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TOMBE DE LUMUMBA (Langston Hughes)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2023



Patrice Lumumba
    
TOMBE DE LUMUMBA

Lumumba était noir
Et il ne faisait pas confiance
À ces putains toutes poudrées
De poussière d’uranium.

Lumumba était noir
Et il ne croyait pas
À ces mensonges que les voleurs agitaient
Dans leur tamis « liberté ».

Lumumba était noir.
Son sang était rouge —
Et pour avoir été un homme
Ils l’ont tué.

Ils ont enterré Lumumba
Dans une tombe sans épitaphe.
Mais il n’a pas besoin d’épitaphe —
Car l’air est sa tombe.

Le soleil est sa tombe,
La lune l’est, les étoiles le sont,
L’espace est sa tombe.

Mon coeur est sa tombe,
Et là est son épitaphe.
Demain son épitaphe sera
Partout.

***

LUMUMBA’S GRAVE

Lumumba was black
And he didn’t trust
The whores all powdered
With uranium dust.

Lumumba was black
And he didn’t believe
The lies thieves shook
Through their « freedom » sieve.

Lumumba was black.
His blood was red—
And for being a man
They killed him dead.

They buried Lumumba
In an unmarked grave.
But he needs no marker—
For air is his grave.

Sun is his grave,
Moon is, stars are,
Space is his grave.
My heart’s his grave,
And it’s marked there.
Tomorrow will mark
It everywhere.

(Langston Hughes)

Recueil: La panthère et le fouet
Traduction: Pascal Neveu
Editions: YPSILON

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Nous y voilà, nous y sommes ! (Fred Vargas)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2020




    
Nous y voilà, nous y sommes !

Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.

Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal.
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.

Nous avons chanté, dansé.

Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.

Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air,
nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde,
nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche,
nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.

On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles,
comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre,
déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome,
enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

Franchement on s’est marrés.

Franchement on a bien profité.

Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses
que de biner des pommes de terre.

Certes.

Mais nous y sommes.

A la Troisième Révolution.

Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

Oui.

On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.

C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.

La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.

De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.

Son ultimatum est clair et sans pitié :

Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).

Sauvez-moi, ou crevez avec moi.

Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.

D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.

Peine perdue.

Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.

Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs,
éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin,
relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, (attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille)
récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines,
on s’est quand même bien marrés).

S’efforcer. Réfléchir, même.

Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.

Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.

Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.

Pas d’échappatoire, allons-y.

Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.

Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.

A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut être.

A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.

A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

(Fred Vargas)

Fred Vargas – 7 novembre 2008 – EuropeEcologie.fr

Lu mise en musique par Philippe Torreton et Richard Kolinka
https://twitter.com/elsaboublil/status/1253749194910838785?s=20

 

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L’APOCALYPSE (Kôichi Kihara)

Posted by arbrealettres sur 2 mai 2018



 

L’APOCALYPSE
MOKUJI

(En 1945, en même temps que beaucoup
de gens une jeune fille a été tuée par la
bombe atomique larguée sur Hiroshima.
Une partie de son corps est restée sur la
Terre, reflet fidèle du visage de la victime.)

Je ne suis pas un visage humain
épinglé à un morceau de gaze à pansement
nul n’a besoin de me faire taire

l’uranium m’est resté entre les dents
le plutonium grouille au bout de mes narines
l’hélium brille dans les orbites de mes yeux invisibles
des pluies de poison ont inondé
le monde d’aujourd’hui
à peine un petit écueil

je ne suis qu’une cendre d’un bout d’homme
dormant sur un morceau de gaze à pansement
mes autres parties perdues m’appellent par-delà l’horizon

regarde les nuages d’uranium
qui transpercent la terre et la mer de ténèbres
écoute la pluie d’hélium
qui tombe sur les toits et les fenêtres de silence

enfant d’homme
ne péris pas de ta propre main

les êtres vivants d’aujourd’hui
sauterelles qui s’avancent dans les champs dévastés

(Kôichi Kihara)

 

 

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