Ce vent avive la forêt
Avive d’autres vents qui portent nos nuées
Avive l’ombre que dans notre nuit tu fais
Où vont luire mes yeux comme des chats sauvages
Je vois que rien que toi ne compte
Tu as besoin de moi pour qu’il en soit ainsi
Et je suis ton Valet de crainte et de soucis
Son épée sur le temps qui lentement remonte.
Si tu t’occupes encore des ombres
Viens me chercher car je n’en peux plus
Fais-moi glisser comme tu veux
Car je suis changé en ombre
Et je ne peux m’arracher.
Arrache-moi sans Lui faire de mal
Tu es délicat, coupe délicatement
Et détale
Qu’Elle tombe et meure
Et que j’erre autre part.
Mon grand-père, quand il passait devant le Château-Chagrin,
ôtait toujours sa casquette.
Une casquette de reps écru que le valet Numance blanchissait tous les lundis.
Je n’ai jamais su pourquoi bon-papa saluait.
Sur son lit de mort, il me dit:
Petit, quand tu passeras devant le Château-Chagrin,
promets-moi d’enlever ta casquette.
— Oui, bon-papa, et je dirai la même chose à mon fils.
Un valet qui ondule
et puis ce cavalier marin
et son épée.
Une reine farouche
aux cheveux sanguinaires
et aux blondes mains d’or.
Maintenant qu’on me dise
je joue quoi j’avance quoi
je mets quoi je retire quoi
ces cartes qui naviguent
ou ces coeurs solitaires
la reine ou l’épée.
Que quelqu’un regarde et me dise,
regarde le jeu du temps,
les heures de la vie,
les cartes du silence,
l’ombre et ses desseins,
et me dise quoi jouer
pour continuer à perdre.
Mon histoire est pipée. Dissipez-vous, mirages !
Ni dames ni valets, je reste sans atouts.
Je joue au vrai poète, est-ce là mon chantage ?
Je triche mais je perds. Je me moque de tout.
(Joë Bousquet)
Recueil: Poèmes, un
Traduction:
Editions: Gallimard
1
Un Samedi du Moyen Âge
Une sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Tomba par terr’ du haut des nuages.
Ho! Ho! Ho! Madam’ la sorcière
Vous voilà tombée par terre
Ho! Ho! Ho! sur votre derrière
Les quatre fers
En l’air.
Refrain 1
Vous tombez des nues
Toute nue
Par où êtes-vous venue
Sur le trottoir de l’Avenue?
Vous tombez des nues,
Sorcière saugrenue.
Vous tombez des nues,
Vous tombez des nues,
Sur la partie la plus charnue
De votre individu.
Vous tombez des nues!
2
On voulait la livrer aux flammes
Cette sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Pour l’Ascension quel beau programme.
Ho! Ho! Ho! Voilà qu’ la sorcière
A fait un grand rond par terre
Ho! Ho! Ho! quel coup de tonnerre
Il tomba d’ l’eau
À flots!
Refrain 2
L’eau tombe des nues
Toute nue
Éteint les flammes ténues
Et rafraîchit la détenue.
L’eau tombe des nues
Averse bienvenue
L’eau tombe des nues
L’eau tombe des nues
Et la sorcièr’ se lave nue
Mais oui dans l’Avenue.
L’eau tombe des nues.
3
Qu’elle était belle la sorcière
Les Présidents du Châtelet
Les gendarmes et leurs valets
La regardaient dans la lumière.
Ho! Ho! Ho! un éclair qui brille
Et ses beaux yeux qui scintillent
Ho! Ho! Ho! notre coeur pétille
Nous sommes sourds
D’amour.
Refrain 3
Nous tombons des nues
Elle est nue
Oui mais notre âme est chenue
Nous avons de la… retenue
Nous tombons des nues
O Sorcière ingénue
Nous tombons des nues
Nous tombons des nues
Qu’on relaxe la prévenue
Elle nous exténue
Nous tombons des nues.
Coda
Je tombe des nues
Tu tombes des nues
Le monde entier tombe des nues
L’amour tombe des nues
Viv’ les Femmes nues.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
Refrain 1
On dit que j’ai du coeur
Que je n’ai pas les foies
Pourquoi?
Moi je trouve ma foi
Que l’on fait trop d’honneur
Au coeur
Désormais je veux chanter le foie
Sans me faire de bile
C’est le foie qui nous donne la joie
C’est le coeur qui nous rend imbécile.
1
Désormais je dirai
Aux femm’s que j’aimerai
Je vous aime de tout foie.
Pour vous parler foie à foie
La main
Sur le foie
Le foie
Sur la main
Mais vous me fendez le foie
Si vous me refusez votre amour.
Je me sens le foie lourd
Auriez-vous un foie d’artichaut?
Quant à moi je vous l’dis j’ai l’foie chaud
Je suis homme de foie
J’ai un foie d’or
Et puis encor
Je vous ouvre mon foie
Je vous donne ma foi
Vous, vous êtes jolie comme un foie
Moi j’ai mauvaise tête bon foie.
Refrain 2
Au lieu d’ parler du coeur
Je parlerai du foie
Pourquoi?
Moi je trouve ma foi
Que l’on fait trop d’honneur
Au coeur
Les poèt’s parleront tous du foie
Sans se faire de bile
C’est le foie qui nous donne la joie
C’est le coeur qui nous rend imbécile.
2
Dans le Cid aux Français
Don Diègue s’écrierait
Eh! Rodrigue as-tu du foie?
Car son fils, il le tutoie
Richard
Foie de lion
Et son
Étendard
Paraîtront à l’Opéra
Foie de Française on affichera.
De mêm’ les beloteurs
N’auront plus ni valet, ni roi d’ coeur
Valet d’ foie, Dam’ de foie, Roi de foie
Sept huit neuf dix de foie.
De gaieté d’ foie
Les blanches oies
Nous donn’ront du coeur gras
Si ce chant n’ vous plaît pas
Nous pouvons chanter les deux poumons
L’estomac l’ pancréas les rognons.
Refrain 3
Au lieu d’il a bon coeur
On dira il a bons
Poumons
Ou il a bons rognons
Au lieu d’ la bouche en coeur
Ma soeur
C’est bien sûr aura la bouche en foie
Ne nous faisons plus d’ bile
C’est le foie qui nous donne la joie
C’est le coeur qui nous rend imbécile.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
Tant de sueur humaine
tant de sang gâté
tant de mains usées
tant de chaînes
tant de dents brisées
tant de haines
tant d’yeux éberlués
tant de faridondaines
tant de faridondés
tant de turlutaines
tant de curés
tant-de guerres et tant de paix
tant de diplomates et tant de capitaines
tant de rois et tant de reines
tant d’as et tant de valets
tant de pleurs tant de regrets
tant de malheurs et tant de peines
tant de vies à perdre haleine
tant de roues et tant de gibets
tant de supplices délectés
tant de roues tant de gibets
tant de vies à perdre haleine
tant de malheurs et tant de peines
tant de pleurs tant de regrets
tant d’as et tant de valets
tant de rois et tant de reines
tant de diplomates et tant de capitaines
tant de guerres et tant de paix
tant de curés
tant de turlutaines
tant de faridondés
tant de faridondaines
tant d’yeux éberlués
tant de haines
tant de dents brisées
tant de chaînes
tant de mains usées
tant de sang gâté
tant de sueur humaine