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Poésie

Posts Tagged ‘vieillir’

Plonger dans le regard (Jean Paul Guibbert)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
Plonger dans le regard
(toujours la profondeur des yeux m’étonne)
Déjà tu sais cette petite lèvre qui me brûle.

Une infante posée dans sa forme parfaite, nue, droite
Jouant, blessant les oiseaux et les fleurs;
Une buée de rose est sa parole.

Je vieillirai sans vous connaître dans mon silence dévasté.

(Jean Paul Guibbert)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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Cette envie de ne plus rien faire (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2023




    
Cette envie de ne plus rien faire et surtout ne plus rien éprouver,
Ce besoin subit de se taire et de se détacher
Au jardin du Luxembourg, si calme
Être un vieux sénateur vieillissant sous ses palmes

Et plus rien du tout, ni les enfants, ni leurs bateaux, ni surtout la musique
Ne viendrait troubler cette méditation désenchantée et presque ataraxique ;
Ni l’amour surtout, ni la crainte.
Ah ! n’avoir aucun souvenir des étreintes.

(Michel Houellebecq)

Recueil: Non réconcilié
Editions: Gallimard

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C’est seulement en vieillissant (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023




    
C’est seulement en vieillissant
que j’ai appris à aimer le silence.
parfois il exalte plus que la musique.
Dans le silence apparaissent des signes frissonnants
et sur les carrefours de la mémoire
tu entends les noms
que le temps a essayé d’étouffer.
Le soir, dans les couronnes des arbres, j’entends même
les coeurs des oiseaux.
Et un soir au cimetière,
j’ai entendu comme au fond d’une tombe
craquait le cercueil.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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J’aurais pu dire… (Bernard Pivot)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023




    
J’aurais pu dire :
Vieillir, c’est désolant, c’est insupportable,
C’est douloureux, c’est horrible,
C’est déprimant, c’est mortel.
Mais j’ai préféré « chiant »
Parce que c’est un adjectif vigoureux
Qui ne fait pas triste.
Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé
et l’on sait encore moins quand ça finira.

Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant.
On était bien dans sa peau.

On se sentait conquérant.
Invulnérable.
La vie devant soi.
Même à cinquante ans, c’était encore très bien…. Même à soixante.

Si, si, je vous assure,
j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.
Je le suis toujours, mais voilà,
entre-temps j’ai vu le regard des jeunes…..
Des hommes et des femmes dans la force de l’âge
qui ne me considéraient plus comme un des leurs,
même apparenté, même à la marge.

J’ai lu dans leurs yeux
qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard.
Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables.

Sans m’en rendre compte,
j’étais entré dans l’apartheid de l’âge.

Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect »,
« En hommage respectueux »,
« Avec mes sentiments très respectueux ».

Les salauds !
Ils croyaient probablement me faire plaisir
en décapuchonnant leur stylo plein de respect ?
Les cons !

Et du ‘cher Monsieur Pivot’ long et solennel
comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres
qui vous fiche dix ans de plus !

Un jour, dans le métro, c’était la première fois,
une jeune fille s’est levée pour me donner sa place…
J’ai failli la gifler.
Puis la priant de se rasseoir,
je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux,
si je lui étais apparu fatigué. !!!… ?

– « Non, non, pas du tout,
a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que”.
– Moi aussitôt : « Vous pensiez que ? »
– « Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus,
que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. »
– « Parce que j’ai les cheveux blancs ? »
– « Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout
et comme vous êtes plus âgé que moi, ça a été un réflexe, je me suis levée. »
– « Je parais beaucoup… beaucoup plus âgé que vous ? »
– « Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge. »
– « Une question de quoi, alors ? »
– « Je ne sais pas,
une question de politesse, enfin je crois. »

J’ai arrêté de la taquiner,
je l’ai remerciée de son geste généreux
et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.

Lutter contre le vieillissement
c’est, dans la mesure du possible,
ne renoncer à rien.
Ni au travail, ni aux voyages,
ni aux spectacles, ni aux livres,
ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni au rêve.

Rêver, c’est se souvenir,
tant qu’à faire, des heures exquises.
C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent.
C’est laisser son esprit vagabonder
entre le désir et l’utopie.

La musique est un puissant excitant du rêve.
La musique est une drogue douce.
J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil
en écoutant soit l’Adagio du Concerto n° 23 en La majeur de Mozart,
soit, du même, l’Andante de son Concerto n° 21 en Ut majeur,
musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés
les paysages sublimes de l’au-delà.
Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés.
Nous allons prendre notre temps.
Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement.
Nous ignorons à combien se monte encore notre capital.
En années ? En mois ? En jours ?

Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital.
Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables,
il faut jouir sans modération.

Après nous, le déluge ?…
Non, Mozart.

(Bernard Pivot)
    

    

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Lis-les (Umar Abu Rishah)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2023



Illustration
    
Lis-les
Feuillets d’un mort

C’est ma chambre,
l’oubli s’y est rouillé et le mutisme a vieilli !

Entre avec les bougies !
Elle est de ténèbres avec un repaire creusé à l’entrée.

Avance doucement,
la poussière et l’araignée pourraient prendre peur.

Auprès de ma coupe brisée
il y a une liasse de feuillets
et entre leurs deux couvertures une vie en éclats.

Apporte-les…
ta jeunesse passée s’y trouve
et la beauté à laquelle tu t’étais astreinte.

Lis-les…
ne me voile pas l’éternité,
publie-les…
ne me laisse pas mourir.

***

(Umar Abu Rishah)

 

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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VIEILLIR VI (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2023



Illustration: Ron Mueck
    
VIEILLIR VI

Cette maladie
Si difficile
A affronter
Cette perte de liens
Avec l’univers
Cette confrontation
De la mort
Ce passage si bref
Cette demeure si close
Bientôt infinie

Cette perte des liens
Avec l’univers
Cette confrontation
De la mort
Ce temps si court
Ces souvenirs
Bientôt finis
Cette absurdité
Cette ouverture
Sur l’infini
Cette interruption

(Andrée Chedid)

 

Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion

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VIEILLIR I (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2023




    
VIEILLIR I

Il est temps de vieillir
D’accepter ce qui te revient
D’assumer encore et encore
À chaque crépuscule
Ce qui depuis l’aube
T’appartient

Courant sans cesse
Le temps t’enlève dans ses bras
Tu découvres pas à pas
Toute l’absence de sa présence.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion

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Mon nez vieillit (Richard Brautigan)

Posted by arbrealettres sur 1 janvier 2023



    
Mon nez vieillit

Ouaip.
Septembre, long regard paresseux
dans le miroir,
mais dis donc c’est vrai :

j’ai 31 ans
et mon nez
vieillit.

Ça commence à
un pouce
sous l’arête
et retombe gériatriquement
d’un pouce environ
avant de faire
halte.

Par chance, le reste
du nez est comparativement
jeune.

Je me demande si les filles
voudront de moi avec mon
vieux nez.

je les entends d’ici
les garces sans coeur !

« Il est adorable
mais son nez
est vieux. »

***

My Nose Is Growing Old

Yup.
A long lazy September look
in the mirror
says it’s true:

I’m 31
and my nose is growing
old.

It starts about
an inch
below the bridge
and strolls geriatrically
down
for another inch or so:
stopping.

Fortunately, the rest
of the nose is comparatively
young.

I wonder if girls
will want me with an
old nose.

I can hear them now
the heartless bitches!

« He’s cute
but his nose
is old ».

(Richard Brautigan)

 

Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral

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Par monts et par rivières (Hanshan Deqing)

Posted by arbrealettres sur 14 juin 2022



    

Par monts et par rivières je suis las de courir,
Vieillissant sans vieillir, ce lieu est mon refuge.
Mon corps déjà ressemble à une fleur flétrie,
Le monde est déjà mort, tel un courant qui passe.
Les nuages accompagnent le calme solitaire,
Cheveux blancs broussailleux sont neige sur ma tête.
Ce qui me reste d’ans, peu importe combien,
Penser à la non-vie m’accorde le repos.

(Hanshan Deqing)

Recueil: Poèmes Chan
Traduction: du chinois par Jacques Pimpaneau
Editions: Philippe Picquier

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Anniversaire (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 14 juillet 2021



 

Campos Edson  EveningLightWeb [1280x768]

Anniversaire

Je fête l’essentiel, je fête ta présence
Rien n’est passé la vie a des feuilles nouvelles
Les plus jeunes ruisseaux sortent de l’herbe fraîche

Et comme nous aimions la chaleur il fait chaud
Les fruits abusent du soleil les couleurs brûlent
Puis l’automne courtise ardemment l’hiver vierge

L’homme ne mûrit pas il vieillit ses enfants
Ont le temps de vieillir avant qu’il ne soit mort
Et les enfants de ses enfants il les fait rire

Toi première et dernière tu n’as pas vieilli
et pour illuminer mon amour et ma vie
Tu conserves ton coeur de belle femme nue.

(Paul Eluard)

Illustration: Campos Edson

 

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