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Posts Tagged ‘temps’

Vers des mers nouvelles (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 8 Mai 2024



 

Shotei  -44

Vers des mers nouvelles

Là-bas – je veux partir, j’ai foi
En moi, et en ma poigne.
Grande ouverte la mer. Dans le bleu
S’enfonce mon navire génois.

Tout luit, tout est neuf, très neuf même.
Midi dort sur l’espace et le temps:
Seul ton oeil, énorme,
Me regarde, ô Infini !

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Shotei

 

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INTERVALLE (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




INTERVALLE

Architectures instantanées
sur une pause suspendues,
apparitions non appelées
ni pensées, formes de vent,
insubstantielles comme du temps
et comme du temps dissipées.

Faites de temps, elles ne sont pas le temps;
elles sont la fente, l’interstice,
le vertige bref du entre
où s’ouvre la fleur diaphane :
haute sur la tige d’un reflet
elle s’évanouit pendant qu’elle tourne.

Jamais touchées, clartés
vues avec les yeux fermés :
la naissance transparente
et la chute cristalline
dans cet instant de cet instant,
interminable encore.

Derrière la fenêtre : terrasses
désolées et nuages rapides.
Le jour s’éteint, la ville
s’allume, proche et lointaine.
Heure sans poids. Je respire
l’instant vide, éternel.

(Octavio Paz)

 

 

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Fontaine (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




Cette heure-ci a la forme d’une pause
La pause a ta forme
Et toi la forme d’une fontaine
non pas d’eau mais de temps
A la cime du jet
volent mes éclats
le je fus le je suis le je ne suis pas encore
Ma vie ne pèse pas
Le passé s’amenuise
Le futur est à peine un peu d’eau dans tes yeux

***

Esta hora tiene la forma de una pausa
La pausa tiene tu forma
Tú tienes la forma de una fuente
no de agua sino de tiempo
En lo alto del chorro de la fuente
saltan mis pedazos
el fui el soy el no soy todavía
Mi vida no pesa
El pasado se adelgaza
El futuro es un poco de agua en tus ojos

(Octavio Paz)

Illustration: Edouard Debat-Ponsan

 

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La Pluie (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




La Pluie

Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées
De fils d’eau qu’on dévide aux fuseaux noirs du Temps
Et qui semblent mouillés aux larmes des années !
Oh ! la pluie ! oh ! l’automne et les soirs attristants !
Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées !

Qui dira la douleur sombre du firmament,
Route de cimetière avec d’horribles voiles
Où les nuages vont élégiaquement,
Corbillards cahotant des cadavres d’étoiles,
Qui dira la douleur sombre du firmament ?

La pluie est un filet pour nos rêves anciens !
Et, dans ses mailles d’eau qui leur font prisonnières
Les ailes, ces divins oiseaux musiciens
Meurent très longuement d’un regret de lumières.
La pluie est un filet pour nos rêves anciens.

Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe,
Notre Ame, quand la pluie éveille ses douleurs,
Quand la pluie, en hiver, la pénètre et la trempe,
Notre Ame, elle n’est plus qu’un haillon sans couleurs,
Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe.

(Georges Rodenbach)

Illustration: Michel Chansiaux

 

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Le temps nouveau et mai et violette… (Le Chatelain de Coucy)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024



    
Le temps nouveau et mai et violette…

Le temps nouveau et mai et violette
Et rossignol me somment de chanter,
Et mon fin cœur me fait d’une amourette
Si doux présent que ne l’ose refuser.
Or me laisse Dieu en tel honneur monter
Que celle où j’ai mon cœur et mes pensers
Tienne une fois entre mes bras nuette,
Avant que j’aille outre mer !

Pour commencer la trouvai si doucette
Que ne croyais pour elle mal endurer,
Mais son doux vis et sa belle bouchette,
Et son bel œil qui est riant et clair
M’eurent pris avant que me pus donner.
Or ne me veut retenir ni quitter,
J’aime mieux avec elle faillir, si (me le) promet,
Qu’à une autre parvenir.

Las ! pourquoi l’ai-je de mes yeux regardée
La douce chose qui fausse amie a nom ?
Elle me raille, et je l’ai tant pleurée,
Si doucement ne fut trahi nul homme.
Tant que fus mien, ne me fit que le bien,
Or je suis sien, elle m’occit sans raison
Et pour autant que de cœur l’ai aimée,
Je ne sais autre raison.

De mille soupirs que je lui dois par dette,
Ne me veut pas d’un seul quitte clamer,
Et faux amour ne laisse que s’entremettre
Ni ne me laisse dormir ni reposer.
Si veut m’occire, moins aura à garder ;
Je ne sais m’en venger fors de pleurer,
Car qui amour détruit et déshérite
On ne l’en doit pas blâmer…

(Le Chatelain de Coucy)

Recueil: Troubadours et trouvères
Traduction: France Igly
Editions: Pierre Seghers

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Quand il m’arrive d’oublier (Jean-François Mathé)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




    
Quand il m’arrive d’oublier que vous êtes morts,
je vous entends venir,
comme du vent plein d’arbres,
rendre toutes ses feuilles à ma mémoire.

Tout ce temps que vous rapportez,
ma maison si petite aujourd’hui
le contient à peine,

seule s’agrandit la page,
mieux éclairée par vos ombres que par des lampes,
où j’écris ce que vous me murmurez.

(Jean-François Mathé)

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Paysages (Brigitte Baumié)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2024




    
Paysages

Impossible souvenir.

L’espace projeté
arrête
le temps.

Quand cette vache
a-t-elle fait trois pas?

À quelle époque
appartiennent ces haies d’arbres?

Ces deux corbeaux sur le vert lumineux du champ?

(Brigitte Baumié)

Recueil: paysages intermittents
Editions: La Boucherie littéraire

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Demain j’aurai le temps (Cesare Pavese)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024




    
Demain j’aurai le temps
de rentrer en moi-même
et de serrer les dents.

Maintenant,
la vie tout entière,
ce sont les nuages,
les arbres et les rues,
perdues dans le ciel.

(Cesare Pavese)

Recueil: Travailler fatigue La mort viendra et aura tes yeux
Traduction: Gilles de Van
Editions: Gallimard

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Les matins passent clairs et déserts (Cesare Pavese)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024



    

Les matins passent clairs et déserts.
C’est ainsi que tes yeux naguère s’ouvraient.
Le matin s’écoulait lentement,
gouffre de lumière immobile.

En silence. Tu vivais en silence;
les choses vivaient sous tes yeux
(sans peine sans fièvre sans ombre)
comme une mer au matin, claire.

Le matin est partout où, lumière, tu es.
Tu étais les choses et la vie.
En toi éveillés nous respirions
sous le ciel qui encore est en nous.

Sans peine sans fièvre en ce temps,
sans cette ambre pesante du jour foisonnant et étrange.
O lumière, ô lointaine clarté, haleine angoissée,
tourne vers nous tes yeux immobiles et clairs.

Sombre est le matin qui passe
sans la lumière de tes yeux.

(Cesare Pavese)

Recueil: Travailler fatigue La mort viendra et aura tes yeux
Traduction: Gilles de Van
Editions: Gallimard

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Blanche abeille (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration
    
Blanche abeille tu bourdonnes — ivre de miel — dans mon âme
et tu te tords en lentes spirales de fumée.

Je suis le désespéré, la parole sans échos,
celui qui perdit tout, et celui qui posséda tout.

Ultime amarre, en toi craque mon anxiété ultime.
En ma terre déserte tu es l’ultime rose.

Ah silencieuse !

Clos tes yeux profonds. Là bat des ailes la nuit.
Ah dénude ton corps de statue craintive.

Tu as des yeux profonds où la nuit bat des ailes.
De frais bras de fleur et giron de rose.

Tes seins ressemblent aux escargots blancs.
Un papillon d’ombre est venu s’endormir sur ton ventre.

Ah silencieuse !

Voici la solitude d’où tu es absente.
Il pleut. Le vent marin chasse d’errantes mouettes.

L’eau marche pieds nus dans les rues trempées.
De cet arbre geignent, comme des malades, les feuilles.

Blanche abeille, absente, encore tu bourdonnes dans mon âme.
Tu revis dans le temps, fine et silencieuse.

Ah silencieuse !

***

Abeja blanca zumbas — ebria de miel — en mi alma
y te tuerces en lentas espirales de humo.

Soy el desesperado, la palabra sin ecos,
el que lo perdió todo, y el que todo lo tuvo.

Última amarra, cruje en ti mi ansiedad última.
En mi tierra desierta eres la última rosa.

Ah silenciosa !

Cierra tus ojos profundos. Allí aletea la noche.
Ah desnuda tu cuerpo de estatua temerosa.

Tienes ojos profundos donde la noche alea.
Frescos brazos de flor y regazo de rosa.

Se parecen tus senos a los caracoles blancos.
Ha venido a dormirse en tu vientre una mariposa de sombra.

Ah silenciosa !

He aquí la soledad de donde estás ausente.
Llueve. El viento del mar caza errantes gaviotas.

El agua anda descalza por las calles mojadas.
De aquel árbol se quejan, como enfermos, las hojas.

Abeja blanca, ausente, aún zumbas en mi alma.
Revives en el tiempo, delgada y silenciosa.

Ah silenciosa !

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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