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EN ÉTÉ LE SOIR (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
EN ÉTÉ LE SOIR
I

Les soieries d’été sont douces au toucher
C’est un crépuscule de corsages entrouverts sur la promenade
Et de baisers volés le long des bassins du jardin public
Où se mirent longuement les filles et les étoiles

Sous la laine noire des arbres des voix tricotent
Peaux brunes la promenade est encore belle.
Poudre à vos yeux bleu de vos cernes
La lune en son halo de juillet.

II

Terrasse en surplomb d’où considérer les passants
Nappe en papier blanc serviette de papier rouge
Pizza Margarita des bulles de Valpolicella
Un soir comme celui-ci les voix sont faciles et lointaines

Le rire des convives applaudit
On grignote des morceaux de ciel
Du soleil couchant jusque dans l’assiette
Léger d’épaules et de visage

Cette vie grésille entre les doigts puis s’envole en fumée
Ce goût d’alcool et de tabac on voudrait que ça dure
Surtout ne pas bouger ne plus rien déranger.
Une mouche sur une brindille se tient en équilibre.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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LA QUINTESSENCE HUMAINE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: William Blake
    
LA QUINTESSENCE HUMAINE

La Pitié n’existerait plus
Si nous n’avions pas créé le pauvre ;
Et la Compassion ne pourrait plus être
Si tous étaient aussi heureux que nous.

Et la crainte réciproque amène la Paix
Jusqu’à ce que grandissent les amours égoïstes.
Alors la Cruauté tend un piège
Et dispose ses appâts avec soin.

Elle s’assoit avec crainte, pieusement,
Et inonde le sol de pleurs ;
Puis l’Humilité prend racine
Sous son pied.

Bientôt s’étend l’ombre lugubre
Du Mystère sur sa tête
Et la chenille et la mouche
Se nourrissent du Mystère.

Il porte les fruits de la Ruse
Vermeils et doux à manger
Et le corbeau a fait son nid
Dans le plus épais de son ombre.

Les dieux de la terre et de la mer
Ont fouillé l’univers pour découvrir cet arbre,
Mais leurs recherches furent toujours vaines
Car il croît dans le Cerveau humain.

***

The Human Abstract (1794)

Pity would be no more
If we did not make somebody poor;
And Mercy no more could be
If all were as happy as we.

And mutual fear brings peace,
Till the selfish loves increase;
Then Cruelty knits a snare,
And spreads his baits with care.

He sits down with holy fears,
And waters the ground with tears;
Then Humility takes its root
Underneath his foot.

Soon spreads the dismal shade
Of Mystery over his head;
And the caterpillar and fly
Feed on the Mystery.

And it bears the fruit of Deceit,
Ruddy and sweet to eat;
And the raven his nest has made
In its thickest shade.

The Gods of the earth and sea
Sought thro’ Nature to find this tree;
But their search was all in vain:
There grows one in the Human brain.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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Ciel fendu (Marie-Claire Bancquart)

Posted by arbrealettres sur 1 février 2024




    
Ciel fendu

Les mots s’autodétruisent
dans l’odeur surie des bibliothèques
on lève son regard vers la fragilité des nuages.

Plus fragile, pourtant,
le ciel fendu par des écroulements

chairs pissant leurs liquides

massacres attentats

ils ne suriront pas, eux
ils bombillent sur le sang, bourdonnant l’opéra de la mort totale.

Eh, la parole, tu t’es enfuie
sur les ailes de ces mouches à merde ?

Mais non, tu restes
cette place de sève où la vie continue
dans la tige qu’on croyait gâtée pour toujours.

On s’accorde avec un espoir minuscule
en pot sur le balcon.

Notre précieux rien.
Notre indéfectible amour, à deux, à d’autres au milieu du monde presque défait.
Notre évidence.

(Marie-Claire Bancquart)

Recueil: Anthologie Poèmes ouverts
Editions: POINTS

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Ceci (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2023




    
Ceci

« Ceci était mon fils ma fille
mon père ma mère

Cette chose mon aimé
mon aïeul mon enfant ! »

La femme vêtue de noir
agglutinée aux mouches
tournoie dans une houle d’amour
et d’aversion

Tournoie et se déchire
autour d’un tas de chair
qui suinte sous le jour

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

Ce sang dilapidé sur le bitume
s’ordonnait, hier encore, dans un réseau de veines
retissait, hier encore, la loi de l’existence

Ce coeur-sentinelle
s’est raidi sous le plomb

Ce sac-à-vermine
abritait des entrailles
où s’ouvrait le plaisir
où germinait la vie

Un rictus a drainé toute la pulpe de ces lèvres
Ces orbites-à-fourmis logeaient oeil et regards

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

L’esprit travaillait cette motte d’indifférence

La parole soulevait cette forme interrompue

La femme vêtue de noir
tremble sous la tourmente
hurle dans le chaos

s’agglutine aimantée

à ce profil d’écorce
à cette main qui stagne
à ce marécage d’humeurs
à ce baluchon putride

à ce « Toi que j’appelle
et qui ne seras plus ! »

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Та figure douce… (Francis Jammes)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



Illustration
    
Та figure douce…

Та figure douce souffrirait.
Tes larmes que j’ai avalées,
petite amie, étaient salées
comme une herbe de marée.

Elles m’ont mordu la langue…
Tu t’en allais tristement
prendre l’omnibus lourd et lent,
en pleurant que je m’en aille;

et ta bouche sur ma bouche,
ta tête faisait des sauts,
et tu étais douce
en pleurant doucement…

II y a là sur la fenêtre
des liserons bleus où il a plu.
Ils bougent comme un baiser sur
ta fine et douce tête.

Tu ne m’as pas ennuyé.
Les autres m’ont ennuyé.
Mon coeur triste est ennuyé
comme un ange ennuyé.

Les mouches volent aux vitres
pendant que je pense à toi.
Tout est triste comme moi.
Tout est triste.

(Francis Jammes)

 

Recueil: De l’Angelus de l’aube à l’Angelus du soir
Traduction:
Editions: Gallimard

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3 Novembre (Richard Brautigan)

Posted by arbrealettres sur 10 décembre 2023


jolie fille de paris jolie robe

Me voilà assis dans un café
en train de boire un coca.
Une mouche s’est endormie
sur la serviette en papier.
Il faut que je la réveille
pour essuyer mes lunettes.
Il y a une jolie fille
que j’ai envie de regarder.

(Richard Brautigan)

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Mon dernier cheval (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2023



Illustration: ArbreaPhotos
    
Mon dernier cheval

Je n’ai pour chevaucher au hasard de mes jours
Qu’un vieux carcan blessé qui boite et qui s’essouffle,
Vraiment ce qu’on appelle un cheval de retour,
Qui s’est brisé l’échine à porter des maroufles.

Je n’ai que sa carcasse et la mienne et je sais
Que pour aller très loin c’est bien peu pour un homme
Dont le courage est mort et le reste est brisé ;
Le présent me fatigue et l’avenir m’assomme.

Je n’ai pour subsister que trois fois rien d’orgueil
Qui se bat comme il peut mais qui ne peut plus guère.
Des châteaux à venir j’ai déjà fait mon deuil,
Mon cheval est trop vieux pour faire encor’ la guerre.

Il a voyagé loin, son squelette est faussé,
S’il se repose une heure il est couvert de mouches.
Le faire aller plus loin me semble bien risqué,
Avec un mort en selle et l’autre dans la bouche.

Je sais qu’il va se perdre à la croix des chemins,
Qu’il va s’agenouiller et me laisser par terre,
Peut-être cette nuit, ou peut-être demain…
Ne faites qu’un seul trou et rabattez la terre.

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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Moi je ne l’ai pas invitée (Maram al-Masri)

Posted by arbrealettres sur 2 juin 2023



Illustration
    
moi
je ne l’ai pas invitée
à me rendre visite
elle tourne autour de moi
je la chasse
mais
telle une mouche noire
telle une mouche noire et laide
elle vole ici et là
et se pose au fond de mon coeur
la mélancolie
est une vache idiote
qui rumine
l’herbe et la paille de ma joie

(Maram al-Masri)

Recueil: Cerise rouge sur carrelage blanc
Editions: Bruno Doucey

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À moi, à moi! (Mélanie Erhardy)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2023



Illustration: Martin Matje
    
— À moi, à moi!
Cria la mouche sur la souche.
Il pleut sur le bois!

La mouche prit la douche,
La mouche prit froid.
— Atchoum! dit la mouche.
La prochaine fois,
Je reste chez moi!

(Mélanie Erhardy)

Recueil: Petites Comptines pour tous les jours
Editions: Nathan

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L’Américain à Tokyo avec sa pendule cassée (Richard Brautigan)

Posted by arbrealettres sur 4 janvier 2023




    
L’Américain à Tokyo avec sa pendule cassée
Pour Shiina Takako

Les gens me regardent —
Ils sont des millions.
pourquoi cet étrange Américain
arpente-t-il les rues du début de soirée
tenant une pendule cassée
à la main ?
Est-il réel ou n’est-il qu’une illusion ?
Comment la pendule s’est cassée, peu importe.
Les pendules se cassent.
Tout se casse.
Les gens nous regardent moi et la pendule cassée
que je tiens comme un rêve

dans mes mains.

*
L’américain à Tokyo avec sa pendule cassée / suite
Pour Shiina Takako

C’est incroyable le nombre de
personnes que l’on rencontre quand on
transporte une pendule cassée à Tokyo.

Aujourd’hui je transportais la pendule
à nouveau, essayant de la remplacer
à l’identique.
La pendule n’était plus du tout réparable.

Toutes sortes de gens s’intéressaient
à la pendule. De parfaits inconnus sont venus me voir
pour se renseigner sur la pendule en japonais
bien sûr
et j’acquiesçais : oui, j’ai une pendule cassée.

Je l’ai emportée au restaurant et les gens
se sont rassemblés autour. Je recommande de
transporter une pendule cassée toutes les fois où vous
voulez rencontrer de nouveaux amis. Je pense que ça
marcherait n’importe où dans le monde.

Si vous voulez aller en Islande
et rencontrer les gens, emportez
une pendule cassée.
Ils se rassembleront comme des mouches.

***

The American in Tokyo with a Broken Clock
For Shiina Takako

People stare at me —
There are millions of them.
Why is this strange American
walking the streets of early night
carrying a broken clock
in his hands?
Is he for real or is he just an illusion?
How the clock got broken is not important.
Clocks break.
Everything breaks.
People stare at me and the broken clock
that I carry like a dream

in my hands.

*

The American Carrying a Broken Clock in Tokyo Again
For Shiina Takako

It is amazing how many people you
meet when you are carrying a
broken clock around in Tokyo.

Today I was carrying the broken clock
around again, trying to get an exact
replacement for it.
The clock was far beyond repair.

All sorts of people were interested
in the clock. Total strangers came up to me
and inquired about the clock in Japanese
of course
and I nodded my head: Yes, I have a broken clock.

I took it to a restaurant and people gathered
around. I recommend carrying a broken clock
with you at all times if you want to meet new
friends. I think it would work anyplace in the world.

If you want to got to Iceland
and meet the people, take
a broken clock with you.
They will gather around like flies.

(Richard Brautigan)

 

Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral

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