Arbrealettres

Poésie

Moi, je suis, débraillé comme un étudiant (Arthur Rimbaud)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2016




Moi, je suis, débraillé comme un étudiant
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien, et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…

(Arthur Rimbaud)

Illustration: Eugène de Blaas

 

2 Réponses to “Moi, je suis, débraillé comme un étudiant (Arthur Rimbaud)”

  1. Lara said

    Si je peux me permettre de donner la version entière ( celle confiée à Izambard) de ce poème intitulé  » A la musique « , une satire de la société bourgeoise de la province
    (Rimbaud avait alors 16 ans !! On tend parfois à oublier sa précocité 🙂 Toujours un réel réel plaisir de lire et relire Arthur !

     »
    Sur la place taillée en mesquines pelouses,
    Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
    Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
    Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

    Un orchestre guerrier, au milieu du jardin,
    Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
    – On voit aux premiers rangs, parader le gandin,
    Les notaires montrer leurs breloques à chiffres

    Les rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
    Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames ;
    Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
    Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

    Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités,
    Chacun rayant le sable avec sa canne à pomme,
    Fort sérieusement discutent des traités,
    Et prisent en argent mieux que Monsieur Prudhomme.

    Étalant sur un banc les rondeurs de ses reins,
    Un bourgeois bienheureux à bedaine flamande,
    Savoure, s’abîmant en des rêves divins
    La musique française et la pipe allemande ! –

    Au bord des gazons frais ricanent des voyous ;
    Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
    Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
    Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

    – Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
    Sous les verts marronniers les alertes fillettes :
    Elles le savent bien ; et tournent en riant,
    Vers moi, leurs grands yeux pleins de choses indiscrètes.

    Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
    La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
    Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
    Le dos divin après les rondeurs des épaules.

    J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
    – Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
    Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
    – Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres… »

    ©Rimbaud

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