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LES CHEVEUX (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    
LES CHEVEUX

Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.

Tu sens le foin, tu sens la pierre
Où des bêtes se sont posées ;
Tu sens le cuir, tu sens le blé,
Quand il vient d’être vanné ;

Tu sens le bois, tu sens le pain
Qu’on apporte le matin ;
Tu sens les fleurs qui ont poussé
Le long d’un mur abandonné ;

Tu sens la ronce, tu sens le lierre
Qui a été lavé par la pluie ;
Tu sens le jonc et la fougère
Qu’on fauche à la tombée de la nuit ;

Tu sens la ronce, tu sens la mousse,
Tu sens l’herbe mourante et rousse
Qui s’égrène à l’ombre des haies ;
Tu sens l’ortie et le genêt,

Tu sens le trèfle, tu sens le lait ;
Tu sens le fenouil et l’anis ;
Tu sens les noix, tu sens les fruits
Qui sont bien mûrs et que l’on cueille ;

Tu sens le saule et le tilleul
Quand ils ont des fleurs plein les feuilles ;
Tu sens le miel, tu sens la vie
Qui se promène dans les prairies ;

Tu sens la terre et la rivière ;
Tu sens l’amour, tu sens le feu.
Simone, il y a un grand mystère
Dans la forêt de tes cheveux.

(Rémy de Gourmont)

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Lorsque l’enfant paraît (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024




    

Lorsque l’enfant paraît

Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d’un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l’appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l’âme
Qui s’élève en priant ;
L’enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S’arrête en souriant.

La nuit, quand l’homme dort, quand l’esprit rêve, à l’heure
Où l’on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L’onde entre les roseaux,
Si l’aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d’oiseaux.

Enfant, vous êtes l’aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S’emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N’ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n’ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l’auréole d’or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l’arche.
Vos pieds tendres et purs n’ont point l’âge où l’on marche.
Vos ailes sont d’azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n’est immonde,
Âme où rien n’est impur !

Il est si beau, l’enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j’aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l’été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !

(Victor Hugo)

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Sauvetage (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Sauvetage

Si tu n’existais pas,
si tu étais, je ne sais pas,
un tire-bouchon tressé,
une dichotomie entre ton âme et ton corps,
des envies qui restent sur leur faim.
Si tu étais, comment dire,
quelqu’un qui s’ajuste aux limites des jours,
un soupçon,
une tentative.

Si tu n’existais pas,
si tu étais autre chose
avec les mêmes visage, voix et mains,
mais autre chose,
en ma fin de ton compte,
je te traverserais entière,
je briserais tes barrières,
j’irais de ton nord à ton sud en foulant
ta boussole
comme le naufragé qui parcourt des forêts
pour atteindre la mer
et je te peuplerais de mes bateaux,
à la proue de ton essence

j’attendrais
sans aucune hésitation ni délai
le sauvetage.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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Bacchante triste (Renée Vivien)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024



Bacchante triste

LE jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c’est l’heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l’accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers comme l’aile des vents,
Et le rose des chairs, la souplesse des lignes,
Ont peuplé la forêt de sourires mouvants.

La plus jeune a des chants qui rappellent le râle :
Sa gorge d’amoureuse est lourde de sanglots.
Elle n’est point pareille aux autres, — elle est pâle ;
Son front a l’amertume et l’orage des flots.

Le vin où le soleil des vendanges persiste
Ne lui ramène plus le généreux oubli ;
Elle est ivre à demi, mais son ivresse est triste,
Et les feuillages noirs ceignent son front pâli.

Tout en elle est lassé des fausses allégresses.
Et le pressentiment des froids et durs matins
Vient corrompre la flamme et le miel des caresses.
Elle songe, parmi les roses des festins.

Celle-là se souvient des baisers qu’on oublie…
Elle n’apprendra pas le désir sans douleurs,
Celle qui voit toujours avec mélancolie
Au fond des soirs d’orgie agoniser les fleurs.

(Renée Vivien)

Illustration: Charles Gleyre

 

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Nous sommes de trop (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024



Illustration: Natacha Nikouline
    
Nous sommes de trop.
Ici ou n’importe où :
quelque part nous sommes de trop.
Nous sommes l’excédent
de quelque pierre transversale du destin.

La musique est faite
des foulées d’un adroit animal
qui s’approche et soudain disparaît.
Les paroles sont les spasmes minuscules
d’une herbe menue
qui a trop hâte de pousser
et ne trouve pas son propre soleil,
sa propre pluie.
Les amours ou personne,
les amours avec personne,
ou personne avec ses amours,
sont des orphelins qui tètent
à un sein depuis longtemps épuisé.

Les dieux qui sont tombés,
les dieux qui ne tombent pas
parce qu’ils n’ont jamais été en haut,
la forêt non végétale des dieux,
dialogue uniquement
avec la ligne d’horizon qui nous cerne.

Les mains, qui furent jadis
et les choses qui ne furent jamais
s’ajustent dans ce noeud qui n’emprisonne rien.

Non, il n’y a pas que nous seulement :
tout est de trop.
Ici ou ailleurs.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes? (Moon Chung-hee)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024




    
Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?

Cette fille travaillait bien à l’école
et excellait aussi dans ses activités personnelles
Sortie du lycée elle a réussi sans peine
au concours d’entrée à l’université mais où est-elle maintenant?

Fait-elle bouillir la soupe aux pommes de terre?
Après l’avoir préparée pendant trois heures avec l’os
s’exposant à la vapeur chaude devant la cuisinière à gaz
sera-t-elle heureuse le soir de regarder son mari
avaler de bon appétit cette soupe pendant quinze minutes?
Après avoir terminé la vaisselle aide-t-elle ses enfants à faire leurs devoirs?

Ou bien erre-t-elle encore dans la rue froide
à la recherche d’une embauche dans une société?
Dans un gymnase où l’on élit les candidats d’un parti politique
vêtue d’un hanbok les décore-t-elle de rubans?
Leur offre-t-elle des bouquets de fleurs?
Embauchée par bonheur, assise dans un coin d’un grand bureau
elle répondra aimablement au téléphone et servira quelquefois le thé
Est-elle devenue femme d’un médecin, femme d’un professeur ou bien infirmière?
Peut-être apprend-elle à chanter dans un centre culturel d’où elle part à la hâte avant que son mari rentre le soir

Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?
Dans cette forêt de hauts buildings, ne devenant ni députées ni ministres ni médecins
ni professeures ni femmes d’affaires ni cadres d’une Société
rejetées de-ci de-là comme un gland tombé dans le repas du chien
errent-elles encore sans pouvoir se faire valoir?
Sans pouvoir prendre part au monde grand et large
sont-elles confinées dans la cuisine et la chambre?

Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?

(Moon Chung-hee)
Recueil: Celle qui mangeait le riz froid

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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Tout hasard (Wislawa Szymborska)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
Tout hasard

Cela a pu arriver. Cela a dû arriver.
Cela est arrivé plus tôt. Plus tard.
Plus près. Plus loin. Pas à toi.

Tu as survécu, car tu étais le premier.
Tu as survécu, car tu étais le dernier.
Car tu étais seul. Car il y avait des gens.
Car c’était à gauche. Car c’était à droite.
Car tombait la pluie. Car tombait l’ombre.
Car le temps était ensoleillé.

Par bonheur il y avait une forêt.
Par bonheur il n’y avait pas d’arbres.
Par bonheur un rail, un crochet, une poutre, un frein,
un chambranle, un tournant, un millimètre, une seconde.
Par bonheur le rasoir flottait sur l’eau.

Parce que, car, pourtant, malgré.
Que se serait-il passé si la main, le pied,
à un pas, un cheveu du concours de circonstances.
Tu es encore là? Sorti d’un instant encore entrouvert?
Le filet n’avait qu’une maille et toi tu es passé au travers?

Je ne puis assez m’étonner, me taire.
Écoute
comme ton coeur me bat vite.

(Wislawa Szymborska)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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LE MORT N° 18 (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: Thérèse Bisch
    
LE MORT N° 18

L’oliveraie était verte, autrefois.
Était… Et le ciel,
Une forêt bleue… Était, mon amour.
Qu’est-ce qui l’a ainsi changée ce soir ?

Ils ont stoppé le camion des ouvriers à un tournant.
Calmes,
Ils nous ont placé face à l’est… Calmes.

Mon coeur était un oiseau bleu, autrefois… Ô nid de mon amour.
Et tes mouchoirs étaient chez moi, blancs. Étaient, mon amour.
Qu’est-ce qui les a souillés ce soir ?
Je ne sais, mon amour !

Ils ont stoppé le camion des ouvriers au milieu du chemin.
Calmes,
Ils nous ont placés face à l’est… Calmes.

Je te donnerai tout.
L’ombre et la lumière,
L’anneau des noces et tout ce que tu désires,
Un jardin d’oliviers et de figuiers,
Et la nuit, je te rendrai visite, comme à l’accoutumée.
J’entrerai, en rêve, par la fenêtre… et je te lancerai une fleur de sambac.
Et ne m’en veux pas si j’ai quelque retard.
C’est qu’ils m’auront arrêté.

L’oliveraie était toujours verte.
Était, mon amour.
Cinquante victimes
L’ont changée en bassin rouge au couchant… Cinquante victimes,
Mon amour… Ne m’en veux pas…
Ils m’ont tué… Tué
Et tué…

(Mahmoud Darwich)

 

Recueil: La terre nous est étroite
Traduction: Elias Sanbar
Editions: Gallimard

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LE TIGRE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: William Blake
    
LE TIGRE

Tigre, tigre, brûlant éclair
Dans les forêts de la nuit ;
Quel oeil, quelle main immortelle
A pu ordonner ta terrifiante symétrie ?

Dans quelles profondeurs lointaines, dans quels cieux
Brûlait le feu de tes yeux ?
Sur quelles ailes ose-t-il se dresser ?
Quelle main osa saisir ce feu ?

Et quelle épaule et quel art
Put tordre les muscles de ton coeur ?
Et quand ton coeur commença à battre,
Quelle terrible main, quels terribles pieds ?

Quel fut le marteau, quelle fut la chaîne ?
Dans quelle fournaise était ta cervelle ?
Quelle fut l’enclume ? Quel terrible pouvoir
Osa en étouffer les mortelles terreurs ?

Quand les étoiles jetèrent leurs lances
Et abreuvèrent le ciel de leurs armes,
Sourit-il en contemplant son oeuvre ?
Celui qui créa l’agneau te créa-t-il ?

Tigre, tigre, brûlant éclair
Dans les forêts de la nuit,
Quel oeil, quelle immortelle main
Osa ordonner ta terrifiante symétrie ?

***

The Tyger

Tyger Tyger, burning bright,
In the forests of the night;
What immortal hand or eye,
Could frame thy fearful symmetry?

In what distant deeps or skies.
Burnt the fire of thine eyes?
On what wings dare he aspire?
What the hand, dare seize the fire?

And what shoulder, & what art,
Could twist the sinews of thy heart?
And when thy heart began to beat.
What dread hand? & what dread feet?

What the hammer? what the chain,
In what furnace was thy brain?
What the anvil? what dread grasp.
Dare its deadly terrors clasp?

When the stars threw down their spears
And water’d heaven with their tears:
Did he smile his work to see?
Did he who made the Lamb make thee?

Tyger Tyger burning bright,
In the forests of the night:
What immortal hand or eye,
Dare frame thy fearful symmetry?

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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Pour se perdre dans la forêt (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



Pour se perdre dans la forêt
Il faut d’abord connaître le chemin

(Anonyme)

 

 

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