Mont bleu côtoyant les remparts du nord
Eau claire entourant la muraille à l’est
En ce lieu nous allons nous séparer
Tu seras herbe, sur dix mille li, errante
Nuage flottant : humeur du vagabond
Soleil mourant : appel du vieil ami
Adieu que disent les mains. Ultime instant :
On n’entend que les chevaux qui hennissent
(Li Bo)
Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil
Mon amour, si je meurs et si tu ne meurs pas
Mon amour, si tu meurs et si je ne meurs pas
N’accordons pas à la douleur plus grand domaine
Nulle étendue ne passe celle de nos vies.
Poussière sur le blé, et sable sur les sables
L’eau errante et le temps, et le vent vagabond
Nous emportaient tous deux comme graine embarquée
Nous pouvions dans ce temps ne pas nous rencontrer.
Et dans cette prairie où nous nous rencontrâmes
Mon petit infini, nous voici à nouveau
Mais cet amour, amour, est un amour sans fin,
Et de même qu’il n’a pas connu de naissance il
ignore la mort, il est comme un long fleuve, Il
Change seulement de lèvres et de terre.
(Pablo Neruda)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: J. marcenac et A. Bonhomme
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi
Nuages vagabonds, éternels pèlerins
Par la steppe azurée, en des colliers de perles,
Vos libres flots, sans être ainsi que moi contraints,
Du nord abandonné vers le sud se déferlent.
Qu’est-ce qui vous poursuit: implacable destin,
Secrète jalousie ou haine qui se terre,
Ou portez-vous le poids d’un crime clandestin,
Sentez-vous des amis le souffle délétère?
Vous en avez assez de ces plaines flétries.
Exempts de passions, gardant votre équilibre,
Vous ignorez l’exil, à défaut de patrie,
Eternellement froids, éternellement libres.
(Michel Lermontov)
Recueil: Michel Lermontov Poèmes
Traduction: Igor Astrow
Editions: Du Tricorne
Nous sommes allongés
Sur l´herbe de l´été.
Il est tard.
On entend chanter
Des amoureux et des oiseaux.
On entend chuchoter
Le vent dans la campagne.
On entend chanter la montagne.
J´ai ta main dans ma main.
Je joue avec tes doigts.
J´ai mes yeux dans tes yeux
Et partout, l´on ne voit
Que la nuit, belle nuit, que le ciel merveilleux,
Tout fleuri, palpitant, tendre et mystérieux.
Viens plus près, mon amour,
Ton cœur contre mon cœur
Et dis-moi qu´il n´est pas de plus charmant bonheur
Que ces yeux dans le ciel, que ce ciel dans tes yeux,
Que ta main qui joue avec ma main.
Je ne te connais pas.
Tu ne sais rien de moi.
Nous ne sommes que deux vagabonds,
Fille des bois, mauvais garçon.
Ta robe est déchirée.
Je n´ai plus de maison.
Je n´ai plus que la belle saison
Et ta main dans ma main
Qui joue avec mes doigts.
J´ai mes yeux dans tes yeux
Et partout, l´on ne voit
Que la nuit, belle nuit, que le ciel merveilleux,
Tout fleuri, palpitant, tendre et mystérieux.
Viens plus près, mon amour,
Ton cœur contre mon cœur
Et dis-moi qu´il n´est pas de plus charmant bonheur.
On oublie l´aventure et la route et demain
Mais qu´importe puisque j´ai ta main.
Mais qu´importe puisque j´ai ta main.
Mais qu´importe puisque j´ai ta main.
Je chante !
Je chante soir et matin,
Je chante sur mon chemin
Je chante, je vais de ferme en château
Je chante pour du pain je chante pour de l’eau
Je couche
Sur l’herbe tendre des bois
Les mouches
Ne me piquent pas
Je suis heureux, j’ai tout et j’ai rien
Je chante sur mon chemin
Je suis heureux et libre enfin.
Les elfes
Divinités de la nuit,
Les elfes
Couchent dans mon lit.
La lune se faufile à pas de loup
Dans le bois, pour danser, pour danser avec nous.
Je sonne
Chez la comtesse à midi :
Personne,
Elle est partie,
Elle n’a laissé qu’un peu d’riz pour moi
Me dit un laquais chinois
Je chante
Mais la faim qui m’affaiblit
Tourmente
Mon appétit.
Je tombe soudain au creux d’un sentier,
Je défaille en chantant et je meurs à moitié
« Gendarmes,
Qui passez sur le chemin
Gendarmes,
Je tends la main.
Pitié, j’ai faim, je voudrais manger,
Je suis léger… léger… »
Au poste,
D’autres moustaches m’ont dit,
Au poste,
« Ah ! mon ami,
C’est vous le chanteur vagabond ?
On va vous enfermer… oui, votre compte est bon. »
Ficelle,
Tu m’as sauvé de la vie,
Ficelle,
Sois donc bénie
Car, grâce à toi j’ai rendu l’esprit,
Je me suis pendu cette nuit… et depuis…
Je chante !
Je chante soir et matin,
Je chante
Sur les chemins,
Je hante les fermes et les châteaux,
Un fantôme qui chante, on trouve ça rigolo
Je couche,
Parmi les fleurs des talus,
Les mouches
Ne me piquent plus
Je suis heureux, ça va, j’ai plus faim,
Heureux, et libre enfin !
Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
La foule les chante un peu distraite
En ignorant le nom de l´auteur
Sans savoir pour qui battait leur cœur
Parfois on change un mot, une phrase
Et quand on est à court d´idées
On fait la la la la la la
La la la la la la
Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
Un jour, peut-être, bien après moi
Un jour on chantera
Cet air pour bercer un chagrin
Ou quelque heureux destin
Fera-t-il vivre un vieux mendiant
Ou dormir un enfant
Ou, quelque part au bord de l´eau
Au printemps tournera-t-il sur un phono
Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leur âme légère court encore dans les rues
Leur âme légère, c’est leurs chansons
Qui rendent gais, qui rendent tristes
Filles et garçons
Bourgeois, artistes
Ou vagabonds.
Une pitié qui dépasse l’entendement,
Est cachée au cœur de l’amour :
La foule qui achète et vend,
Les nuages, vagabonds en voyage,
Les vents froids et humides qui soufflent
Et la coudraie d’ombre qui grandit,
Où coulent les eaux gris-souris,
Menacent la tête que j’aime.
***
THE PITY OF LOVE
A pity beyond all telling
Is hid in the heart of love :
The folk who are buying and selling,
The clouds on their journey above,
The cold wet winds ever blowing,
And the shadowy hazel grove
Where mouse-grey waters are flowing,
Threaten the head that I love.
Les gens qu’on ne regarde pas
Sont des trésors oubliés
Y avait tant de choses en toi
Et peu de gens pour les aimer
Moi je garde nos images
Que je regarde souvent
Avant de tourner la page
Faut le vouloir, finalement
Et demain
Je referai le chemin
Mes pas juste à côté des tiens
S’il n’y a que du cœur qu’on voit bien
Avant toi, je ne voyais rien
Les gens qu’on ne regarde pas
Sont des livres jamais lus
Moi j’ai vu au fond de toi
Un vieux roman qui m’a plu
Mais t’es pas parfait peut-être
Mais tout est à l’imparfait maintenant
Tu es de ceux qu’on regrette
Parfois géniale, parfois gênant
Et demain
Je referai le chemin
Mes pas juste à côté des tiens
S’il n’y a que du cœur qu’on voit bien
Avant toi, je ne voyais rien
Avant toi, j’avais pas d’horizon
J’avais l’cœur en carton
Je ne voyais que moi
Merci pour ça
Un vagabond errant
Une faille dans le vent
J’étais qu’un demi-moi
Avant toi
Avant toi
Avant toi
Avant toi
Et demain
Je referai le chemin
Mes pas juste à côté des tiens
S’il n’y a que du cœur qu’on voit bien
Avant toi, je ne voyais rien