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Poésie

Posts Tagged ‘écorce’

Une encre noire (Georges Perec)

Posted by arbrealettres sur 30 avril 2024




    
Une encre noire
décide de ce code encore mince
Mémoire indemne du monde
Un rocher, un menhir, un dock
Chimie endormie d’un derrick énorme
Indien Cherokee, orchidée de Chine

Une commode de cèdre,
Une odeur de cire, d’écorce, de cumin

(Georges Perec)

Recueil: BEAUX PRÉSENTS BELLES ABSENTES
Editions: POINTS

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Je ne comprends pas la distance (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Je ne comprends pas la distance.

Comment comprendre l’espace qui me sépare de l’arbre,
si son écorce dessine les lignes qui manquent à ma pensée ?

Comment comprendre la parenthèse
qui va du nuage à mes yeux,
si les figures du vent
délient le temps serré de ma petite histoire ?

Comment comprendre le cri pétrifié
qui gèle toutes les paroles du monde,

si de même qu’il n’est qu’un seul silence
il n’est au fond qu’une seule parole?

Je ne comprends pas la distance.
L’ultime preuve en est l’espace absurde
qui sépare en deux vies ton existence et la mienne.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Être cette terre (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2024



Illustration: Vincent Van Gogh
    
être cette terre
où travaillent
ses racines

ce tronc massif
noueux à l’écorce
éclatée

ce jaillissement
des branches

ces milliers de feuilles qui
frémissent dans le vent

la sève
son extrême lenteur
son travail invisible
et obstiné sa silencieuse
circulation au long
des fibres
qui dresse et déploie
une telle puissance
une si comblante
harmonie

pour apprendre
à ne plus douter

ne plus céder
à l’impatience

(Charles Juliet)

Recueil: Ce pays de silence précédé de Trop ardente et L’Inexorable
Editions: P.O.L.

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Dansez l’orange… (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2024




    

Dansez l’orange…

Retenez-le — ah, ce goût ! — qui s’échappe.
— Sourde musique : un murmure en cadence, —
Jeunes filles, vous, chaudes, jeunes filles, muettes,
du fruit éprouvé exécutez la danse !

Dansez l’orange. Qui peut oublier
comme de sa douceur se défendait le fruit,
en soi-même fondant. Vous l’avez possédé,
en vous exquisément vous l’avez converti.

Dansez l’orange. Ce pays plus chaud,
projetez-le : qu’elle rayonne, mûre,
dans l’air natal. Dévoilez, embrasées,

tous ses parfums, pour créer le rapport
avec l’écorce pure et rebelle,
avec le suc dont l’heureuse ruisselle.

(Rainer Maria Rilke)

Recueil: Sonnets à Orphée
Editions:

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Amour est lumière (Micheline Sainte-Marie)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
Amour est lumière qui traverse
l’écorce la vapeur l’angle et le masque
sa lueur nous atteint
ainsi le crépuscule dans sa plus forte promesse

(Micheline Sainte-Marie)

Recueil: Les Poèmes de la Sommeillante
Editions: Les herbes rouges

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Le chêne abandonné (Anatole France)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024



Illustration
    
Le chêne abandonné

Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil,
Le grand chêne noueux, le père de la race,
Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse
Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.

Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre,
Robuste, il a nourri ses siècles florissants,
Fait bouillonner la sève en ses membres puissants,
Et respiré le ciel avec sa tête sombre.

Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs
Sinistrement dressés sur sa couronne verte ;
Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte
Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.

La sève du printemps vient irriter l’ulcère
Que suinte la torpeur de ses âcres tissus.
Tout un monde pullule en ses membres moussus,
Et le fauve lichen de sa rouille l’enserre.

Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui
Se brise sur son corps et tombe. Un vent d’orage
Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage,
Et peut-être qu’il doit s’écrouler aujourd’hui.

Car déjà la chenille aux anneaux d’émeraude
Déserte lentement son feuillage peu sûr ;
D’insectes soulevant leurs élytres d’azur
Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;

Dès hier, un essaim d’abeilles a quitté
Sa demeure d’argile aux branches suspendue ;
Ce matin, les frelons, colonie éperdue,
Sous d’autres pieds rameux transportaient leur cité ;

Un lézard, sur le tronc, au bord d’une fissure,
Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit ;
Et voici qu’inondant l’arbre glacé, la nuit
Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure.

(Anatole France)

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Vitalité (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Ira Mitchell-Kirk
    
Vitalité

Ce jour-là
Tout ravivait l’espérance

Était-ce cette musique intime
Venue on ne sait d’où ?
Ou cette bouffonnerie joyeuse
Qui s’empare parfois de nos coeurs
Transformant chaque ride en rire
Chaque broussaille en horizon ?

Était-ce un écho
Qui comble soudain l’appel ?
Un rayon qui transperce les mailles ?
Une présence qui écarte les barreaux ?
Était-ce l’oiseau tenace
Balayant de ses ailes nos laborieux chagrins ?

Ce jour-là la vie
Fendit ses écorces
Pour s’ébattre sans entraves
Dans tout l’espace du corps.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Destination : arbre (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Christine Delfosse
    
Destination : arbre

Parcourir l’Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l’argile

Peu à peu
S’affranchir des sols et des racines
Gravir lentement le fût
Envahir la charpente
Se greffer aux branchages

Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l’espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit

Évoquer ensuite
Au coeur d’une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l’asphalte
Éloigné des jardins
Orphelin des forêts

Un arbre
Au tronc rêche
Aux branches taries
Aux feuilles longuement éteintes

S’unir à cette soif
Rejoindre cette retraite
Écouter ces appels

Sentir sous l’écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies

Cheminer d’arbre en arbre
Explorant l’éphémère
Aller d’arbre en arbre
Dépistant la durée.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Ceci (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2023




    
Ceci

« Ceci était mon fils ma fille
mon père ma mère

Cette chose mon aimé
mon aïeul mon enfant ! »

La femme vêtue de noir
agglutinée aux mouches
tournoie dans une houle d’amour
et d’aversion

Tournoie et se déchire
autour d’un tas de chair
qui suinte sous le jour

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

Ce sang dilapidé sur le bitume
s’ordonnait, hier encore, dans un réseau de veines
retissait, hier encore, la loi de l’existence

Ce coeur-sentinelle
s’est raidi sous le plomb

Ce sac-à-vermine
abritait des entrailles
où s’ouvrait le plaisir
où germinait la vie

Un rictus a drainé toute la pulpe de ces lèvres
Ces orbites-à-fourmis logeaient oeil et regards

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

L’esprit travaillait cette motte d’indifférence

La parole soulevait cette forme interrompue

La femme vêtue de noir
tremble sous la tourmente
hurle dans le chaos

s’agglutine aimantée

à ce profil d’écorce
à cette main qui stagne
à ce marécage d’humeurs
à ce baluchon putride

à ce « Toi que j’appelle
et qui ne seras plus ! »

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Visage intarissable (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 17 décembre 2023




    
Visage intarissable

Visages d’années précises,
mais de telles énigmes !

Visages sans rumeurs
Visages à l’affût
Visages qui s’enfantent
Visages de limaille

Visages tels que vous êtes,
Et déjà n’êtes plus !

Jamais ne tarira le battement sous l’écorce
Ni ma soif de te dire

Visage le plus nu !

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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