La cheville en métrique a bien mauvaise presse
Mais c’est une autre affaire au pied menu des filles
Elle y est à propos comme un anneau en quille,
Et n’y pèse pas plus qu’un fil qui là se tresse.
Elle est un bijou nu, simple colifichet,
Un bracelet de chair que belle jambe enfile.
Un ajout qui convient n’est jamais inutile.
Plus belle jambe encor celle qui s’en fichait.
La beauté est dédain de ses propres atours.
Le mépris qu’elle émet sert encore à l’asseoir
Et la froideur paraît son plus bel accessoire.
Où la cheville tombe elle y a son séjour.
L’attache est à sa place où elle sert le beau,
À resserrer les liens de la chose et du mot.
je te peau
je te porte
et te fenêtre
tu m’os
tu m’océan
tu m’audace
tu me météorite
je te clé d’or
je t’extraordinaire
tu me paroxysme
Tu me paroxysme
et me paradoxe
je te clavecin
tu me silencieusement
tu me miroir
je te montre
tu me mirage
tu m’oasis
tu m’oiseau
tu m’insecte
tu me cataracte
je te lune
tu me nuage
tu me marée haute
je te transparente
tu me pénombre
tu me translucide
tu me château vide
et me labyrinthe
tu me parallaxes
et me parabole
tu me debout
et couché
tu m’oblique
je t’équinoxe
je te poète
tu me danse
je te particulier
tu me perpendiculaire
et soupente
tu me visible
tu me silhouette
tu m’infiniment
tu m’indivisible
tu m’ironie
je te fragile
je t’ardente
je te phonétiquement
tu me hiéroglyphe
tu m’espace
tu me cascade
je te cascade
à mon tour mais toi
tu me fluide
tu m’étoile filante
tu me volcanique
nous nous pulvérisable
Nous nous scandaleusement
jour et nuit
nous nous aujourd’hui même
tu me tangente
je te concentrique
tu me soluble
tu m’insoluble
en m’asphyxiant
et me libératrice
tu me pulsatrice
pulsatrice
tu me vertige
tu m’extase
tu me passionnément
tu m’absolu
je t’absente
tu m’absurde
je te marine
je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine
je buste ta poitrine
puis ton visage
je te corsage
tu m’odeur
tu me vertige
tu glisses
je te cuisse
je te caresse
je te frissonne
tu m’enjambes
tu m’insupportable
je t’amazone
je te gorge
je te ventre
je te jupe
je te jarretelle
je te peins
je te bach
pour clavecin
sein
et flûte
je te tremblante
tu m’as séduit
tu m’absorbes
je te dispute
je te risque
je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi
tu me tourbillonnes
tu m’effleures
tu me cerne
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerine rouge
et quand tu ne haut talon pas mes sens
tu es crocodile
tu es phoque
tu es fascine
tu me couvres
et je te découvre
je t’invente
parfois
tu te livres
tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dent je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine
je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues je te veines
je te main
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps je te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris
Rien à voir avec les désirs-ouragans.
Ceux qui te tiennent dans le vent
par la fragile poigne d’une Cheville.
Ceux qui te brassent à l’envers.
C’est une douceur qui te prend au ventre.
Ou, plus précisément, c’est quelque Chose dans le ventre
qui te rappelle que tu es douceur.
Ça grossit là, dans l’abdomen,
et ça caresse tout ce qui mousse au fond de toi.
(Catherine Voyer-Léger)
Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle
Elle croyait qu’j’étais James Dean,
américain d’origine – le fils de Buffalo Bill,
Alors admiration
Faut dire qu’j’avais la chemise à carreaux,
la guitare derrière dans l’dos
Pour faire le cow-boy très beau
Mais composition
Elle me parlait anglais tout l’temps
J’lui répondais 2, 3 mots bidon
Des trucs entendus dans des chansons,
Consternation
Elle croyait qu’j’étais coureur,
qu’j’arrivais des 24 heures
Avec mon casque en couleur,
Alors admiration
J’lui disais drapeau à damiers dérapage bien contrôlé
Admirateurs fascinés,
Télévision
Elle me dit partons à la mer, dans ton bolide fendons l’air
Elle passe pas l’80 ma traction,
Consternation
J’suis mal dans ma peau en coureur très beau
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis qu’un mec à frime, bourré d’aspirine
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
Elle croyait qu’j’étais chanteur,
incognito voyageur, tournées, sonos, filles en pleurs,
Alors admiration
Faut dire qu’j’avais des talons aiguilles,
le manteau d’lapin d’une fille
Des micro-bracelets aux chevilles,
Exhibition
Elle me dit chante moi une chanson
J’ai avalé 2, 3 maxitons
Puis j’ai bousillé « Satisfaction »,
Consternation
J’suis mal dans ma peau en chanteur très beau
And I just go with my pince a vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis qu’un mec à frime bourré d’aspirine
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’habite chez ma grand-mère, derrière le garde-barrière
And I just go with ma pince à vélo
Je suis bidon, je suis bidon
J’suis mal dans ma peau en chanteur très beau
And I just go with my pince a vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis mal dans ma peau en coureur très beau
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
Je suis qu’un mec à frime, bourré d’aspirine
And I just go with my pince a vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’habite chez ma grand-mère, derrière le garde-barrière
And I just go with my pince à vélo
J’suis bidon, j’suis bidon
J’suis bidon
Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine je buste ta poitrine puis te visage
je te corsage
tu m’odeur tu me vertige
tu glisses
je te cuisse je te caresse
je te frissonne tu m’enjambes
tu m’insupportable
je t’amazone
je te gorge je te ventre
je te jupe
je te jarretelle je te bas je te Bach
oui je te Bach pour clavecin sein et flûte
je te tremblante
tu me séduis tu m’absorbes
je te dispute
je te risque je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi tu me tourbillonnes
tu m’effleures tu me cernes
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerines rouges
et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvre je t’invente
parfois tu te livres
tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dents je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues et te veines
je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris
La pluie aux pieds danseurs, aux longs cheveux,
les chevilles mordues par la foudre,
la pluie descend accompagnée par les tambours :
le maïs ouvre les yeux et croît.
Le souffle de la nuit est ton drap, la ténèbre se couche contre toi.
Elle t’effleure la cheville et la tempe, te réveille à vie et sommeil,
elle te traque et déniche dans un mot, un désir, une pensée,
elle couche avec chacun d’eux, elle t’appâte et débusque.
Elle te peigne le sel des cils et te le donne à manger, à l’écoute de tes heures,
elle en recueille le sable et te le sert à table.
Et ce que, rose, elle fut, ombre et eau, elle te le verse.
(Paul Celan)
Recueil: Choix de poèmes
Traduction: Jean-Pierre Lefebvre
Editions: Gallimard