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Posts Tagged ‘rêve’

UN RÉVEIL (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




UN RÉVEIL

À l’intérieur d’un rêve j’étais emmuré.
Ses murs n’avaient ni consistance
ni poids : leur vide était leur poids.
Les murs étaient des heures et les heures
pesanteur fixe, accumulée.
Le temps de ces heures n’était pas du temps.

Je sautai par une brèche : il était quatre heures
dans ce monde. La chambre était ma chambre
et dans chaque chose mon fantôme.
Je n’y étais pas. Je regardai par la fenêtre :
sous la lumière électrique pas une âme.
Réverbères en veille, neige sale,
maisons et voitures endormies, l’insomnie
d’une lampe, le chêne qui parle tout seul,
le vent et ses couteaux, l’écriture
des constellations, illisible.

En elles-mêmes les choses s’abîmaient
et mes yeux de chair les voyaient
accablées d’être, réalités
nues de leurs noms. Mes deux yeux
étaient des âmes en peine par le monde.
Dans la rue sans personne la présence
passait sans passer, dissipée
dans ses créatures, fixe dans ses mutations,
déjà devenue maisons, chênes, neige, temps.
Vie et mort fluaient confondues.
Regard inhabité, la présence
avec les yeux de personne me regardait :
faisceau de reflets sur précipices.
Je me retournai : la chambre était ma chambre
et je n’étais pas là. À l’être rien ne manque
– toujours plein de soi, jamais le même –
même si nous n’y sommes plus… Dehors,
encore indécises, des clartés :
l’aube entre des terrasses confuses.
Déjà les constellations s’effaçaient.

(Octavio Paz)

Illustration: Katerina Kockova  (Le Rêve d’un intellectuel fatigué)

 

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17 JUIN 1943 (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



Derek Gores NoFrillsFashionista [1280x768]

17 JUIN 1943

Tu étais la présence enfantine des rêves
Tes blanches mains venaient s’épanouir sur mon front

Parfois dans la mansarde où je vivais alors
Une aile brusquement refermait la lumière

J’appelais je disais que vienne enfin la grande
La belle la toujours désirable et comblée

Et j’allais regarder souvent à la fenêtre
Comme si le bonheur devait entrer par là

Ce fut par un matin semblable à tous les autres
Le soleil agitait ses brins de mimosa

Des peuplades d’argent descendaient la rivière
Les enfants avaient mis des bouquets sur le toit

Aussitôt que je vis tes yeux je te voulus
Soumise à mes deux mains tremblantes à mes lèvres

Capable de reprendre à la nuit son butin
De fleurs noires et de vénéneuses caresses

Tout le jour je vis bleu et ne pensai qu’à toi
Tu ruisselais déjà le long de ma poitrine

Sans rien dire je pris rendez-vous dans le ciel
Avec toi pour des promenades éternelles.

(René Guy Cadou)

Illustration: Derek Gores

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La Pluie (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




La Pluie

Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées
De fils d’eau qu’on dévide aux fuseaux noirs du Temps
Et qui semblent mouillés aux larmes des années !
Oh ! la pluie ! oh ! l’automne et les soirs attristants !
Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées !

Qui dira la douleur sombre du firmament,
Route de cimetière avec d’horribles voiles
Où les nuages vont élégiaquement,
Corbillards cahotant des cadavres d’étoiles,
Qui dira la douleur sombre du firmament ?

La pluie est un filet pour nos rêves anciens !
Et, dans ses mailles d’eau qui leur font prisonnières
Les ailes, ces divins oiseaux musiciens
Meurent très longuement d’un regret de lumières.
La pluie est un filet pour nos rêves anciens.

Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe,
Notre Ame, quand la pluie éveille ses douleurs,
Quand la pluie, en hiver, la pénètre et la trempe,
Notre Ame, elle n’est plus qu’un haillon sans couleurs,
Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe.

(Georges Rodenbach)

Illustration: Michel Chansiaux

 

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INTIMITÉ (Albert Lozeau)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



Illustration: Raymond Peynet
    
INTIMITÉ

En attendant le jour où vous viendrez à moi,
Les regards pleins d’amour, de pudeur et de foi,
Je rêve à tous les mots futurs de votre bouche,
Qui sembleront un air de musique qui touche

Et dont je goûterai le charme à vos genoux…
Et ce rêve m’est cher comme un baiser de vous!
Votre beauté saura m’être indulgente et bonne,
Et vos lèvres auront le goût des fruits d’automne !

Par les longs soirs d’hiver, sous la lampe qui luit,
Douce, vous resterez près de moi, sans ennui,
Tandis que feuilletant les pages d’un vieux livre,
Dans les poètes morts je m’écouterai vivre;

Ou que, songeant depuis des heures, revenu
D’un voyage lointain en pays inconnu,
Heureux, j’apercevrai, sereine et chaste ivresse,
A mon côté veillant, la fidèle tendresse!

Et notre amour sera comme un beau jour de mai,
Calme, plein de soleil,joyeux et parfumé!
Et nous vivrons ainsi, dans une paix profonde,

Isolés du vain bruit dont s’étourdit le monde,
Seuls comme deux amants qui n’ont besoin entre eux
Que de se regarder, pour s’aimer, dans les yeux!

(Albert Lozeau)

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La voiture de fleurs (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    

La voiture de fleurs

I
L’ivresse des jasmins, la tendresse des roses,
Ces robes, ces figures, ces yeux, toutes les nuances,
Les violettes pâles et les pivoines roses
Où l’amour se pâme avec indolence :

Ainsi s’en va, traîné le long des rues,
Le songe de mes anciens printemps,
Cependant qu’une femme a rougi d’être nue
Dans la foule indiscrète des amants.

Pourquoi ? Tu as senti l’odeur de mon désir ?
Tu as senti la fraîcheur amoureuse des nuées
Tomber sur tes épaules, et le plaisir
Souffler du vent dans tes cheveux dénoués ?

Je ne te voyais pas. Je regardais les femmes et les fleurs
Comme on regarde des étoffes ou des images :
Je me souviens alors de toutes les couleurs
Qui enchantaient mes premiers paysages.

Ces belles fleurs m’apportent des campagnes et des jardins,
Dans leurs aisselles et parmi les plis frais de leurs feuilles,
Je reconnais le goût des filles des chemins,
Du sureau, de la sauge, du tendre chèvre-feuille ;

Je promène mon rêve autour de tes rosiers
Et de tes pavots, parc aux antiques sourires ;
Puis je me glisse à travers la houle de vos halliers,
Bois où mon cœur avec joie se déchire.

II
Je me souviens des bois et des jardins,
Des arbres et des fontaines,
Des champs, des prés et aussi des chemins
Aux figures incertaines.

Ce vieux bois qui, dans sa verte douceur,
Aimait mon adolescence,
II a toujours l’adorable fraîcheur
Et la chair de l’innocence.

Il a toujours le chant de son ruisseau,
Et les plumes de ses mésanges
Et de ses geais et de ses poules d’eau,
Et le rire de ses anges

Car on entend souvent au fond des bois
Des souffles, des voix frileuses,
Et l’on ne sait si ce sont des hautbois
Ou l’émoi des amoureuses.

Il a toujours les feuilles de ses aulnes
Dont les troncs sont des serpents ;
Il a toujours ses genêts aux yeux jaunes
Et ses houx aux fruits sanglants,

Ses coudriers aimés des écureuils,
Ses hêtres, qui sont des charmes,
Ses joncs, le cri menu de ses bouvreuils,
Ses cerisiers pleins de larmes ;

Ses grands iris, dans leur gaîne de lin,
Qu’on appelle aussi des flambes,
Ses liserons, désir rose et câlin,
Qui grimpe le long des jambes :

Liserons blancs, aussi liserons bleus,
Liserons qui sont des lèvres,
Et liserons qui nous semblent des yeux
Doux de filles ou de chèvres ;

Beaux parasols semés d’insectes verts,
Angéliques et ciguës ;
Vous qui montrez à nu vos cœurs amers
Belladones ambiguës ;

Blonds champignons tapis sous les broussailles,
Oreilles couleur de chair,
Morilles d’or, bolets couleur de paille,
Mamelles couleur de lait !

Il a toujours tout ce qui fait qu’un bois
Est un lit et un asile,
Un confident aimable à nos émois,
Une idée et une idylle.

*

Mais un désir me ramène au jardin :
Je retrouve ses allées,
Ses bancs verdis, ses bordures de thym,
Ses corbeilles dépeuplées.

Voici ses ifs, ses jasmins, ses lauriers,
Ses myrtes un peu moroses,
Et voici les rubis de ses mûriers
Et ses guirlandes de roses.

Je viens m’asseoir à l’ombre du tilleul,
Dans la rumeur des abeilles,
Et je retrouve, en méditant, l’orgueil,
O sourire, et tes merveilles.

Sur ce vieux banc, je retrouve l’espoir
Et la tendresse des aubes :
Je veux, ayant vécu de l’aube au soir,
Vivre aussi du soir à l’aube.

Le présent rit à l’abri du passé
Et lui emprunte ses songes :
Le renouveau d’octobre a des pensées
Douces comme des mensonges.

O vieux jardin, je vous referai tel
Qu’en vos nobles jours de grâce ;
J’effacerai tous les signes de gel
Qui meurtrissaient votre face.

III
Voilà toutes les fleurs, qui passaient dans les rues,
En ce matin équivoque de mai.
Viens, leurs demeures me sont connues :
Nous les retrouverons aux jardins du passé.

Viens respirer l’odeur jeune de la vieille terre,
Du bois et du grand parc abandonné aux oiseaux.
Viens, nous ferons jaillir de son cœur solitaire
Des moissons de fruits et de rêves tendres et nouveaux.

(Rémy de Gourmont)

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Oh ! Qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Edvard Munch
    
Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage
Quien no ama, no vive.

Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage,
Si jamais vous n’avez épié le passage,
Le soir, d’un pas léger, d’un pas mélodieux,
D’un voile blanc qui glisse et fuit dans les ténèbres,
Et, comme un météore au sein des nuits funèbres,
Vous laisse dans le coeur un sillon radieux ;

Si vous ne connaissez que pour l’entendre dire
Au poète amoureux qui chante et qui soupire,
Ce suprême bonheur qui fait nos jours dorés,
De posséder un coeur sans réserve et sans voiles,
De n’avoir pour flambeaux, de n’avoir pour étoiles,
De n’avoir pour soleils que deux yeux adorés ;

Si vous n’avez jamais attendu, morne et sombre,
Sous les vitres d’un bal qui rayonne dans l’ombre,
L’heure où pour le départ les portes s’ouvriront,
Pour voir votre beauté, comme un éclair qui brille,
Rose avec des yeux bleus et toute jeune fille,
Passer dans la lumière avec des fleurs au front ;

Si vous n’avez jamais senti la frénésie
De voir la main qu’on veut par d’autres mains choisie,
De voir le coeur aimé battre sur d’autres coeurs ;
Si vous n’avez jamais vu d’un oeil de colère
La valse impure, au vol lascif et circulaire,
Effeuiller en courant les femmes et les fleurs ;

Si jamais vous n’avez descendu les collines,
Le coeur tout débordant d’émotions divines ;
Si jamais vous n’avez le soir, sous les tilleuls,
Tandis qu’au ciel luisaient des étoiles sans nombre,
Aspiré, couple heureux, la volupté de l’ombre,
Cachés, et vous parlant tout bas, quoique tout seuls ;

Si jamais une main n’a fait trembler la vôtre ;
Si jamais ce seul mot qu’on dit l’un après l’autre,
JE T’AIME ! n’a rempli votre âme tout un jour ;
Si jamais vous n’avez pris en pitié les trônes
En songeant qu’on cherchait les sceptres, les couronnes,
Et la gloire, et l’empire, et qu’on avait l’amour !

La nuit, quand la veilleuse agonise dans l’urne,
Quand Paris, enfoui sous la brume nocturne
Avec la tour saxonne et l’église des Goths,
Laisse sans les compter passer les heures noires
Qui, douze fois, semant les rêves illusoires,
S’envolent des clochers par groupes inégaux ;

Si jamais vous n’avez, à l’heure où tout sommeille,
Tandis qu’elle dormait, oublieuse et vermeille,
Pleuré comme un enfant à force de souffrir,
Crié cent fois son nom du soir jusqu’à l’aurore,
Et cru qu’elle viendrait en l’appelant encore,
Et maudit votre mère, et désiré mourir ;

Si jamais vous n’avez senti que d’une femme
Le regard dans votre âme allumait une autre âme,
Que vous étiez charmé, qu’un ciel s’était ouvert,
Et que pour cette enfant, qui de vos pleurs se joue,
Il vous serait bien doux d’expirer sur la roue ; …
Vous n’avez point aimé, vous n’avez point souffert !

(Victor Hugo)

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Elle vit dans la cité (Jim Morrison)

Posted by arbrealettres sur 27 avril 2024




    
Elle vit dans la cité
sous la mer
Prisonnière des pirates
prisonnière des rêves
je veux être avec elle
je veux qu’elle voie
Les choses que j’ai créées
coquillages qui saignent
Semences délicates
d’impossibles cuirassés

La libellule voltige
tremblante et taquine
Les herbes folles et ses ailes
sont terriblement en colère

***

She lives in the city
under the sea
Prisoner of pirates
prisoner of dreams
I want to be with her
want her to see
The things I’ve created
sea-shells that bleed
Sensitive seeds
of impossible warships

Dragon fly hovers
& wavers & teases
The weeds & his wings
are in terrible fury

(Jim Morrison)

Recueil: La nuit américaine
Traduction: de l’anglais (Etats-Unis) par Patricia Devaux
Editions: Christian Bourgois

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Trois mille battements et deux cent litres de sang (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2024




    
Trois mille battements et deux cent litres de sang

Si je pouvais me multiplier
je me promènerais avec toi
en te donnant les deux mains.

Je veux dire
que si je pouvais être deux,
moi deux fois
— comprends-moi —,
une âme répétée
comme la boucle qui s’enroulerait entre deux doigts
et ressemblerait à un auriculaire
ou les lèvres
qui laisseraient passer la langue
précédant un baiser
qui se dupliquerait en quête d’éternité,
je coloniserais ton présent et tes lendemains,
t’attendrais où que tu sois
et où tu voudrais être,
me languirais de toi
en voyant tes baisers faire des gouttières entre mes cils
et je te dessinerais en même temps des lèvres
pleines de salive
au milieu du majeur.

Si je pouvais me dédoubler
je nous observerais de l’extérieur
comme on regarde la mort dans les yeux :
avec envie.

Si je pouvais être ici et là
je serais en toi et en toi,
je mettrais le feu à Troie,
tout en t’offrant Paris,
je te regarderais dormir
et rêverais de toi en même temps.

Tu sais ce à quoi je me réfère,
si je pouvais fausser les coordonnées,
je créerais une carte où ne figureraient que tes orteils
et ce besoin que j’ai de te suivre partout.

Si je pouvais être la même en deux moitiés, amour,
je t’habillerais avec autant de nervosité
que tu en as quand tu me laisses te dénuder,
je polirais mes erreurs
pour que le faux pas soit doux
et je serais à la fois le précipice et l’élan
de toutes tes peurs, de tous tes rêves.

Si je pouvais,
mon amour,
je transformerais tout ce qui est maintenant singulier
en pluriel

Mais je ne peux pas,
et tu dois donc te satisfaire
de la seule chose que je puisse faire :
t’aimer
— pas le double, ni par deux, ni au carré,
mais avec la force d’une armée
de trois mille battements et deux cents litres
de sang
qui en voulant te donner plus qu’elle
ne possède
te donne tout ce qu’elle est —.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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Il est un chagrin vague (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Illustration: Guy Baron
    
Il est un chagrin vague
Dans le fond de mon coeur…
Semblable à un bruit d’eau
Dans une solitude…
Un fragile bruit d’eau…

Je pense à ce qui, mort,
Persiste à vivre en moi…
J’y pense, et je m’enfouis
Dans un rêve sans fin,
Stérile et qui m’enfouit.

Me suffit-elle enfin
La vie vécue en vain ?
Allons, que rien ne sorte
Hors de sa solitude…
De moi que je ne sorte !

Je ne sais pas. J’endure les à-coups
Du chagrin dans mon être…
Je médite, et en moi résonne le couchant
De tout ce que j’ai voulu vivre
— Toujours seulement le couchant.

(Fernando Pessoa)

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Je me suis réveillé (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Je me suis réveillé, un morceau de rêve entre les mains,
et n’ai su que faire de lui.
J’ai cherché alors un morceau de veille
pour habiller le morceau de rêve,
mais il n’était plus là.
J’ai maintenant un morceau de veille entre les mains
et ne sais que faire de lui.

À moins de trouver d’autres mains
qui puissent entrer avec lui dans le rêve.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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