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Poésie

Posts Tagged ‘jambe’

Griffonnage (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 8 Mai 2024




Griffonnage

Avec un morceau de charbon
avec ma craie cassée et mon crayon rouge
dessiner ton nom
le nom de ta bouche
le signe de tes jambes
sur le mur de personne
Sur la porte interdite
graver le nom de ton corps
jusqu’à ce que la lame de mon couteau
saigne
et la pierre crie
et le mur respire comme un sein

***

Garabato

Con un trozo de carbón
con mi gis roto y mi lápiz rojo
dibujar tu nombre
el nombre de tu boca
el signo de tus piernas
en la pared de nadie
En la puerta prohibida
grabar el nombre de tu cuerpo
hasta que la hoja de mi navaja
sangre
y la piedra grite
y el muro respire como un pecho

(Octavio Paz)

 

 

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La voiture de fleurs (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    

La voiture de fleurs

I
L’ivresse des jasmins, la tendresse des roses,
Ces robes, ces figures, ces yeux, toutes les nuances,
Les violettes pâles et les pivoines roses
Où l’amour se pâme avec indolence :

Ainsi s’en va, traîné le long des rues,
Le songe de mes anciens printemps,
Cependant qu’une femme a rougi d’être nue
Dans la foule indiscrète des amants.

Pourquoi ? Tu as senti l’odeur de mon désir ?
Tu as senti la fraîcheur amoureuse des nuées
Tomber sur tes épaules, et le plaisir
Souffler du vent dans tes cheveux dénoués ?

Je ne te voyais pas. Je regardais les femmes et les fleurs
Comme on regarde des étoffes ou des images :
Je me souviens alors de toutes les couleurs
Qui enchantaient mes premiers paysages.

Ces belles fleurs m’apportent des campagnes et des jardins,
Dans leurs aisselles et parmi les plis frais de leurs feuilles,
Je reconnais le goût des filles des chemins,
Du sureau, de la sauge, du tendre chèvre-feuille ;

Je promène mon rêve autour de tes rosiers
Et de tes pavots, parc aux antiques sourires ;
Puis je me glisse à travers la houle de vos halliers,
Bois où mon cœur avec joie se déchire.

II
Je me souviens des bois et des jardins,
Des arbres et des fontaines,
Des champs, des prés et aussi des chemins
Aux figures incertaines.

Ce vieux bois qui, dans sa verte douceur,
Aimait mon adolescence,
II a toujours l’adorable fraîcheur
Et la chair de l’innocence.

Il a toujours le chant de son ruisseau,
Et les plumes de ses mésanges
Et de ses geais et de ses poules d’eau,
Et le rire de ses anges

Car on entend souvent au fond des bois
Des souffles, des voix frileuses,
Et l’on ne sait si ce sont des hautbois
Ou l’émoi des amoureuses.

Il a toujours les feuilles de ses aulnes
Dont les troncs sont des serpents ;
Il a toujours ses genêts aux yeux jaunes
Et ses houx aux fruits sanglants,

Ses coudriers aimés des écureuils,
Ses hêtres, qui sont des charmes,
Ses joncs, le cri menu de ses bouvreuils,
Ses cerisiers pleins de larmes ;

Ses grands iris, dans leur gaîne de lin,
Qu’on appelle aussi des flambes,
Ses liserons, désir rose et câlin,
Qui grimpe le long des jambes :

Liserons blancs, aussi liserons bleus,
Liserons qui sont des lèvres,
Et liserons qui nous semblent des yeux
Doux de filles ou de chèvres ;

Beaux parasols semés d’insectes verts,
Angéliques et ciguës ;
Vous qui montrez à nu vos cœurs amers
Belladones ambiguës ;

Blonds champignons tapis sous les broussailles,
Oreilles couleur de chair,
Morilles d’or, bolets couleur de paille,
Mamelles couleur de lait !

Il a toujours tout ce qui fait qu’un bois
Est un lit et un asile,
Un confident aimable à nos émois,
Une idée et une idylle.

*

Mais un désir me ramène au jardin :
Je retrouve ses allées,
Ses bancs verdis, ses bordures de thym,
Ses corbeilles dépeuplées.

Voici ses ifs, ses jasmins, ses lauriers,
Ses myrtes un peu moroses,
Et voici les rubis de ses mûriers
Et ses guirlandes de roses.

Je viens m’asseoir à l’ombre du tilleul,
Dans la rumeur des abeilles,
Et je retrouve, en méditant, l’orgueil,
O sourire, et tes merveilles.

Sur ce vieux banc, je retrouve l’espoir
Et la tendresse des aubes :
Je veux, ayant vécu de l’aube au soir,
Vivre aussi du soir à l’aube.

Le présent rit à l’abri du passé
Et lui emprunte ses songes :
Le renouveau d’octobre a des pensées
Douces comme des mensonges.

O vieux jardin, je vous referai tel
Qu’en vos nobles jours de grâce ;
J’effacerai tous les signes de gel
Qui meurtrissaient votre face.

III
Voilà toutes les fleurs, qui passaient dans les rues,
En ce matin équivoque de mai.
Viens, leurs demeures me sont connues :
Nous les retrouverons aux jardins du passé.

Viens respirer l’odeur jeune de la vieille terre,
Du bois et du grand parc abandonné aux oiseaux.
Viens, nous ferons jaillir de son cœur solitaire
Des moissons de fruits et de rêves tendres et nouveaux.

(Rémy de Gourmont)

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BLASON DE LA CHEVILLE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
BLASON DE LA CHEVILLE

La cheville en métrique a bien mauvaise presse
Mais c’est une autre affaire au pied menu des filles
Elle y est à propos comme un anneau en quille,
Et n’y pèse pas plus qu’un fil qui là se tresse.

Elle est un bijou nu, simple colifichet,
Un bracelet de chair que belle jambe enfile.
Un ajout qui convient n’est jamais inutile.
Plus belle jambe encor celle qui s’en fichait.

La beauté est dédain de ses propres atours.
Le mépris qu’elle émet sert encore à l’asseoir
Et la froideur paraît son plus bel accessoire.

Où la cheville tombe elle y a son séjour.
L’attache est à sa place où elle sert le beau,
À resserrer les liens de la chose et du mot.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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SONNET DU MASCARET (André Berry)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2024




    
SONNET DU MASCARET

Comme au bord de Garonne en mon sommeil distrait
J’allais du long sentier suivant l’herbeuse ligne,
De loin, poussant la vase avec son eau maligne,
J’entendis dans mon dos mugir le mascaret.

Au fracas, vers l’amont, je partis comme un trait
Et je ne savais plus, dans ma terreur insigne,
Si c’était sur la digue, entre matrasse et vigne,
Moi qui portais ma jambe, ou mon pied qui courait.

Mais sur la piste, au fur, plus basse et plus étroite,
En vain je galopais plus soufflant et plus moite;
La vague indistançable allait me dépasser.

Et, bien que je dormisse au plus chaud de la plume,
Je sentis d’un seul coup tout mon dos se glacer
Quand d’un humide fouet me frappa son écume.

(André Berry)

 

Recueil: Poèmes involontaires suivi du Petit Ecclésiaste
Traduction:
Editions: René Julliard

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ASSIEDS-TOI, MON ÂME (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    
ASSIEDS-TOI, MON ÂME

Et puis un jour arrive et le bonheur est là
comme la mer au pied de la mer, on touche
la fenêtre, le bois, pour apaiser ce sang
qu’on croyait disparu

avec le vieux cheval qui ruminait l’azur,
et le cri vert de l’herbe sous l’étouffoir
glacé ; on touche à ce qui n’est pas encore,
ce qui viendra : la vie

promise, mais on a trop de jambes, trop
de bras et le coeur fait des noeuds
— assieds-toi donc mon âme, assieds-toi, laisse
l’enfant de tes rides, l’enfant perdu,

défaire le filet du pauvre pêcheur d’eau.

(Guy Goffette)

 

Recueil: Le pêcheur d’eau
Editions: Gallimard

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Union libre (André Breton)

Posted by arbrealettres sur 7 janvier 2024



    

Union libre

Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d’éclairs de chaleur
A la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d’étoiles de dernière grandeur
Aux dents d’empreintes de souris blanche sur la terre blanche
A la langue d’ambre et de verre frottés
Ma femme à la langue d’hostie poignardée
A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
A la langue de pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d’écriture d’enfant
Aux sourcils de bord de nid d’hirondelle
Ma femme aux tempes d’ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma femme aux épaules de champagne
Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d’allumettes
Ma femme aux doigts de hasard et d’as de cœur
Aux doigts de foin coupé
Ma femme aux aisselles de martre et de fênes
De nuit de la Saint-Jean
De troène et de nid de scalares
Aux bras d’écume de mer et d’écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d’horlogerie et de désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau
Ma femme aux pieds d’initiales
Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds de calfats qui boivent
Ma femme au cou d’orge imperlé
Ma femme à la gorge de Val d’or
De rendez-vous dans le lit même du torrent
Aux seins de nuit
Ma femme aux seins de taupinière marine
Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de spectre de la rose sous la rosée
Ma femme au ventre de dépliement d’éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au dos d’oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de lumière
A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et de chute d’un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
Ma femme aux fesses de grès et d’amiante
Ma femme aux fesses de dos de cygne
Ma femme aux fesses de printemps
Au sexe de glaïeul
Ma femme au sexe de placer et d’ornithorynque
Ma femme au sexe d’algue et de bonbons anciens
Ma femme au sexe de miroir
Ma femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et d’aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux yeux d’eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache
Aux yeux de niveau d’eau de niveau d’air de terre et de feu.

(André Breton)

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RENDEZ-VOUS (Abdul-Aziz Jassim)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023


 

Illustration: Leon Santiago

RENDEZ-VOUS

Hier à la première demande
après des années d’absence elle m’a à nouveau accompagné
m’a enlacé passionnément devant les gardes
a retiré ses doigts et s’est enfuie.

Je l’ai suivie. Sur un pont élevé
elle a noué ses cheveux courts et a sauté.
Ma vie s’est élancée après elle,
comme la larme d’un capitaine
qui voit disparaître son bateau
et ne fait rien, seulement fixer les yeux
sur ses jambes mutilées.

(Abdul-Aziz Jassim)

– UAE

Traduction de l’anglais de Germain Droogenbroodt y Elisabeth Gerlache

de “La lezom le” 1995

Autres langues:

Anglais: https://www.point-editions.com/en/774-tryst
Espagnol: https://www.point-editions.com/es/774-tryst
Néerlandais: https://www.point-editions.com/nl/774-tryst
Autres: https://www.point-editions.com/ww/774-tryst

Recueil: ITHACA 774
Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

FRIENDS ITHACA
Holland: https://boekenplan.nl
Poland: http://www.poetrybridges.com.pl
France: https://arbrealettres.wordpress.com
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India: https://nvsr.wordpress.com; https://ourpoetryarchive.blogspot.com>
USA-Romania: http://www.iwj-magazine.com/journal02

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Enfant de la faim (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2023



    
Enfant de la faim

Son tronc d’ébène
Se dresse
Hors du fagot des jambes

Plaines et chair
Se rétractent
Tout se tait

Sauf l’Oeil

Qui engloutit la face
Aspire la bouche vide
Dévore les jambes brûlées

L’Oeil
Du fond des puits

L’Oeil
Qui nous interpelle

Oblitère nos jeux
Condamne nos desseins.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Voluptueuse (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2023



Voluptueuse

Tu touches à la plénitude
Tenant dans tes mains
Un bouquet de rêves
Que tu effeuilles comme des roses
Dans le jardin des espoirs

Dans la brume qui fleurit
Au flanc de la colline
Tu traces avec un ongle verni
La blessure de l’aurore
Sur le ventre nu
De l’adolescence du jour

Tu souris à la pierre qui médite
Sur le seuil de ta maison
Où la clarté achève
De démêler ta chevelure sombre
Qui tombe sur les épaules de la nuit

Tu agites les plis de ta robe
Sur tes jambes de marbre
Et le vent dévoile tes cuisses
Bien au-dessus des bas

(Jean-Baptiste Besnard)


Illustration: Guillaume Seignac

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Toi Franz Toussaint)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023




    
Toi

Ta chevelure,
qui est l’étendard
de mon amour.

Ton front,
tiède et bombé
comme une cassolette.

Tes yeux,
qui sont couchés
sur ton visage.

Tes lèvres,
cette porte
du Jardin.

Tes dents,
entre tes lèvres,
comme de la neige
sur de la pourpre.

Ta langue,
qui a mûri
pour ma bouche.

Ton cou,
qui est une colonne d’ivoire.

Ton épaule,
lisse
comme la margelle d’un puits.

Tes bras,
qui seront deux flammes
autour de mon corps.

Tes seins,
qui jaillissent
pour se donner.

Ton ventre,
ce parvis de marbre.

Tes jambes,
réunies
comme deux agneaux craintifs.

Tes pieds,
qui ont franchi le seuil de ma demeure
et que je pose sur mon front.

(Franz Toussaint)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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