Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘fumée’

Le ciel s’ennuie (Ogiwara Seisensui)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



Le ciel s’ennuie
Maison si tu es là
Montre ta fumée.

(Ogiwara Seisensui)

Illustration: Laurent Chéhère

 

Posted in haïku, poésie | Tagué: , , , , , | Leave a Comment »

Presque hors du ciel (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration: Silvia Leveroni Calvi
    
Presque hors du ciel jette l’ancre entre deux montagnes
la moitié de la lune.
Tournante, errante nuit, la terrassière des yeux.
Que d’étoiles en morceaux à voir dans la flaque.

Elle fait une croix de deuil entre mes sourcils, elle fuit.
Forge de métaux bleus, nuits des luttes silencieuses,
mon coeur tourne comme un volant fou.
Petite venue de si loin, amenée de si loin,
parfois fulgure son regard sous le ciel.

Plainte incessante, tempête, tourbillon de furie,
traverse sur mon coeur, sans t’arrêter.
Ô vent des sépulcres charrie, détruis,
disperse ta racine somnolente.

Déracine les grands arbres de l’autre côté d’elle.
Mais toi, claire petite, question de fumée, épi.
Elle était celle que formait peu à peu le vent
avec des feuilles illuminées.

Derrière les montagnes nocturnes, blanc lys d’incendie,
ah je ne peux rien dire !
Elle était faite de toutes les choses.

Désir violent, toi qui me fendis la poitrine à coups de couteau,
il est l’heure de suivre un autre chemin,
où elle ne sourira pas.

Tempête qui enterra les cloches,
trouble et nouvel essor des tourments
pourquoi la toucher maintenant,
pourquoi l’attrister.

Suivre hélas le chemin qui s’éloigne de tout,
où ne taillade pas l’angoisse, la mort, l’hiver,
avec ses yeux ouverts parmi la rosée.

***

Casi fuera del cielo ancla entre dos montañas la mitad de la luna.
Girante, errante noche, la cavadora de ojos.
A ver cuántas estrellas trizadas en la charca.

Hace una cruz de luto entre mis cejas, huye.
Fragua de metales azules, noches de las calladas luchas,
mi corazón da vueltas como un volante loco.
Niña venida de tan lejos, traída de tan lejos,
a veces fulgurece su mirada debajo del cielo.
Quejumbre, tempestad, remolino de furia,
cruza encima de mi corazón, sin detenerte.

Viento de los sepulcros acarrea, destroza, dispersa tu raíz soñolienta.
Desarraiga los grandes árboles al otro lado de ella.
Pero tú, clara niña, pregunta de humo, espiga.
Era la que iba formando el viento con hojas iluminadas.
Detrás de las montañas nocturnas, blanco lirio de incendio,
ah nada puedo decir! Era hecha de todas las cosas.

Ansiedad que partiste mi pecho a cuchillazos,
es hora de seguir otro camino, donde ella no sonría.
Tempestad que enterró las campanas, turbio revuelo de tormentas
para qué tocarla ahora, para qué entristecerla.

Ay seguir el camino que se aleja de todo,
donde no esté atajando la angustia, la muerte, el invierno,
con sus ojos abiertos entre el rocío.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Blanche abeille (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration
    
Blanche abeille tu bourdonnes — ivre de miel — dans mon âme
et tu te tords en lentes spirales de fumée.

Je suis le désespéré, la parole sans échos,
celui qui perdit tout, et celui qui posséda tout.

Ultime amarre, en toi craque mon anxiété ultime.
En ma terre déserte tu es l’ultime rose.

Ah silencieuse !

Clos tes yeux profonds. Là bat des ailes la nuit.
Ah dénude ton corps de statue craintive.

Tu as des yeux profonds où la nuit bat des ailes.
De frais bras de fleur et giron de rose.

Tes seins ressemblent aux escargots blancs.
Un papillon d’ombre est venu s’endormir sur ton ventre.

Ah silencieuse !

Voici la solitude d’où tu es absente.
Il pleut. Le vent marin chasse d’errantes mouettes.

L’eau marche pieds nus dans les rues trempées.
De cet arbre geignent, comme des malades, les feuilles.

Blanche abeille, absente, encore tu bourdonnes dans mon âme.
Tu revis dans le temps, fine et silencieuse.

Ah silencieuse !

***

Abeja blanca zumbas — ebria de miel — en mi alma
y te tuerces en lentas espirales de humo.

Soy el desesperado, la palabra sin ecos,
el que lo perdió todo, y el que todo lo tuvo.

Última amarra, cruje en ti mi ansiedad última.
En mi tierra desierta eres la última rosa.

Ah silenciosa !

Cierra tus ojos profundos. Allí aletea la noche.
Ah desnuda tu cuerpo de estatua temerosa.

Tienes ojos profundos donde la noche alea.
Frescos brazos de flor y regazo de rosa.

Se parecen tus senos a los caracoles blancos.
Ha venido a dormirse en tu vientre una mariposa de sombra.

Ah silenciosa !

He aquí la soledad de donde estás ausente.
Llueve. El viento del mar caza errantes gaviotas.

El agua anda descalza por las calles mojadas.
De aquel árbol se quejan, como enfermos, las hojas.

Abeja blanca, ausente, aún zumbas en mi alma.
Revives en el tiempo, delgada y silenciosa.

Ah silenciosa !

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

EN ÉTÉ LE SOIR (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
EN ÉTÉ LE SOIR
I

Les soieries d’été sont douces au toucher
C’est un crépuscule de corsages entrouverts sur la promenade
Et de baisers volés le long des bassins du jardin public
Où se mirent longuement les filles et les étoiles

Sous la laine noire des arbres des voix tricotent
Peaux brunes la promenade est encore belle.
Poudre à vos yeux bleu de vos cernes
La lune en son halo de juillet.

II

Terrasse en surplomb d’où considérer les passants
Nappe en papier blanc serviette de papier rouge
Pizza Margarita des bulles de Valpolicella
Un soir comme celui-ci les voix sont faciles et lointaines

Le rire des convives applaudit
On grignote des morceaux de ciel
Du soleil couchant jusque dans l’assiette
Léger d’épaules et de visage

Cette vie grésille entre les doigts puis s’envole en fumée
Ce goût d’alcool et de tabac on voudrait que ça dure
Surtout ne pas bouger ne plus rien déranger.
Une mouche sur une brindille se tient en équilibre.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

UN PAN DE MUR JAUNE (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024



Illustration: Pierre Buraglio
    
UN PAN DE MUR JAUNE

I

Quand elle traverse la rue trop vite
En faisant ses courses le soir sous la pluie
Le petit lui donne des coups de pied dans le ventre
Mais elle essuie ses joues elle ne se plaint pas

Entre citernes et clapiers il y a de l’herbe
On n’oserait pas dire que c’est un jardin
À cause de ces bidons d’essence et de ces bagnoles défoncées
Où des moineaux morts et des pigeons fermentent

On voit le long de l’autoroute des carrés frisés de laitues
Hérissés de pieds de tomates et de haricots
De petits vieux cassés grattent et ratissent
On s’étonne des baraques de planches où leurs outils sont remisés.

II

On n’a pas le pouvoir de passer à travers les murs
Qui voudrait croire que chaque matin à la même heure
Le ciel secoue à la fenêtre ses draps tachés de suie ?
Un mauvais sommeil ne change rien aux lointains

On voit pourtant parfois flotter un ballon rouge
Un mètre au-dessus de la tête d’une Marjolaine
Au-delà c’est pour les fumées les antennes
Rarement pour les oiseaux ou les anges

On entend le soir des musiques aux portes
Et toutes les fenêtres sont bleues à partir de huit heures
On écoute on regarde on n’a rien à se raconter
Mais on cherche toujours un petit pan de mur jaune.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Vers les eaux d’automne (Nakamura Kusatao)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2024



Vers les eaux d’automne
Du coeur du feu si rouge
La fumée s’envole.

(Nakamura Kusatao)

 

 

Posted in haïku, poésie | Tagué: , , , , , , , | Leave a Comment »

La créature impavide qui m’épie (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




    
La créature impavide qui m’épie
soulève parfois un léger rideau sombre
qui tremble comme s’il était un coeur.
Autour de lui nous tournons l’un et l’autre,
autour de cette contexture tiède
de fumée presque sans rêve.
Mais il arrive que le rideau vibratile
tourne autour de nous
et lève à son tour l’extrême
de cet obscur regard qui nous unit ou sépare,
cette peau aérienne qui devrait être chair
et non pas être dans l’air,
ce voile suspect d’attentes.
Épiant et épié, nous sentons alors
qu’on nous épie l’un et l’autre,
jusqu’à ce que nous soyons définitivement unis
ou définitivement séparés.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Il arriva… (Françoise Favretto)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2024




    
Il arriva…

Il arriva que des femmes s’unirent, parlèrent.
Semblable et semblable.

Nos petites à faire craquer le cadre (murs, plancher, toiture)
s’en allèrent courir avec les bêtes du champ ou celles des rues.
Elles jouèrent et nous laissèrent parler,
tandis que les pères étaient en voyage forcé
et nous écrivaient malgré leur âge des lettres d’amour
que nos filles déchiraient,
gardant les timbres pour s’en décorer les joues, bien sûr.

Nous nous sommes mises à parler,
avec la peau, avec la gorge,
et nous attirions toutes les bêtes domestiques :
les chiens, les chats qui nous aimaient.

Claude, elle, avait rassemblé tous ses tableaux dans ses yeux,
afin de ne plus avoir à parler.
Il en sortait parfois, qui venaient nous illustrer.
Nous n’avions plus d’amies depuis des années.
Il faisait assez chaud pour en créer.

Le soleil nous reprit,
trouvant le sens des femmes, vapeurs, fumées.
Elles décidèrent de s’installer sur la terre pourtant,
entre les cailloux, les chardons, se mêler, se planter.
Quand un vent se leva alors dans leur feuillage.

(Françoise Favretto)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE CAFÉ (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



 


   
LE CAFÉ

D’où remonte que noir est le café en tasse,
Profond dès sa surface ? Et que peut-il vouloir,
Que veut-il que je fasse autre chose que boire
Ce breuvage de choix rallongé d’eau fadasse ?

Hé ! il vient de la nuit qui affleure au matin,
Tel un miroir sans tain où la ténèbre luit.
À sept heures moins vingt un relent de minuit.
Tout l’obscur s’amenuise au clair du kaolin.

Le vieux fond de mystère en fumée se dissipe.
Le principe s’éclaire aux abords de la lippe.
Les lointains amenés sur les rivages sus

Délaissent l’ambigu pour la clarté donnée
À travers le feuillu d’un coeur acuminé.
Attaquons la journée maintenant que c’est bu.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Comme une douleur (Ishikawa Takuboku)

Posted by arbrealettres sur 6 mars 2024



Illustration: Ito Sozan  
    
Comme une douleur
revient un jour le souvenir du pays
tristes les fumées qui montent dans le ciel

(Ishikawa Takuboku)

Recueil: Ceux que l’on oublie difficilement Précédé de Fumées
Traduction: du japonais par Alain Gouvret, Pascal Hervieu, Yasuko Kudaka et Gérard Pfister
Editions: Arfuyen

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , | Leave a Comment »