Une barque se meut dans les creux de l’esprit,
une voile, une vague où s’enfle le désir,
un élan né de soi quand le soi se retire,
une brise reçue à l’aube de l’esprit.
L’orage a la douceur de toute intimité.
Le mouvement fait fond sur l’air et sur l’écume.
L’acte reste vivant alors qu’il est posthume.
L’insaisissable est pris dans le temps dissipé.
(Jean Mambrino)
Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard
Voici que tu surgis de l’eau
très blanche
et ton ample chevelure est encore la mer
et les vents te poussent, les vagues te guident
comme au point du jour, les vagues, toi sérénissime.
Te voici glacée comme le point du jour.
Voici le bonheur qui te vêt comme un voile.
(Gabriel Zaïd)
Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud
Arc-en-ciel de mon poème,
Lumière à l’heure suprême,
Chant vite éteint du bonheur,
Au front de la Vierge même
Amère joie et douleur.
Fleurs que dispersent les bises,
Gerbes sur des tombes mises,
Ô fugitive gaîté !
Etoile en la nuit profonde,
Voile de deuil, de beauté
Sur cet abîme du monde !
***
KLEINER GESANG
Regenbogengedicht,
Zauber aus sterbendem Licht,
Glück wie Musik zerronnen,
Schmerz im Madonnengesicht,
Daseins bittere Wonnen…
Blüten vom Sturm gefegt,
Kränze auf Gräber gelegt,
Heiterkeit ohne Dauer,
Stern, der ins Dunkel fällt :
Schleier von Schönheit und Trauer
Über dem Abgrund der Welt.
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
Jour, jour de notre rencontre,
temps nommé Épiphanie;
jour si fort qui vins, couleur
de moelle et de plein midi,
sans frénésie à nos pouls
tout tumulte et agonie,
tranquille comme le lait
des vaches portant sonnailles!
Jour à nous, par quel chemin,
forme sans pieds,
vint-il? Nous n’avons pas su,
n’avons pas veillé; nul signe
ne l’annonçait; nous n’avons pas
sifflé sur les collines;
il s’en venait en silence!
Tous les jours semblaient pareils;
tout à coup mûrit un Jour.
Jour pareil aux autres jours,
comme sont pareils roseaux
et sont pareilles olives
et pourtant, comme Joseph,
ne ressemblait pas à ses frères.
Ayons pour lui un sourire
parmi tous les autres jours
et qu’il les dépasse tous,
comme boeuf de grande taille
et le char devant les gerbes.
Béni soit-il des saisons,
que Nord et Sud le bénissent,
que son père l’an le choisisse
pour en faire mât de vie.
Ni rivière, ni pays,
ni métal; ce n’est qu’un Jour,
Parmi les jours des poulies,
des gréements, des blés sur l’aire,
parmi engins et besognes,
nul ne le voit, ni le nomme.
Fêtons-le et nommons-le,
en grâces à qui l’a fait
et gratitude de sol
et gratitude de l’air,
pour sa rivière d’eau vive
avant qu’il ne tombe en cendre,
en poudre de chaux moulue
et vers l’éternel déverse
son apparence de merveille.
Cousons-le à notre chair,
à nos coeurs et nos genoux
et que nos mains le pétrissent
et que nos yeux le distinguent,
qu’il brille pour nous de nuit
et nous fortifie de jour,
tels cordages pour les voiles,
tels points pour les blessures.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
Je t’ai possédée, ô fille de Kuprôs !
Pâle, je servis ta volupté cruelle…
Je pris, aux lueurs du flambeau d’Hesperôs,
Ton corps d’Immortelle.
Et ma chair connut le soleil de ta chair…
J’étreignis la flamme et l’ombre et la rosée,
Ton gémissement mourait comme la mer
Lascive et brisée.
Mortelle, je bus dans la coupe des Dieux,
J’écartai l’azur ondoyant de tes voiles…
Ma caresse fit agoniser tes yeux
Sur ton lit d’étoiles…
… Depuis, c’est en vain que la nuit de Lesbôs
M’appelle, et que l’or du paktis se prolonge…
Je t’ai possédée, ô fille de Kuprôs,
Dans l’ardeur d’un songe.
Je marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d’affaires
Je donne des coups de pied dans une petite boîte en fer
Dans ma tête y a rien à faire
Je suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un petit peu trop fragile
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Je traîne fumée, je me retrouve avec mal au cœur
J’ai vomi tout mon quatre heures
Fêtes, nuits folles, avec les gens qu’ont du bol
Maintenant que je fais du music-hall
Je suis mal à la scène et mal en ville
Peut-être un petit peu trop fragile
Allô Maman bobo
Maman comment, tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Moi je voulais les sorties du port à la voile
La nuit, barrer les étoiles
Moi les chevaux, le revolver et le chapeau de clown
La belle Peggy du saloon
Je suis mal en homme dur
Et mal en petit cœur
Peut-être un petit peu trop rêveur
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Je marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d’affaires
Je donne des coups de pied dans une petite boîte en fer
Dans ma tête y a rien à faire
Je suis mal en campagne, j’suis mal en ville
Peut-être un petit peu trop fragile
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau