Je tue le temps en taillant dans la houille.
Engorgé je me débarrasse ou j’essaie.
Je tue le temps au vin rouge, à la délicatesse,
à la franche gaieté, à la morale,
à l’excès de zèle, à qui perd gagne, à la boussole,
avec un miroir d’emprunt,
avec un regard farouche,
avec un sourire componctueux,
avec une envie de pleurer.
Je tue le temps à creuse rêverie,
avec un marteau-piqueur, avec un petit flageolet,
avec une superbe convoitise,
avec une raillerie épaisse,
en toute bonne foi, avec un oeil en coin,
avec les discours habituels, avec des mots écrits,
avec du vent.
Je n’approche pas du recours imaginé.
Je tue le temps. Je taille en suffoquant, j’essaie.
Je tue le temps. Si un faucon au poing j’allais,
je saurais faire.
(André Frénaud)
Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard
Biquette n’veut pas sortir du chou!
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher le chien
Afin de mordre Biquette
On envoie chercher le chien
Afin de mordre Biquette
Le chien ne veut pas mordre Biquette
Biquette ne veut pas sortir du chou.
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher le loup
Afin de manger le chien
On envoie chercher le loup
Afin de manger le chien
Le loup ne veut pas manger le chien
Le chien ne veut pas mordre Biquette
Biquette ne veut pas sortir du chou.
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher l’bâton
Afin d’assommer le loup
On envoie chercher l’bâton
Afin d’assommer le loup
Le bâton n’veut pas assommer le loup
Le loup ne veut pas manger le chien
Le chien ne veut pas mordre Biquette
Biquette ne veut pas sortir du chou
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher le feu
Afin de brûler l’bâton
On envoie chercher le feu
Afin de brûler l’bâton
Le feu ne veut pas brûler le bâton
Le bâton n’veut pas assommer le loup
Le loup ne veut pas manger le chien
Le chien ne veut pas mordre Biquette
Biquette ne veut pas sortir du chou
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher de l’eau
Afin d’éteindre le feu
On envoie chercher de l’eau
Afin d’éteindre le feu
L’eau ne veut pas éteindre le feu
Le feu ne veut pas brûler le bâton
Le bâton n’veut pas assommer le loup
Le loup ne veut pas manger le chien
Le chien ne veut pas mordre Biquette
Biquette ne veut pas sortir du chou
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher le veau
Pour lui faire boire de cette eau
On envoie chercher le veau
Pour lui faire boire de cette eau
Le veau ne veut pas boire de cette eau
L’eau ne veut pas éteindre le feu
Le feu ne veut pas brûler le bâton
Le bâton n’veut pas assommer le loup
Le loup ne veut pas manger le chien
Le chien ne veut pas mordre Biquette
Biquette ne veut pas sortir du chou
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher l’boucher
Afin de tuer le veau
On envoie chercher l’boucher
Afin de tuer le veau
Le boucher n’veut pas tuer le veau
Le veau ne veut pas boire de cette eau
L’eau ne veut pas éteindre le feu
Le feu ne veut pas brûler le bâton
Le bâton n’veut pas assommer le loup
Le loup ne veut pas manger le chien
Le chien ne veut pas mordre Biquette
Biquette ne veut pas sortir du chou
Ah! Tu sortiras, Biquette, Biquette
Ah! Tu sortiras de ce chou-là !
On envoie chercher le diable
Pour qu’il emporte le boucher
On envoie chercher le diable
Pour qu’il emporte le boucher
Le diable veut bien prendre l’boucher
Le boucher veut bien tuer le veau
Le veau veut bien boire de cette eau
Cette eau veut bien éteindre le feu
Le feu veut bien brûler le bâton
Le bâton veut bien assommer le loup
Le loup veut bien manger le chien
Le chien veut bien mordre Biquette
Biquette veut bien sortir du chou
Ah! Tu es sortie, Biquette, Biquette
Ah! Tu es sortie, j’te l’avais dit
Ah! Tu es sortie, Biquette, Biquette
Ah! Tu es sortie, j’te l’avais dit
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Reste l’amour qui nous enlève de tout sans nous sauver de rien.
La solitude est en nous comme une lame, profondément enfoncée dans les chairs.
On ne pourrait nous l’enlever sans nous tuer aussitôt.
L’amour ne révoque pas la solitude. Il l’a parfait. il lui ouvre tout un espace pour brûler.
L’amour n’est rien de plus que cette brûlure, comme au blanc d’une flamme.
Une éclaircie dans le sang. Une lumière dans le souffle. Rien de plus.
Et pourtant il me semble que toute une vie serait légère penchée sur ce rien.
Légère, limpide : l’amour n’assombrit pas ce qu’il aime.
Il ne l’assombrit pas parce qu’il ne cherche pas à le prendre. il le touche sans le prendre.
Il le laisse aller et venir. Il le regarde s’éloigner, d’un pas si fin qu’on ne l’entend pas mourir :
éloge du peu, louange du faible.
L’amour s’en vient, l’amour s’en va. Toujours à son heure, jamais à la nôtre.
Il demande, pour venir, tout le ciel, toute la terre, toute la langue.
Il ne saurait tenir dans l’étroitesse d’un sens.
Il ne saurait même pas se se contenter d’un bonheur.
L’amour est liberté.
La liberté ne va pas avec le bonheur. Elle va avec la joie.
La joie est comme une échelle de lumière dans notre coeur.
Elle mène à bien plus, plus haut que nous, à bien plus haut qu’elle :
là où plus rien n’est à saisir, sinon l’insaisissable.
Peut-être, quand viendra la nuit
Vais-je poser mes mains autour de ton visage?
Une lampe assourdie balancera le vent
Qui monte des ravins d’octobre avec la pluie
Tu t’approcheras, nue, entre les murs bâtis
Mais je ne connaîtrai de toi que ton visage.
Je retiendrai l’instant comme une écluse haute
Capable d’emporter deux corps dans un courant
Je dirai la raison sourde des marécages
Croupis dans une attente à goût d’orage et d’eau.
Je tiens la nuit contre ma bouche
D’un souffle si léger, si pur
Qu’il entretient le feu des pierres.
Un geste pourrait dévaster
Les jardins en pente du jour;
Le plus court hasard nous tuerait
En ce territoire incertain.
Je reste en vie si loin de toi
Mon absente, ma déferlante
Parce qu’aux confins fous du sang
Luit le pavot bleu du plaisir.
(Luc Bérimont)
Recueil: Le sang des hommes
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Les livres dont s’emplit la chambre
comme des harpes éoliennes s’émeuvent
quand passe le vent venu des orangers
et la lettre sans la page incrustée
se retient
au blanc papier de lin
et la guerre au loin tonne
dans cet automne flamboyant
tuant la maîtresse avec l’amant
au bord d’un vieux rivage.
Tuez
Dépouillez
Videz
Coupez
Enflammez
Fendez la peau du cou
Enlacez les pattes
Cordez les ailes
Pilez les foies
Hachez menu
Faites sauter
Faites rôtir
Supprimez la tête
Laissez refroidir
– La cuisine c’est la guerre –
Oui Chef
(Michel Besnier)
Recueil: Cuisine au beurre noir
Traduction:
Editions : Møtus