une femme aux yeux tristes
à la peau fine
une femme aux pas pesants
au souffle languissant
rêve d’un homme
qui rende la sève
à son rêve
(Maram al-Masri)
Editions: Bruno Doucey
Posted by arbrealettres sur 2 juin 2023
une femme aux yeux tristes
à la peau fine
une femme aux pas pesants
au souffle languissant
rêve d’un homme
qui rende la sève
à son rêve
(Maram al-Masri)
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Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023
Illustration: Neila Ben Ayed
PRIÈRE DU POÈTE
Mon Dieu qui donnes l’eau tous les jours à la source,
Et la source coule, et la source fuit ;
Des espaces au vent pour qu’il prenne sa course,
Et le vent galope à travers la nuit ;
Donne de quoi rêver à moi dont l’esprit erre
Du songe de l’aube au songe du soir
Et qui sans fin écoute en moi parler la terre
Avec le ciel rose, avec le ciel noir.
Donne de quoi chanter à moi pauvre poète
Pour les gens pressés qui vont, viennent, vont
Et qui n’ont pas le temps d’entendre dans leur tête
Les airs que la vie et la mort y font.
L’herbe qui croît, le son inquiet de la route,
L’oiseau, le vent m’apprennent mon métier,
Mais en vain je les suis, en vain je les écoute,
Je ne le sais pas encor tout entier.
J’ai vu quelqu’un passer, un fantôme, homme ou femme…
Mon cœur appelait sur la fin du jour…
Les rossignols des bois sont entrés dans mon âme.
Et j’ai su chanter des chansons d’amour.
J’ai vu quelqu’un passer, s’approcher, disparaître ;
Et les chiens plaintifs qui rôdent le soir
Ont hurlé dans mon cœur à la mort de leur maître.
J’ai su depuis chanter le désespoir.
J’ai vu les morts passer et s’en aller en terre,
Leur glas au cou, lamentable troupeau,
Et leurs yeux dans mes yeux ont fixé leur mystère.
J’ai su depuis la chanson du tombeau…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mais si tu veux mon Dieu que pour d’autres je dise
La chanson du bonheur, la plus belle chanson,
Comment ferai-je moi qui ne l’ai pas apprise ?
Je n’en inventerai que la contrefaçon.
Donne-moi du bonheur, s’il faut que je le chante,
De quoi juste entrevoir ce que chacun en sait,
Juste de quoi rendre ma voix assez touchante,
Rien qu’un peu, presque rien, pour savoir ce que c’est.
Un peu — si peu — ce qui demeure d’or en poudre
Ou de fleur de farine au bout du petit doigt,
Rien, pas même de quoi remplir mon dé à coudre…
Pourtant de quoi remplir le monde par surcroît.
Car pour moi qui n’en ai jamais eu l’habitude,
[…]
(Marie Noël)
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Posted by arbrealettres sur 22 mai 2023
ADDS IDENTIFICATION OF CHILD Paramilitary police officers investigate the scene before carrying the lifeless body of Aylan Kurdi, 3, after a number of migrants died and a smaller number were reported missing after boats carrying them to the Greek island of Kos capsized, near the Turkish resort of Bodrum early Wednesday, Sept. 2, 2015. The family — Abdullah, his wife Rehan and their two boys, 3-year-old Aylan and 5-year-old Galip — embarked on the perilous boat journey only after their bid to move to Canada was rejected. The tides also washed up the bodies of Rehan and Galip on Turkey’s Bodrum peninsula Wednesday, Abdullah survived the tragedy. AP
LA FIN DU VOYAGE
À la mémoire du petit Alan Kurdi
Petit corps étendu sur cette plage,
Les vagues caressent son visage
Mais le garçonnet ne frémit pas,
Il vient de passer de vie à trépas.
Il ne connaîtra pas la fin du voyage,
Il est parti rejoindre les nuages.
Il n’entendra plus les bombes,
Seulement le silence de sa tombe.
Par une nuit d’encre, emporté par les flots,
Il pleurait avec dans sa voix des sanglots.
Il a cherché en vain une main salutaire,
Mais, comme ses frères, il périt en mer.
Il rêvait que l’Europe l’accueille,
À sa porte l’attendait son linceul.
Petit Alan, tu dors la tête dans le sable.
Oh, comme notre société est coupable !
Ton exil est maintenant parmi les anges,
Et, là-haut, personne, tu ne déranges.
(Philippe Pauthonier)
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Posted by arbrealettres sur 27 avril 2023
Lumière
Il faut
il faut mon enfant traverser
la rivière, le fleuve, la mer
pour voir
pour comprendre
qu’au-delà de la rivière, du fleuve, de la mer
un autre enfant est là
qui, comme toi, rêve et poursuit
cette lumière
que tu ne peux
ni apprendre, ni apprivoiser
qui se dérobe même à la course
des grands navigateurs
(Joseph-Paul Schneider)
Recueil: Jean Orizet: Les plus beaux poèmes pour les enfants
Editions: Le Cherche Midi
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Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023
Jamais comme près de toi je ne fus autant pierre.
Moi qui me rêvais nuage, eau,
vent sur les feuilles,
feu de mille flammes changeantes,
je ne sus qu’être gisante
et peser, exactement comme la pierre
au cou du noyé.
(Rosario Castellanos)
Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud
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Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023
Massacre de Tlatelolco
MÉMORIAL DE TLATELOLCO
L’obscurité engendre la violence
et la violence veut l’obscurité
pour se coaguler en crime.
C’est pourquoi le Deux Octobre patienta jusqu’à la nuit
afin que nul ne vît la main qui avait saisi
l’arme, mais seulement l’éclair.
Et dans cette lumière brève et livide, qui ? Qui est celui qui tue ?
Qui sont ceux qui agonisent et ceux qui meurent ?
Ceux qui fuient nu-pieds ?
Ceux qui vont tomber au fond d’une prison ?
Ceux qui vont pourrir à l’hôpital ?
Ceux qui restent muets à jamais d’épouvante ?
Qui ? Lesquels ? Personne. Le lendemain, personne.
La place à l’aube était bien balayée ; les journaux
donnaient comme information principale
le temps qu’il faisait.
Télévision, radio ou cinéma,
pas de changement de programme,
pas de flash spécial, pas de minute
de silence pendant le banquet.
(Le banquet continua.)
Ne cherche pas ce qui n’est pas : des traces, des cadavres
Tout a été donné en offrande à une divinité :
la Dévoreuse d’Excréments.
Ne consulte pas les archives : il n’y a eu aucun rapport.
Hélas, la violence veut l’obscurité
parce que l’obscurité engendre le rêve
et nous pouvons dormir en rêvant que nous rêvons.
Mais il y a une plaie que je touche : ma mémoire.
Elle a mal donc c’est vrai. Elle saigne à sang.
Si je dis qu’elle est mienne, je trahis tous les autres.
Je me souviens, nous nous souvenons.
C’est notre façon d’aider le jour à se lever
sur tant de consciences souillées,
sur un texte de colère, sur une grille ouverte,
sur le visage derrière l’impunité du masque.
Je me souviens, nous nous souviendrons
jusqu’à ce que la justice vienne parmi nous.
(Rosario Castellanos)
Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud
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Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023
Qu’il y ait des couleurs, c’est étrange :
Blanc, jaune, bleu, vert, rouge, orange !
Etrange qu’il y ait des sons :
Cors, sopranos, hautbois, bassons !
Qu’il y ait une langue encore :
Vocables, vers, rimes, cadence,
Inflexion délicate ou sonore,
Syntaxe qui marche ou qui danse !
Qui se plaît à ces jeux,
Dans leur charme se baigne,
Pour lui le monde rit, joyeux,
Fleurit et lui enseigne
Son coeur, son sens mystérieux.
Ce que tu aimas, voulus,
Que tu rêvas ou vécus
Pour toi garde existence.
Fut-ce heure bonne ou mauvaise ?
Sol dièse ou la bémol, mi bémol ou ré dièse,
Fait-on la différence ?
***
NACHTS IM APRIL NOTIERT
O daß es Farben gibt :
Blau, Gelb, Weiß, Rot und Grün !
O daß es Töne gibt :
Sopran, Baß, Horn, Oboe !
O daß es Sprache gibt :
Vokabeln, Verse, Reime,
Zärtlichkeiten des Anklangs,
Marsch und Tänze der Syntax !
Wer ihre Spiele spielte,
Wer ihre Zauber schmeckte,
Ihm blüht die Welt,
Ihm lacht sie und weist ihm
Ihr Herz, ihren Sinn.
Was du liebtest und erstrebtest,
Was du träumtest und erlebtest,
Ist dir noch gewiß.
Ob es Wonne oder Leid war ?
Gis und As, Es oder Dis —
Sind dem Ohr sie unterscheidbar ?
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
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Posted by arbrealettres sur 30 mars 2023
Illustration: Caroline Duvivier
NUIT DE VEILLE
Pâle nuit de foehn au dehors,
La lune au bois va disparaître.
Pourquoi ce douloureux effort
Me fait pencher â ma fenêtre ?
J’ai dormi, j’ai rêvé pourtant…
Quelle voix dans la nuit m’appelle ?
Aurais-je oublié, me dit-elle,
Quelque soin, quelque acte important
Ah ! je voudrais m’enfuir et suivre,
Quittant pays, jardin, maison,
Ce magique appel qui m’enivre,
Toujours plus loin, vers l’horizon !
***
WACHE NACHT
Bleich blickt die föhnige Nacht herein,
Der Mond im Wald will untergehn.
Was zwingt mich doch mit banger Pein
Zu wachen und hinauszusehn ?
Ich hab geschlafen und geträumt ;
Was hat mir mitten in der Nacht
Gerufen und so bang gemacht,
Als hätt ich Wichtiges versäumt ?
Am liebsten liefe ich vom Haus,
Vom Garten, Dorf und Lande fort
Dem Rufe nach, dem Zauberwort,
Und weiter und zur Welt hinaus.
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
Posted in poésie | Tagué: (Hermann Hesse), acte, appel, appeler, bois, dehors, dormir, douloureux, enivrer, fenêtre, foehn, horizon, important, jardin, loin, lune, magique, maison, nuit, oublier, pays, pâle, pencher, quitter, rêver, s'enfuir, soin, suivre, veille, voix, vouloir, zffort | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 29 mars 2023
ART DU VOYAGE
Voyager sans but plaît à la jeunesse,
Mais l’âge en venant m’affadit ce goût
Et je ne pars plus sans savoir pour où,
Sans qu’un but précis, un désir me presse.
Hélas, pour celui qui suit un dessein,
Voyager n’a plus la douceur première
Dont étincelait forêt ou rivière
A chaque nouveau détour du chemin.
Pour rendre à l’instant la fraîche innocence
Que n’occulte plus quelque astre rêvé,
Voyager doit être un art retrouvé :
Du vaste univers partager la danse
Et vers un lointain longtemps cultivé,
Même sans bouger, rester en partance.
***
REISEKUNST
Wandern ohne Ziel ist Jugendlust,
Mit der Jugend ist sie mir erblichen ;
Seither bin ich nur vom Ort gewichen,
War ein Ziel und Wille mir bewußt.
Doch dem Blick, der nur das Ziel erfliegt,
Bleibt des Wanderns Süße ungenossen,
Wald und Strom und aller Glanz verschlossen,
Der an allen Wegen wartend liegt.
Weiter muß ich nun das Wandern lernen,
Daß des Augenblicks unschuldiger Schein
Nicht erblasse vor ersehnten Sternen.
Das ist Reisekunst : im Weltenreihn
Mitzufliehn und nach geliebten Fernen
Auch im Rasten unterwegs zu sein.
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
Posted in poésie | Tagué: (Hermann Hesse), affadir, art, astre, âge, étinceler, bouger, but, chemin, cultiver, danse, désir, détour, dessein, douceur, forêt, frais, goût, hélas, innocence, instant, jeunesse, lointain, longtemps, occulter, partager, partance, partir, plaire, précis, presser, rêver, rendre, rester, retrouver, rivière, savoir, suivre, univers, vaste, venir, voyage, voyager | Leave a Comment »