Rien ne cesse rien n’est les morts ne sont pas morts
Les vivants s’imaginent vivre
Un acte continue où l’on ne peut le suivre
Rien n’est dedans rien n’est dehors.
Rien ne pèse tout pèse et notre marche lourde
Est légère dans le sommeil
Aveugles sont nos yeux et nos oreilles sourdes
Dans un monde au rêve pareil.
D’autres formes sont là que jadis accumule
Avec celles du lendemain
Et ce que notre temps par un mensonge annule
Reste dans son avare main.
Tout combine un seul bloc que le temps nous débite
Peu à peu morceau par morceau.
Le bâton se brise dans l’eau
Et l’immobilité se vante d’aller vite.
Or parfois dans le rêve ou par quelque ressort
Qui l’étrange machine embrouille
L’invisibilité de sa cachette sort
Comme la Vénus d’une fouille.
Du temps où tu gagnas ma maison
Jamais je n’ai eu dans tes yeux l’impression d’être pauvre.
Chaque soir, jusqu’à minuit aux travaux de couture ;
Le repas toujours prêt au temps accordé.
Neuf jours sur dix, nous nous contentions de légumes salés.
Mais toujours tu gardais en surprise une belle pièce de viande.
Nous comme l’est et l’ouest unis dix-huit ans durant,
Partageant l’amer et le doux.
Nous comptions alors sur cent ans d’amour.
Mais en une nuit seulement je t’ai perdu.
Ta fin me revient inlassable en mémoire ;
Comme tu tenais ma main, incapable de parler.
Ce corps vieilli qui dure encore,
Te rejoindra vite dans la poussière.
(Mei Yaochen)
(1002-1060)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Le vent d’automne se lève,
La course tranquille des nuages blancs se précipite.
Plantes et arbres jaunissent et se dépouillent.
Les oies sauvages rejoignent le sud.
L’orchidée garde sa beauté
Et le Chrysanthème son parfum
Je me languis de mon unique amour,
Impuissant à oublier.
Nous lançons le grand navire sur la rivière Fen
Il fend sans peine son courant,
S’agitant en vagues blanches.
L’écho des tubes et des tambours
Amplifie le chant des rameurs.
Au sommet de la joie, les pensées tristes me pointent
Jeunesse et force, comme vous passez vite !
Sans espoir possible, nous déclinons.
(Liu Che)
l’empereur Wu des Han (156-87)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Plus vite il marchait,
plus il approchait de sa maison,
plus elle rapetissait,
devenait inhabitable.
La distance se solidifiait derrière sa marche
et le poussait avec le rythme
d’une troupe militaire que rien ne presse.
Il lui fallait entrer dans cette maison minuscule,
ce qui était impossible et devint possible
lorsque la muraille militaire s’arrêta.
Le voyageur, alors, rapetissa très vite
cependant que sa maison grandissait à vue d’oeil
et qu’une belle jeune fille apparaissait à une fenêtre
et riait de son aventure.
(Jean Cocteau)
Recueil: Poèmes Appogiatures Clair-obscur Paraprosodies
Editions: Du Rocher
Qu’as-tu donc fait, petit Soupir?
Est-il sur le point de mourir,
Le coeur que tu as saccagé ?
N’a-t-il pas moyen de guérir?
Tu as mal fait de le frapper
Vite et si pitoyablement:
Qu’as-tu donc fait, petit Soupir?
Est-il sur le point de mourir?
Amour, qui doit bien t’en punir,
Vient d’arrêter son jugement.
Prends ta liberté promptement!
Sauve-toi, tu en as le temps !
Qu’as-tu donc fait, petit Soupir!
Hé Joe! Tu fais quoi là?
Mais t’es qui là, Joe?
T’as l’coeur qui s’emballe, tu dis qu’t’es amoureux
Mais elle s’ra toujours jeune quand tu s’ras déjà vieux
Elle a quoi? Ses vingt ans? Et tout son maquillage?
Mais c’est rien vingt ans contre vingt ans de mariage
Moi j’te dis ça comme ça, c’est même pas mes affaires
Ça peut arriver, c’est vrai, mais j’peux pas t’laisser faire
Tu pourras vivre avec mais pas vivre sans eux
Chez toi ils font la tête, Joe, depuis qu’tu t’sens moins vieux
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Quand je te vois danser, t’es qui là?
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Mais chez toi ça danse pas
T’as l’coeur qui s’emballe, tu dis qu’t’es amoureux
Moi j’te parie cent balles que c’est d’la poudre aux yeux
C’est tout nouveau tout beau, ça donne les yeux qui brillent
Mais souvent on s’enflamme, Joe, pour un feu de brindilles
Ouais souviens-toi, au tout début ta femme tu l’emmener promener
Et du jour au lendemain tu l’envoies balader
Moi j’te dis ça comme ça, c’est même pas mes affaires
On sait jamais c’qu’on gagne, Joe, mais je sais c’que tu perds
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Quand je te vois danser, t’es qui là?
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Mais chez toi ça danse pas
Hé Joe!
Penses-y à deux fois, Joe, avant de partir trop vite
Tu y as pensé aux p’tites mains derrière la vitre?
Du train qui part en gare quand un weekend sur deux
Ils te diront au revoir, Joe, comme l’on dit « adieu »
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Quand je te vois danser, t’es qui là?
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Mais chez toi ça danse pas
Esta noche mi fiesta no va a parar
Que me dejen tranquilo que quiero disfrutar
Hay momentos tan sabrosos en la vida
No los puedo ignorar
Estan bella que no me puedo controlar
Es mi vida y yo la quiero gozar
Solamente quiero disfrutar
Disfrutar de la vida, ‘ta bueno ya
Hé Joe! Mais t’es qui là, Joe
(Christophe Maé) (Paul Ecole / Bruno Dandrimont / Valentin Aubert)
Le vent du nord
chasse les tourbillons de neige.
Si tu m’aimes,
prends ma main,
et partons vite !
Pourquoi hésiter,
pourquoi s’attarder,
si le temps presse ?
Le vent du nord
soulève des bourrasques.
Si tu m’aimes,
prends ma main,
et partons vite ! Pourquoi hésiter,
pourquoi s attarder, si le temps presse ?
Rien n’est plus rusé
qu’un renard,
rien n’est plus noir
qu’une corneille. Si tu m’aimes,
prends ma main,
et partons vite ! Pourquoi hésiter,
pourquoi s’attarder, si le temps presse ?
(Shijiing)(Le Classique des vers)
Recueil: Neige sur la montagne du lotus Chants et vers de la Chine ancienne
Traduction: Ferdinand Stočes
Editions: Picquier poche
Deux enfants dans un champ de blé
jouent avec l’idée
de pouvoir, du regard,
grimper en haut des épis.
Leurs yeux s’en vont vite à l’aventure
sur les ondes du soleil dans ce lac de blé miroitant.
Marcher sur l’eau n’est certes pas facile
mais escalader des épis
qui brillent au soleil
c’est encore autre chose.
Or, pour y parvenir,
il suffit de promener le regard
et feindre d’être vent
ou papillon.
(Harry Martinson)
Recueil: Le livre des cent poèmes
Traduction: Traduit du suédois par Caroline Chevallier et Philippe Bouquet
Editions: Cénomane