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Poésie

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S’allument soudain toutes les lampes (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
S’allument soudain toutes les lampes
et la lumière nous exténue
comme un drap trop blanc
pour qu’on puisse s’en couvrir.

L’écheveau intérieur
lui prête alors un peu de son fil,
un peu de sa réserve d’ombre,
pour modérer le tissu éclatant
et que l’homme puisse se couvrir.

Le tout de la lumière
est plus insupportable que le néant.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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La densité de ce qui n’est pas (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024




    
La densité de ce qui n’est pas,
la force de ce qu’on n’a pas,
agite de remous l’eau de la vie
et crée un bruit de fond
pour tous les gestes.

Jusqu’au tissu serré de la mort
comporte un pâle fil
où la trame cède et s’allège
parce que la mort lui manque.

Et jusqu’à ce qui jamais n’a vécu
et jamais ne mourra

émerge dans la faille d’une absence
qui lui prête son corps.

La pierre du non-être,
la sûre condition négative,
la pression du néant,
est l’ultime appui qui nous reste.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Impossible d’enfiler le fil (Ozaki Hôsai)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2024



fil aiguilleq

Impossible d’enfiler
Le fil dans l’aiguille
Je contemple le ciel bleu.

(Ozaki Hôsai)

 

 

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Retenir la parole (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024



Illustration: Chantal Dufour
    
Retenir la parole
une seconde avant la lèvre,
une seconde avant la voracité partagée,
une seconde avant le coeur de l’autre,
pour qu’il y ait au moins un oiseau
qui puisse se passer de nid.

D’air est le destin.
Les boussoles ne signalent qu’un de ses fils,
mais l’absence en exige d’autres
pour que les choses soient
leur destin d’air.

La parole est l’unique oiseau
qui puisse égaler son absence.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Une fibre plus mince que la pensée Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2024



    

Une fibre plus mince que la pensée, un fil au calibre nul,
unit nos yeux quand nous ne nous regardons pas.

Quand nous nous regardons
nous unissent tous les fils du monde,
mais celui-là manque,
qui seul donne l’ombre
à la lumière la plus secrète de l’amour.

Quand nous ne serons plus, restera peut-être ce fil
pour unir nos places vides.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Certains regards (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024




    
Certains regards seulement passent par les yeux,
d’autres ne passent à travers rien.
La terre, par exemple, regarde.
Il y a parfois un puits,
parfois un trouble dans le vent,
parfois une ligne au fil de l’eau.
Mais parfois il n’y a rien,
hors le regard pur de la terre,
le regard où nous palpitons.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Des fils (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Gilbert Garcin
    
Des fils qui viennent du dehors
me composent un geste
qui se retourne et m’atteint au-dedans.

Je ne sais qui recherchent ces fils,
quelle autre complicité ou réponse ou lien,
quelle autre conjuration de formes.

Ou peut-être qu’aucun geste ne leur importe
et qu’ils poursuivent simplement
les fils épars de l’autre côté,
pour s’attacher à eux,
et que je suis uniquement
le lieu où le noeud est possible ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Croquis-Démolition (Extraits) Patricia Cottron-Daubigné)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024



    

Croquis-Démolition (Extraits)

Je recule devant le coeur gueulant de l’usine, la brutalité de la machine;
ils ouvrent une porte, blindée, une deuxième, épaisses les deux et je recule,
le ventre tordu de l’odeur qui suffoque : des tuyaux, des fils, du bruit qui hurle,
du liquide partout qui pue et gicle, sur les parois, partout;
et les mains pleines, ne pas se sentir mal, il faut que je touche,
c’est la puissance de la machine qui claque ses roulements métal contre métal,
ne pas se sentir mal, je suis dans le coeur de la fierté de l’homme qui affronte la machine, la pire.
J’entends mal ce qu’ils expliquent, le roulement, le passage, la meule, la surveillance,
chaque jour et combien de fois, le ventre blindé de l’homme face,
et ses poumons comment blindés de quoi, le travail qui fait vivre et mourir je me dis,
les fils de mon cerveau raccrochent moins bien, le travail, sa perte,
vivre sans, et vivre avec, dans cette violence, je ne sais pas comment.

Les mains sont restées serrées dans les poches.
«On disait rien.» L’un après l’autre, les noms sont tombés
«C’est étrange comme on était calme. On disait rien.
Pourtant on avait envie, on sait pas, de crier, de casser;
la tension était là dans notre silence la colère tout au fond.
C’étaient pas des fainéants, pas des tire-au-flanc qu’on nous arrachait.
Des mecs bien, qui bossaient.» À la tristesse, ils ajoutaient la honte,
c’est ce qu’ils disaient «on a rien fait ».
Ils sont restés silencieux, en bleu de travail dans les odeurs d’huiles et de dissolvants,
avec des envies de pleurer. Il y avait le silence des machines et soi qui ne partait pas.

(Patricia Cottron-Daubigné)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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BLASON DE LA CHEVILLE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
BLASON DE LA CHEVILLE

La cheville en métrique a bien mauvaise presse
Mais c’est une autre affaire au pied menu des filles
Elle y est à propos comme un anneau en quille,
Et n’y pèse pas plus qu’un fil qui là se tresse.

Elle est un bijou nu, simple colifichet,
Un bracelet de chair que belle jambe enfile.
Un ajout qui convient n’est jamais inutile.
Plus belle jambe encor celle qui s’en fichait.

La beauté est dédain de ses propres atours.
Le mépris qu’elle émet sert encore à l’asseoir
Et la froideur paraît son plus bel accessoire.

Où la cheville tombe elle y a son séjour.
L’attache est à sa place où elle sert le beau,
À resserrer les liens de la chose et du mot.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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SPLEEN ET HONDA (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



    

SPLEEN ET HONDA

Quand sur la terre lourde en proie aux longues herbes
La tondeuse à gazon pèse son âne mort
Parce qu’elle a calé, qu’elle ne redémarre,
Et qu’il faut tirailler sa courte bride acerbe

Et la pousser encor jusque dans la remise,
Son guidon paraît lors l’extension du guignon.
C’est jouer de malchance et la plainte est de mise.
À la panne jamais nous ne nous résignons.

Alors manifestant l’antique dissension
Qui règne entre l’esprit et le corps ingénié,
Un long fil soyeux tel celui de l’araignée

Embobine l’engin dans sa disparition.
Prostrée et momifiée en cocon du déni,
Tondeuse je te hais, je t’oublie, te renie.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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