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Poésie

Posts Tagged ‘tresser’

Sauvetage (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Sauvetage

Si tu n’existais pas,
si tu étais, je ne sais pas,
un tire-bouchon tressé,
une dichotomie entre ton âme et ton corps,
des envies qui restent sur leur faim.
Si tu étais, comment dire,
quelqu’un qui s’ajuste aux limites des jours,
un soupçon,
une tentative.

Si tu n’existais pas,
si tu étais autre chose
avec les mêmes visage, voix et mains,
mais autre chose,
en ma fin de ton compte,
je te traverserais entière,
je briserais tes barrières,
j’irais de ton nord à ton sud en foulant
ta boussole
comme le naufragé qui parcourt des forêts
pour atteindre la mer
et je te peuplerais de mes bateaux,
à la proue de ton essence

j’attendrais
sans aucune hésitation ni délai
le sauvetage.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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BLASON DE LA CHEVILLE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
BLASON DE LA CHEVILLE

La cheville en métrique a bien mauvaise presse
Mais c’est une autre affaire au pied menu des filles
Elle y est à propos comme un anneau en quille,
Et n’y pèse pas plus qu’un fil qui là se tresse.

Elle est un bijou nu, simple colifichet,
Un bracelet de chair que belle jambe enfile.
Un ajout qui convient n’est jamais inutile.
Plus belle jambe encor celle qui s’en fichait.

La beauté est dédain de ses propres atours.
Le mépris qu’elle émet sert encore à l’asseoir
Et la froideur paraît son plus bel accessoire.

Où la cheville tombe elle y a son séjour.
L’attache est à sa place où elle sert le beau,
À resserrer les liens de la chose et du mot.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Je n’existe pas. Tu n’existes pas (Christiane Singer)

Posted by arbrealettres sur 11 février 2024



Illustration: René Julien
    
Je n’existe pas. Tu n’existes pas.
Mais ce qui existe (…)
c’est ce qui s’est tressé entre nous,
ce qui est filé entre nos deux quenouilles,
la relation, l’entre-nous.

Lorsque je comprends que tout ce qui détermine mon existence
définit l’exact périmètre de ce qui n’est pas important
et que tout ce qui me relie à la création est le Vivant

– alors seulement la bonne existence peut commencer.

(Christiane Singer)

Recueil: Du bon usage des crises
Editions: Albin Michel

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SOUVENIRS DE LA RIVIÈRE DES INDIENS (Kenneth White)

Posted by arbrealettres sur 3 janvier 2024




    
SOUVENIRS DE LA RIVIÈRE DES INDIENS

palétuviers
aux racines tressées et sinueuses

crabes aux pinces rouges
guettant entre les rochers

héron bleu, héron vert !

et le chuintement de la proue
qui progressait lentement
à travers les ombres.

***

MEMORIES OF INDIAN RIVER

Mangrove trees
with tressed and sworling roots

red-clawed crabs
staring from the rocks

blue heron, green heron !

and the slickering sound of the prow
as it nosed its way slowly
up through the shadows.

(Kenneth White)

Recueil: Les rives du silence
Traduction: de l’anglais par Marie-Claude White
Editions: Mercure de France

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ENTRE LA LUNE ET LE SOLEIL (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Laurent Folco  
    
ENTRE LA LUNE ET LE SOLEIL

Je te le dis gracieuse et lumineuse
Ta nudité lèche mes yeux d’enfant
Et c’est l’extase des chasseurs heureux
D’avoir fait croître un gibier transparent
Qui se dilate en un vase sans eau
Comme une graine à l’ombre d’un caillou

Je te vois nue arabesque nouée
Aiguille molle à chaque tour d’horloge
Soleil étale au long d’une journée
Rayons tressés nattes de mes plaisirs

(Paul Eluard)

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L’ÎLE AU LAC D’INNISFREE (William Butler Yeats)

Posted by arbrealettres sur 17 octobre 2023




    
L’ÎLE AU LAC D’INNISFREE

Allons, je vais partir, partir pour Innisfree,
Et y bâtir une petite hutte d’argile et de rameaux tressés :
J’aurai là-bas neuf rangs de fèves, une ruche pour l’abeille à miel,
Je vivrai seul dans la clairière embourdonnée d’abeilles.

Là-bas j’aurai un peu de paix, car la paix tombe doucement
Des voiles du matin sur le chant du grillon ;
Là-bas minuit n’est que miroitement et midi y rougeoie d’une pourpre lueur,
Là-bas le soir est plein des ailes de linottes.

Allons je vais partir, car nuit et jour j’entends
L’eau du lac clapoter en murmures légers sur la rive ;
Arrêté sur la route ou sur les pavés gris,
Je l’entends dans le tréfonds du coeur.

***

THE LAKE ISLE OF INNISFREE

I will arise and go now, and go to Innisfree,
And a small cabin build there, of clay and wattles made:
Nine bean-rows will have there, a hive for the honey-bee,
And live alone in the bee-loud glade.

And I shall have some peace there, for peace comes dropping slow,
Dropping from the veils of the morning to where the cricket sings;
There midnight’s all a glimmer, and noon a purple glow,
And evening full of the linnet’s wings.

I will arise and go now, for always night and day
I hear lake water lapping with low sounds by the shore,
While I stand on the roadway, or on the pavements grey,
I hear it in the deep heart’s core.

(William Butler Yeats)

Recueil: La Rose et autres poèmes
Traduction; de l’anglais (Irlande) par Jean Briat
Editions: POINTS

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DANS LES CHEVEUX DE LA TENDRESSE (Marie-France Cunin)

Posted by arbrealettres sur 9 octobre 2023




    
DANS LES CHEVEUX DE LA TENDRESSE
(Triolets)

Dans les cheveux de la tendresse
Flotte un doux parfum de lilas
Aussi troublant qu’une caresse.
Dans les cheveux de la tendresse,
Au peigne d’or le bonheur tresse
De la dentelle en entrelacs.
Dans les cheveux de la tendresse
Flotte un doux parfum de lilas.

Ami, viens y plonger ton rêve
Pour goûter un doigt d’absolu.
Le temps passe, la vie est brève !
Ami, viens y plonger ton rêve
Et découvrir, sublime sève,
Les mots d’un livre jamais lu.
Ami, viens y plonger ton rêve
Pour goûter un doigt d’absolu.

Une étoile toute nouvelle
Viendra scintiller dans ton coeur;
Garde en toi ce qu’elle révèle.
Une étoile toute nouvelle,
Tel un cristal que rien ne fêle,
Te donnera grâce et vigueur.
Une étoile toute nouvelle
Viendra scintiller dans ton coeur.

(Marie-France Cunin)

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O mère, le jeune Prince doit passer devant notre porte (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 4 juillet 2023




    

O mère, le jeune Prince doit passer devant notre porte.
Comment pourrais-je travailler ce matin ?
Apprenez-moi à natter mes cheveux ;
dites-moi quel vêtement je dois mettre.

Pourquoi, mère, me regardez-vous avec étonnement ?

Je sais bien qu’il ne jettera pas un regard à ma fenêtre ;
je sais qu’en un clin d’œil, il disparaîtra
et que seuls les sanglots de sa flûte lointaine
viendront mourir à mon oreille.

Mais le jeune Prince passera devant notre porte
et je veux, pour cet instant,
mettre ce que j’ai de plus beau.

O mère, le jeune Prince a passé devant notre porte
et le soleil du matin étincelait sur son char.
Je me suis dévoilée ;
j’ai arraché mon collier de rubis de mon cou
et je l’ai jeté à ses pieds.

Pourquoi, mère, me regardez-vous avec étonnement ?

Je sais qu’il ne ramassa pas mon collier ;
je sais que mon collier fut écrasé sous les roues de son char,
laissant une tache rouge sur la poussière ;
personne n’a su ce qu’était mon présent ni à qui il était offert.

Mais le jeune Prince a passé devant notre porte
et j’ai jeté sur son chemin
le joyau de mon coeur.

***

La lampe s’était éteinte prés de mon lit ;
au matin je m’éveillai avec les oiseaux.
Je m’assis à ma fenêtre ouverte
et entourai mes cheveux défaits
d’une couronne de fleurs.

Le jeune voyageur vint le long de la route
dans la brume rosée du matin.
Un collier de perles était à son cou
et les rayons du soleil brillaient sur sa couronne.
Il s’arrêta devant ma porte
et ardemment me demanda : « Où est-elle ? »

Honteuse, je ne pus lui dire :
« Elle, jeune voyageur, c’est moi, c’est moi. »

Le jour tombait et la lampe n’était pas allumée.
Distraitement, je tressais mes cheveux.
Le jeune voyageur vint sur son char
dans le rayonnement du soleil couchant.
Ses chevaux écumaient et son vêtement était couvert de poussière.
Il descendit à ma porte
et demanda d’une voix fatiguée : « Où est-elle ? »

Honteuse, je ne pus lui dire :
« Elle, voyageur lassé, c’est moi, c’est moi. »

Par une nuit d’avril, la lampe brûle dans ma chambre.
La brise du sud souffle doucement.
Le bruyant perroquet dort dans sa cage.
Mon corsage a la couleur d’une gorge de paon
et mon manteau est vert comme de la jeune herbe.
Je suis assise à terre près de la fenêtre,
surveillant la rue déserte.

A travers la nuit sombre, je murmure constamment :
« Elle, voyageur désespéré, c’est moi, c’est moi ! »

(Rabindranath Tagore)

Recueil: Le Jardinier d’Amour
Editions: Gallimard

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CHANT A L’HEURE DE LA NUIT (Georg Trakl)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2023



Illustration: Horace Vernet
    
CHANT A L’HEURE DE LA NUIT

IV
Tu es le vin, qui rend ivre,
Et voilà que je saigne dans des danses douces
Et qu’il me faut tresser des fleurs pour ma souffrance!
Ainsi le veut ton sens profond, ô nuit!

Je suis la harpe dans ton sein,
Et voilà que dans mon coeur
Ton chant obscur veut arracher ma douleur dernière,
Et me rend éternel, sans être.

V
Repos profond — ô repos profond!
Nulle cloche pieuse ne sonne,
Ô douce Mère des douleurs —
Ta paix grandie par la mort.
De tes bonnes, fraîches mains
Referme toutes les blessures —
Et qu’elles saignent au-dedans —
Douce Mère des douleurs — ô toi!

VI
Ô que mon silence soit ton chant!
Qu’est-ce pour toi que ce murmure du pauvre
Qui a pris congé des jardins de la vie?
Sois en moi, innommée —
Celle, dressée sans rêve en moi,
Comme une cloche sans timbre,
Comme la douce fiancée de mes douleurs
Et le pavot ivre de mes sommeils.

(Georg Trakl)

Recueil: Oeuvres complètes
Traduction: de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider
Editions: Gallimard

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LA RONDE (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Cyril Leysin
    
LA RONDE

Où déviderons-nous la ronde ?
La ferons-nous sur le rivage?
La mer dansant de tous ses flots
y tressera fleurs d’oranger.

La ferons-nous au pied des monts?
La montagne nous répondra :
ce sera comme si les pierres
se mettaient toutes à chanter.

La ferons-nous dans la forêt?
Elle va mêler toutes voix
et les chants d’enfants et d’oiseaux
vont se confondre dans le vent.

Notre ronde sera sans fin :
nous la ferons dans la forêt,
nous la ferons au pied des monts
et sur tous les bords de la mer.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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