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Poésie

Posts Tagged ‘avide’

Quelque chose chante (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration: Pascal Renoux
    
Quelque chose chante, quelque chose monte
Jusqu’à mon avide bouche.
Oh pouvoir te célébrer
avec toutes les paroles de joie.
Chanter, flamber, fuir,
comme un clocher aux mains d’un fou.

Ma triste tendresse,
que deviens-tu soudain ?
Quand je suis arrivé à l’angle
le plus osé et froid
mon coeur se referme
comme une fleur nocturne.

***

Algo canta, algo sube hasta mi ávida boca.
Oh poder celebrarte con todas las palabras de alegría.
Cantar, arder, huir,
como un campanario en las manos de un loco.

Triste ternura mía, qué te haces de repente ?
Cuando he llegado al vértice más atrevido y frío
mi corazón se cierra como una flor nocturna.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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PARTIR ! (Pascal Bonetti)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




PARTIR !

Oh ! la joie
De vivre, d’être fort, d’être jeune et d’avoir
L’inapaisé désir de toute humaine proie !

Oh ! la joie
De tout aimer, de tout vouloir et de savoir
Que l’on va mordre à tous les fruits qui sont sur terre
Et saisir d’une main avide et volontaire
Tout ce qui fait le clair trésor du jour qui fuit :
La fragile beauté des fleurs, la fugitive
Caresse tour à tour du bon soleil qui luit
Et de l’ombre qui rêve, entre ses rais captive,
L’ivresse de courir, de bondir, de lutter,
De courber un cheval, de larguer une voile,
De se lancer sur une route, la fierté
De chevaucher un peu de métal et de toile
Dans la nue, et enfin la triple royauté
De l’amour, de l’étreinte et de la volupté !

Oh ! la joie
De regarder la vie avec des yeux d’amant
Qui sait devoir trouver la lumineuse voie
Du bonheur !

Oh ! la joie, oh ! l’émerveillement
D’être ainsi jeune, fort, absolu, téméraire
Et de penser qu’on va, demain, courir la terre,
Qu’on va partir ! Partir ! Ô destin sans pareil
Qui doit nous rapprocher chaque jour du soleil !
Destin qui fut celui de Jason et d’Hercule,
Celui d’Ulysse et de Moïse et de César,
Celui des conquérants qui domptent le hasard
Et des chercheurs par qui l’ignorance recule !

Partir ! Sublime sort des Colomb, des Gama
Et de tous ceux qu’un rêve auguste consuma :
Croisés qui s’en allaient soumettre l’infidèle,
Soldats qui traversaient les mers pour apporter
L’aide de leur jeunesse aux jeunes libertés,
Prêtres, porteurs de dieux, poètes, faiseurs d’ailes…

(Pascal Bonetti)

Illustration: Vladimir Kush

 

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SAINT, SAINT, SAINT… (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2023




    
SAINT, SAINT, SAINT…

Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
(Et tu m’as promis d’ me répondre)
Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
(Et tu m’as promis d’ répondre
A mon amour,
A ma prière,
Au point du jour…)

A l’heure où dedans l’ ciel, le Seigneur dit à toute la terre:
Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu…

Oh, oh, cette terre aride!
Oh, ce corps plein de rides!
Oh, oh, ces lions avides!
Oh, voici l’ jour de la colère!

Qui abreuvera la terre aride?
Qui effacera ces tristes rides ?
Qui domptera ces lions avides?
Qui nous aidera dans not’ misère?

Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
Et il a promis d’ nous répondre,

Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
Et il a promis d’ répondre
A notre prière,
A notre amour,
Au point du jour…

(Marguerite Yourcenar)

Recueil: Fleuve profond, sombre rivière Les « Negro Spirituals », commentaires et traductions
Editions: Gallimard

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Lorsque les jours sont longs en mai (Jaufré Rudel)

Posted by arbrealettres sur 19 septembre 2023




    
Lorsque les jours sont longs en mai

Lorsque les jours sont longs en mai,
J’aime un doux chant d’oiseau lointain
Et quand je m’en suis éloigné,
Me rappelle un amour lointain.
Je vais courbé par le désir
Tant que chants ni fleurs d’aubépine
Ne me valent l’hiver gelé.

Bien crois-je le Seigneur pour vrai
Par qui verrai l’amour lointain,
Mais pour un bien qui m’en échoit,
J’ai deux maux, tant il m’est lointain.
Ah ! que ne suis-je pélerin
Et que ma cape et mon bâton
Par ses beaux yeux soient contemplés !

La joie quand lui demanderais
Au nom de Dieu l’abri lointain !
Car, s’il lui plait, je logerais
Près d’elle, moi qui suis lointain.
Quels doux propos on entendra
Quand l’ami lointain sera proche
Et quels beaux dits s’échangeront !

Triste et joyeux je reviendrais
Si je la vois, l’amour lointain.
Mais ne sais quand je la verrai
Nos deux pays sont si lointains !
Combien de passage et chemins
Et pour cela ne suis devin
Mais que tout soit comme à Dieu plaît !

Jamais d’amour ne jouirais
Sinon de cet amour lointain
Plus noble ou meilleure ne sais
En nul pays proche ou lointain
Tant est précieuse et vraie et sûre
Que là-bas chez les Sarrazins
Pour elle irais m’emprisonner.

Dieu fit tout ce qui va et vient
Et forma cet amour lointain
Qu’il me donne pouvoir au coeur
De bientôt voir l’amour lointain
Vraiment et en un lieu propice
Tant que la chambre et le jardin
Me semblent toujours un palais.

Il dit vrai qui me dit avide
Et désireux d’amour lointain
Nulle autre joie autant me plait
Qu’à jouir de l’amour lointain
Mais ce que je veux m’est dénié
Ce sort me jeta mon parrain
D’aimer mais n’être point aimé.

Mais ce que je veux m’est dénié
Maudit parrain qui m’a jeté
Ce sort de n’être point aimé

***

Lanquan li jorn son lonc e may
M’es belhs dous chans d’auzelhs de lonh,
E quan mi suy partitz de lay,
Remembra·m d’un’ amor de lonh.
Vau de talan embroncx e clis
Si que chans ni flors d’albespis
No·m valon plus que l’yverns gelatz.

Be tenc lo Senhor per veray
Per que formet sest’ amor de lonh,
Mas per un ben que m’en eschay
N’ai dos mals, quar tant suy de lonh.
A! quar no fuy lai pelegris,
Si que mos fustz e mos tapis
Fos pels sieus belhs huelhs remiratz!

Be·m parra joys quan li querray,
Per amor Dieu, l’ostal de lonh,
E, s’a lieys platz, alberguarai
Pres de lieys, si be·m suy de lonh,
Qu’aissi es lo parlamens fis
Quan drutz lonhdas et tan vezis
Qu’ab cortes ginh jauzis solatz.

Iratz e dolens me·n partray,
S’ieu no vey sest’ amor de lonh.
No·m sai quora mais la veyrai,
que tan son nostras terras lonh.
Assatz hi a pas e camis,
e per aisso no·n suy devis.
Mas tot sia cum a lieys platz.

Jamai d’amor no·m jauziray
Si no·m jau d’est’ amor de lonh,
que mielher ni gensor no·n sai
ves nulha part, ni pres ni lonh.
Tant es sos pretz ricx e sobris
Que lai el reng dels Sarrasis
fos hieu per lieys chaitius clamatz.

Dieus que fetz tot quant ve ni vay
E formet sest’amor de lonh
Mi don poder, que cor be n’ai,
Qu’ieu veya sest’amor de lonh,
Verayamen en luec aizis,
Si que las cambras e·ls jardis
Mi recemblo novels palatz.

Ver ditz qui m’apella lechay
e deziros d’amor de lonh,
que nulhs autres joys tan no·m play
Cum jauzimen d’amor de lonh.
Mas so qu’ieu vuelh m’es tant ahis,
Qu’enaissi·m fadet mos pairis
Qu’ieu ames e nos fos amatz.

Mas so q’ieu vuoill m’es atahis.
Totz sia mauditz lo pairis
Qe·m fadet q’ieu non fos amatz!

(Jaufré Rudel)

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LE PEUPLIER (Anne Perrier)

Posted by arbrealettres sur 10 août 2023




    
LE PEUPLIER

Au faîte du silence
Avide il boit le ciel
À la source

(Anne Perrier)

 

Recueil: Anne Perrier
Editions: Seghers

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J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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Je suis (Grégory Rateau)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2023



Illustration: Mario Cossu

    

Je suis

Je suis ce gamin lancé dans le monde
cherchant « la maison » partout
où les sourires se souviennent encore

Je suis cette langue exilée
dont l’héritage en fuite
le retient par la peau du Verbe

Je suis cette cigarette de trop
et qui, une fois éteinte
attend sagement de nouvelles brumes

Je suis cet être en chantier
à la recherche du frère ou de la sœur
passant outre les quelques miettes de sang

Je suis cette raison vacillante
accoquinée aux maudits
mais se refusant à partager leurs tristes sorts

Je suis ce bohémien avide de sensations
aveuglé par ses chimères
mais s’accrochant désespérément à une branche d’éternité

Je suis cet imposteur
dont la lucidité vengeresse
lui désigne la blessure du soleil

(Grégory Rateau)

Recueil: Imprécations nocturnes
Traduction:
Editions: Conspiration

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C’est dur d’en faire un poème! (Michel Ménaché)

Posted by arbrealettres sur 31 octobre 2022




    
C’est dur d’en faire un poème!

Tous les enfants de la terre
n’ont pas cueilli les mêmes fleurs
reçu les mêmes caresses
appris les mêmes chansons

Certains sont même non loin d’ici
les derniers esclaves cachés au grand jour
qui sèment dans les rizières
récoltent le café grain à grain
talons dans la poussière accroupis
tirent tous les fils de tapis moelleux
couleurs en fête
qu’on admirera bientôt aux étals
du luxe à vendre et à revendre
ou encore ventre creux loqueteux
leurs mains nues retournent
les décharges immondes
à la recherche d’éclats d’étoile

Dans le ventre des ténèbres
d’autres enfants au visage blafard
s’enfoncent dans des trous avides
pour en arracher l’or et le cuivre
qui brilleront bientôt sous les néons
des villes-lumière
Certains jamais ne voient le soleil…

Cela ne s’invente pas
cela n’est pas une histoire
C’est dur d’en faire un poème!

(Michel Ménaché)

Recueil: La révolte des poètes
Traduction:
Editions: Livre de poche Jeunesse

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Tellement j’ai faim (René Char)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2022



Tellement j’ai faim,
je dors sous la canicule des preuves.

Montre-toi; nous n’en avions jamais fini
avec le sublime bien-être des très maigres hirondelles.
Avides de s’approcher de l’ample allégement.
Incertains dans le temps que l’amour grandissait.
Incertains, eux seuls, au sommet du coeur.

Tellement j’ai faim.

(René Char)

Illustration

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GABELLES (Edouard Glissant)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2021



 

GABELLES

Près des mers je vous ai guettés, manants. Voici la face
Avide. Puis les rocs. Déhanchées, les écumes.
Comme traces sur la mer d’un lourd passage d’ortolans.

La nuit est morte dans le jour, morte la faute dans l’été !
Ainsi la malemort ainsi l’odeur d’aridité
Meurent, pour se connaître sur la mer.
Et vous, vivants dans la mort claire.

— Quel est celui qui hèle ? Sur nous, quelle cette mer ?
Et pour laver la tour d’un feu de chênes nous appelle ?

Je suis l’obscur témoin, le mandement. Vous êtes mains
Amères, qui chantez dans l’amer tournoiement. Et vous,

Dans cet éclat et cet étonnement vous êtes
La mutité le vide la tempête
Où crie le noir silence qui m’étreint.

(…)

(Edouard Glissant)

 

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