Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine je buste ta poitrine puis te visage
je te corsage
tu m’odeur tu me vertige
tu glisses
je te cuisse je te caresse
je te frissonne tu m’enjambes
tu m’insupportable
je t’amazone
je te gorge je te ventre
je te jupe
je te jarretelle je te bas je te Bach
oui je te Bach pour clavecin sein et flûte
je te tremblante
tu me séduis tu m’absorbes
je te dispute
je te risque je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi tu me tourbillonnes
tu m’effleures tu me cernes
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerines rouges
et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvre je t’invente
parfois tu te livres
tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dents je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues et te veines
je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris
On croit aimer, c’est soi qu’on aime
et l’on s’épuise aux précipices de ses joies
la chute épouse l’air dépossédé qui tremble
avec les mots qu’on prête à l’autre voix
avec la voix offerte aux mots de l’autre
avec tant de vertus qui sont des fautes
tant de vertiges qu’on donne et reçoit
et tant d’ombres vives qui nous ressemblent
Se perdre à deux, se retrouver quand même
ô grand amour, bonheur des erreurs très sereines
et secourable espoir de se tromper ensemble
au même instant, au même lieu, d’un même poids.
Dans une des régions
les plus raréfiées de l’esprit
où je campais au pied de la lettre
à une altitude de nul pied
plane un petit nombre
d’idées très particulières
qu’il eût été dommage de ne pas saisir
au vol de mes distractions
… Je faillis ne pas les apercevoir
tant elles étaient creuses au milieu
d’oublis et de vertiges sans nom
Qu’est-ce que c’est le bon poème?
Pas celui qui plaît,
qui vous paraît bien fait et agréable, non.
Celui qui vous subjugue,
qui vous prend à la gorge,
qui vous retourne l’âme comme un gant,
qui vous donne le vertige,
comme au bord d’un abîme.
Pose là tes mains
Comme deux silhouettes frémissantes
Qui ne trahiront pas ta mémoire
O Belle secrète
Déjà s’ébranlent tes veines
Pour apprendre le vertige
Pour poser des charnières
Aux personnages que nous incarnons
Tu as oublié ta pesanteur
Aux rives où l’on enchaîne
Les mouettes noires
Et s’ouvrent devant ton corps
Les horizons chauds du rêve
Du rêve du monde et de la vie
Fondus et confondus
Brillants à l’appel de tes yeux A
l’infini des parfums
J’ignore la croissance du miel
Le mécanisme de l’aile
Le port où l’on nous attend toi et moi
Séparément
Je ne veux reconnaître que l’appel du jour
La courbe de ta hanche
Et la frayeur de mon corps
A l’instant de l’amour
L’arbre non plus ne voit pas son destin La
pierre oubliée au fond de la rivière Espère
reconnaître chaque courant A mon
passage
Donne-moi tes mains
O Belle secrète
Cette nuit ta mémoire éclatera
(Jean-Guy Pilon)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi