Posts Tagged ‘(Valery Larbaud)’
Posted by arbrealettres sur 19 avril 2020

Ode
Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l’Europe illuminée,
Ô train de luxe ! et l’angoissante musique
Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,
Dorment les millionnaires.
Je parcours en chantonnant tes couloirs
Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth,
Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
Ô Harmonika-Zug !
J’ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow.
On glissait à travers des prairies où des bergers,
Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
Étaient vêtus de peaux de moutons crues et sales…
(Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
Et vous, grandes places à travers lesquelles j’ai vu passer la Sibérie et les monts du Samnium,
La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une pluie tiède !
Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn , prêtez-moi
Vos miraculeux bruits sourds et
Vos vibrantes voix de chanterelle ;
Prêtez-moi la respiration légère et facile
Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
Si aisés, les locomotives des rapides,
Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d’or
Dans les solitudes montagnardes de la Serbie,
Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses…
Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie indicible, ma vie
D’enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues.
(Valery Larbaud)
Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha
Illustration: Murad Sayen
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Posted in poésie | Tagué: (Valery Larbaud), âpre, bruit, chanterelle, couloir, cuir, cuivre, doré, dormir, douceur, doux, effort, enfant, espérer, facile, fleur, glissement, indicible, léger, locomotive, loquet, millionnaire, mouvement, nocturne, pluie, prairie, prêter, respiration, rose, vague, vie, voix, wagon | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 31 août 2019

Un jour, à Kharkov, dans un quartier populaire,
(O cette Russie méridionale, où toutes les femmes
Avec leur châle blanc sur la tête, ont des airs de Madone !)
Je vis une jeune femme revenir de la fontaine
Portant, à la mode de là-bas, comme du temps d’Ovide,
Deux seaux suspendus aux extrémités d’un bois
En équilibre sur le cou et les épaules.
Et je vis un enfant en haillons s’approcher d’elle et lui parler.
Alors, inclinant aimablement son corps à droite,
Elle fit en sorte que le seau plein d’eau pure touchât le pavé
Au niveau des lèvres de l’enfant qui s’était mis à genoux pour boire.
(Valéry Larbaud)
Illustration
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Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2018

DIALOGUE
Le poète
Non pas moi,
Mais les poètes cubains pourraient te bien chanter
O charmante Concha,
Toi mon rameau de fleurs et ma Vega Real!
Puissé-je te regarder longuement comme on regarde les flammes,
Comme, au coeur de l’hiver, on regarde le feu :
J’aime à baiser une femme de flammes,
Je veux baiser une femme de feu!
Que je vous porte donc dans mes deux mains, mains brunes;
Que je sois donc ébloui par vous, grands yeux,.
Que je sente ton parfum dans l’ombre, rose dorée des Andes;
Que je te contemple dans la rue ou au théâtre,
Sérieuse, belle et haute, et souriante,
Grande jeune femme impressionnante; — chiquilla!
Ma femme devant Dieu! ma bourgeoise! ma squaw!
Mon noir petit souillon! mon bel oiseau des îles!
Avec mon tomahawk et ma hache de guerre,
Mon quipocamayo et ma coricoya,
Ne suis-je pas le chef indien que tu désirais,
Le maître et l’époux qu’il te fallait, princesse indienne?
Étends-toi, ma beauté, sur cette peau d’ours blanc,
Et laisse ma main toucher ton visage dans l’ombre;
Tu es plus belle que la Perricholi, si célèbre,
Et je suis plus généreux que tous les Vice-Rois;
Voici des diamants et des perles, —
Mon amour, que voulez-vous encore de moi?
Sa dame
D’autres diamants et d’autres perles.
(Valéry Larbaud)
Recueil: Les Poésies de A.O. Barnabooth
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted in poésie | Tagué: (Valery Larbaud), ébloui, époux, baiser, belle, célèbre, chanter, charmant, contempler, dame, désirer, dialogue, diamant, doré, femme, feu, flamme, généreux, indien, maître, main, oiseau, ombre, parfum, perle, poète, porter, princesse, regarder, rose, rue, sérieux, souillon, souriant, théâtre, toucher | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2018

Illustration: Olivier Suire-Verley
L’INNOMMABLE
Quand je serai mort, quand je serai de nos chers morts
(Au moins, me donnerez-vous votre souvenir, passants
Qui m’avez coudoyé si souvent dans vos rues?)
Restera-t-il dans ces poèmes quelques images
De tant de pays, de tant de regards, et de tous ces
visages
Entrevus brusquement dans la foule mouvante?
J’ai marché parmi vous, me garant des voitures
Comme vous, et m’arrêtant comme vous aux devantures.
J’ai fait avec mes yeux des compliments aux Dames;
J’ai marché, joyeux, vers les plaisirs et vers la gloire,
Croyant dans mon cher coeur que c’était arrivé;
J’ai marché dans le troupeau avec délices,
Car nous sommes du troupeau, moi et mes aspirations.
Et si je suis un peu différent, hélas, de vous tous,
C’est parce que je vois,
Ici, au milieu de vous, comme une apparition divine,
Au-devant de laquelle je m’élance pour en être frôlé,
Honnie, méconnue, exilée,
Dix fois mystérieuse,
La Beauté Invisible.
(Valéry Larbaud)
Recueil: Les Poésies de A.O. Barnabooth
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted in méditations, poésie | Tagué: (Valery Larbaud), apparition, aspiration, beauté, coeur, compliment, coudoyer, croire, dame, délice, devanture, divin, donner, entrevoir, exilé, foule, frôler, gloire, honni, image, innommable, invisible, joyeux, marcher, méconnu, mort, mystérieux, passant, pays, plaisir, poème, regard, rester, rue, s'arrêter, s'élancer, souvenir, troupeau, visage, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2018

Ô mon Dieu, ne sera-t-il jamais possible
Que je connaisse cette douce femme, là-bas, en Petite Russie,
Et ces deux amies de Rotterdam,
Et la jeune mendiante d’Andalousie
Et que je me lie avec elles
D’une indissoluble amitié?
(Hélas, elles ne liront pas ces poèmes,
Elles ne sauront ni mon nom, ni la tendresse de mon coeur;
Et pourtant elles existent, elles vivent maintenant.)
Ne sera-t-il jamais possible que cette grande joie me soit donnée,
De les connaître?
Car je ne sais pourquoi, mon Dieu, il me semble qu’avec elles quatre,
Je pourrais conquérir un monde!
(Valéry Larbaud)
Recueil: Les Poésies de A.O. Barnabooth
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2018
Recueil: Les Poésies de A.O. Barnabooth
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2018

Illustration: Alphonse Etienne Dinet
MERS-EL-KÉBIR
J’aime ce village, où sous les orangers,
Sans se voir, deux jeunes filles se disent leurs amours
Sur deux infiniment plaintives mandolines.
Et j’aime cette auberge, car les servantes, dans la cour,
Chantent dans la douceur du soir cet air si doux
De la « Paloma ». Écoutez la paloma qui bat de l’aile…
Désir de mon village à moi, si loin; nostalgie
Des antipodes, de la grande avenue des volcans immenses;
0 larmes qui montez, lavez tous mes péchés!
Je suis la paloma meurtrie, je suis les orangers,
Et je suis cet instant qui passe et le soir africain;
Mon âme et les voix unies des mandolines.
(Valéry Larbaud)
Recueil: Les Poésies de A.O. Barnabooth
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2018

LE MASQUE
J’écris toujours avec un masque sur le visage;
Oui, un masque à l’ancienne mode de Venise,
Long, au front déprimé,
Pareil à un grand mufle de satin blanc.
Assis à ma table et relevant la tète,
Je me contemple dans le miroir, en face
Et tourné de trois quarts, je m’y vois
Ce profil enfantin et bestial que j’aime.
Oh, qu’un lecteur, mon frère, à qui je parle
A travers ce masque pâle et brillant,
Y vienne déposer un baiser lourd et lent
Sur ce front déprimé et cette joue si pâle,
Afin d’appuyer plus fortement sur ma figure
Cette autre figure creuse et parfumée.
(Valéry Larbaud)
Recueil: Les Poésies de A.O. Barnabooth
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted by arbrealettres sur 5 mai 2018

Le don de soi-même
Je m’offre à chacun comme sa récompense ;
Je vous la donne même avant que vous l’ayez méritée.
Il y a quelque chose en moi,
Au fond de moi, au centre de moi,
Quelque chose d’infiniment aride
Comme le sommet des plus abruptes montagnes ;
Quelque chose de comparable au point mort de la rétine,
Et sans écho,
Et qui pourtant voit et entend ;
Un être ayant une vie propre, et qui, cependant,
Vit toute ma vie, et écoute, impassible,
Tous les bavardages de ma conscience.
Un être fait de néant, si c’est possible,
Insensible à mes souffrances physiques,
Qui ne pleure pas quand je pleure,
Qui ne rit pas quand je ris,
Qui ne rougit pas quand je commets une action honteuse,
Et qui ne gémit pas quand mon coeur est blessé ;
Qui se tient immobile et ne donne pas de conseils,
Mais semble dire éternellement :
« Je suis là, indifférent à tout ».
C’est peut-être du vide comme est le vide,
Mais si grand que le Bien et le Mal ensemble
Ne le remplissent pas.
La haine y meurt d’asphyxie,
Et le plus grand amour n’y pénètre jamais.
Prenez donc tout de moi : le sens de mes poèmes,
Non ce qu’on lit, mais ce qui paraît au travers malgré moi :
Prenez, prenez, vous n’avez rien.
Et où que j’aille, dans l’univers entier,
Je rencontre toujours,
Hors de moi comme en moi,
L’irremplissable Vide,
L’inconquérable Rien.
(Valery Larbaud)
Illustration: ArbreaPhotos
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Posted by arbrealettres sur 5 septembre 2015

Nevermore
Nevermore !… et puis zut !
Il y a des influences astrales autour de moi.
Je suis immobile dans une chambre d’hôtel
Pleine de lumière électrique immobile…
Je voudrais errer, à l’aube jaune, dans un parc
Vaste et brumeux, et tout rempli de lilas blancs.
J’ai peur d’avoir d’horribles cauchemars ;
Et il me semble que j’ai froid tant il fait clair.
Peut-être que j’ai faim de choses inconnues ?
Ah ! donnez-moi le vent du soir sur les prairies,
Et l’odeur du foin frais coupé, comme en Bavière
Un soir, après la pluie, sur le lac de Starnberg,
Ou bien encore les sentiments que j’avais il y a un an,
Regardant de la passerelle de mon yacht
S’ouvrir la baie verte et rose de Gravosa.
(Valery Larbaud)
Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha
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