déclin d’amour (René-François Sully Prudhomme)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022




Déclin d’amour

Dans le mortel soupir de l’automne, qui frôle
Au bord du lac les joncs frileux,
Passe un murmure éteint : c’est l’eau triste et le saule
Qui se parlent entre eux.

Le saule : « Je languis, vois ! Ma verdure tombe
Et jonche ton cristal glacé ;
Toi qui fus la compagne, aujourd’hui sois la tombe
De mon printemps passé. »

Il dit. La feuille glisse et va jaunir l’eau brune.
L’eau répond : « Ô mon pâle amant,
Ne laisse pas ainsi tomber une par une
Tes feuilles lentement ;

« Ce baiser me fait mal, autant, je te l’assure,
Que les coups des avirons lourds ;
Le frisson qu’il me donne est comme une blessure
Qui s’élargit toujours.

« Ce n’est qu’un point d’abord, puis un cercle qui tremble
Et qui grandit, multiplié ;
Et les fleurs de mes bords sentent toutes ensemble
Un sanglot à leur pied.

« Que ce tressaillement rare et long me tourmente !
Pourquoi m’oublier peu à peu ?
Secoue en une fois, cruel, sur ton amante
Tous tes baisers d’adieu ! »

(René-François Sully Prudhomme)

Illustration

 

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Si on sortait la tête hors du trou (Charles Dobzynski)

Posted by arbrealettres sur 31 août 2022


mythe-des-cavernes--C-

– Si on sortait la tête
hors du trou
on verrait quoi?

– Un autre trou
plus profond.
Tu ne progresses
tu ne gravites
qu’n faisant le vide.

– Détenu sur la parole
de mon judas,
de mon jadis,
je suis l’âme-icône
qui ne s’explique avec ses feuilles
qu’à travers tes nervures.

– C’est vrai je l’entends bruire
ce rebut de lèvres,
des ruines parcourues de tressaillements.
Chien d’aveugle il faut dresser l’aube.

(Charles Dobzynski)

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RITUEL D’AMPLIFICATION DU MONDE (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2020



 

Tereza Vlcková -a-perfect-day-elise...-10

RITUEL D’AMPLIFICATION DU MONDE

Je commencerai par être
un verbe
sans limites
un langage
où rien ne serait dit
mais tout pressenti
dans le monde visible
et nulle part ailleurs
un grain de sable
qui dialogue avec les dieux
une élévation
dans l’affection et le bruit neufs
un miracle inouï
sous le soleil de la conscience
je commencerai par être
en devenant ce que je suis

Je commencerai par être
un dispositif
d’émerveillement
un voyage
au bout du possible
vers
ce qui m’apprend
à mourir
la raison
la plus silencieuse
en moi-même
le loup
chaviré
d’une langue universelle
je commencerai par être
là voix d’une résonance

Je commencerai par être
un souffle
d’année-lumière
contre le vertige
de la tentation
du malheur
une anthologie
des bouleversements
un retour
de nuit blanche
qui coule
dans les veines
une tendresse
démesurée
je commencerai par être
au milieu de la poussière

Je commencerai par être
un sourire
blessé
une fêlure
centrale
un tressaillement
une souveraineté
fluide
tendue
la part donnée
offerte
au vide
une salve
dans l’imprévisible
je commencerai par être
avec la peau des dents

Je commencerai par être
le refus
de rêver pareil
le refus
du bureaucrate intérieur
une exaltation sereine
un visage
qui se transforme
en tigre
à chaque émotion
un visage sans visage
qui accueille
tous les visages
un tremblement de ciel
je commencerai par être
jusqu’au paroxysme

Je commencerai par être
mille kilomètres
de battements
de coeur
à la seconde
ici-haut
contre tous les robots
couleur chair
un saut
dans la vie
un saut
dans le vide
un saut
de lumière noire
je commencerai par être
une pulpe d’aimantation

Je commencerai par être
un soir
d’anéantissement
la plus haute
obstination
une science
de l’excès
l’empreinte
digitale
de la mort dans la vie
le toujours
maintenant
la parfaite
insoumission
je commencerai par être
à bout portant

Je commencerai par être
celui qui
chaque jour
découvre l’infinie
première fois
la parure du chaos
l’abandon
des masques
l’éclosion accélérée
d’une fleur de sens
celui qui
ne veut plus
traduire la vie
en cendres mortes
je commencerai par être
incomparable

Je commencerai par être
au diapason
d’un vent bleu
une danse exacerbée
des atomes
une mise au jour
de l’ossature du temps
le feu insoupçonné
de ma propre consumation
une vigilance détendue
une porte battante
qui va et qui vient
quand j’inspire
quand j’expire
je commencerai par être
jusqu’au bout du monde

Je commencerai par être
un maquisard de l’esprit
un étoilement
de précipices
pour saluer sans fin
les grands isolés
une secousse
de moelle
à mourir de fou rire
un accomplisseur
secret
préférant le coup de sang
au coup de dés
un infini départ
je commencerai par être
repassionné

(Zéno Bianu)

Illustration: Tereza Vlcková

 

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Sur le vif (James Noël)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2019




Illustration: ArbreaPhotos
    
Sur le vif

La beauté
est celle qui palpite dans l’instant
celle qu’on saisit par tressaillement
ou par erreur

(James Noël)

 

Recueil: Des poings chauffés à blanc
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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Paix (Ephraïm)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018



Paix sur toi détresse au front déchirure
Paix sur toi tendresse meurtrie
Paix sur toi soleil qui sombre dans la mer
Sans bruit

Sans célébration et sans chant de l’union des contraires
Sans le tressaillement des noces de l’eau et du feu
Paix sur toi douleur offerte et tranquille
Paix sur toi mon âme sur ton goût d’exil
Paix sur tes larmes presque de sang
Paix sur toi tristesse calme
paix sur toi aurore promise
Paix sur toi ville splendide

Amour ne se mutile
Amour se divinise-

Paix sur toi néant que jamais ne goûtera ma vie

(Ephraïm)

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Du fond de mon coeur des larmes me viennent (Blaise Cendrars)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018



 

bordel jeune fille

[…]
Du fond de mon coeur des larmes me viennent
Si je pense, Amour, à ma maîtresse;
Elle n’est qu’une enfant, que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée, au fond d’un bordel.

Ce n’est qu’une enfant, blonde, rieuse et triste,
Elle ne sourit pas et ne pleure jamais;
Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire,
Tremble un doux lys d’argent, la fleur du poète.

Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
Avec un long tressaillement à votre approche;
Mais quand moi je lui viens, de-ci, de-là, de fête,
Elle fait un pas, puis ferme les yeux – et fait un pas.
Car elle est mon amour, et les autres femmes
N’ont que des robes d’or sur de grands corps de flammes,
Ma pauvre amie est si esseulée,
Elle est toute nue, n’a pas de corps – elle est trop pauvre.

Elle n’est qu’une fleur candide, fluette,
La fleur du poète, un pauvre lys d’argent,
Tout froid, tout seul, et déjà si fané
Que les larmes me viennent si je pense à mon coeur.

[…]

(Blaise Cendrars)

 

 

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APAISEMENT NOCTURNE (Henri de Régnier)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2018



 

Franz Skarbina  79

APAISEMENT NOCTURNE

Le souffle lent du soir défleurit les lilas
Amoncelant au pied d’odorantes jonchées
De ces petites fleurs qui craquent sous mes pas.

Mon âme est douloureuse et mon coeur est très las.
Sur la toiture, des colombes sont perchées
Attristant l’air du soir d’un long roucoulement ;
Il tombe de leur bec des plumes arrachées.

Il neige dans mon coeur des souffrances cachées.

Au bassin, le jet d’eau rejaillit tristement
Ridant l’onde qui dort de cercles concentriques,
Et les plantes du bord ont un tressaillement.

Au cour les souvenirs pleurent confusément.

Voici la nuit qui vient et ses folles paniques
Le vent ne souffle plus, le ramier s’est enfui,
Le jet d’eau se lamente en des plaintes rythmiques,

Et tes yeux grands ouverts me suivent dans la nuit.

(Henri de Régnier)

Illustration: Franz Skarbina

 

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Ode (Attila Jozsef)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2018



Ode

Me voici sur ce rocher scintillant…
La brise légère
Du jeune été s’élève de la terre
Comme la chaleur d’un souper charmant.
J’habitue mon cœur au silence, et vraiment
Ce n’est pas très difficile…
Ce qui s’est évanoui se rassemble autour de moi,
Ma tête s’incline et mes doigts
S’abandonnent, dociles.

Je contemple la crinière des monts.
Chaque fleur qui frissonne
Fait vibrer l’éclat de ton front.
Sur la route, personne, personne…
Je vois ta robe
Flotter au vent;
Sous les frêles branches,
Je vois ta chevelure qui se penche

Et de tes seins le doux tressaillement;
Puis, de la rivière Szinva, qui va courant,
Je vois de nouveau surgir
Sur les petits galets de tes dents
Un féerique sourire.

(Attila Jozsef)


Illustration: Fanny Verne

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SONNET ASTRONOMIQUE (Charles Cros)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2018


 


 

Jean Delville le26

SONNET ASTRONOMIQUE

Alors que finissait la journée estivale,
Nous marchions, toi pendue à mon bras, moi rêvant
À ces mondes lointains dont je parle souvent.
Aussi regardais-tu chaque étoile en rivale.

Au retour, à l’endroit où la côte dévale,
Tes genoux ont fléchi sous le charme énervant
De la soirée et des senteurs qu’avait le vent.
Vénus, dans l’ouest doré, se baignait triomphale.

Puis, las d’amour, levant les yeux languissamment,
Nous avons eu tous deux un long tressaillement
Sous la sérénité du rayon planétaire.

Sans doute, à cet instant deux amants, dans Vénus,
Arrêtés en des bois aux parfums inconnus,
Ont, entre deux baisers, regardé notre terre.

(Charles Cros)

Illustration: Jean Delville

 

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