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Poésie

Posts Tagged ‘tirer’

Quel silence (André Durand)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024


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Dans la cour mais quel silence
pour qui revient, le visage tiré par le vent,
de la montagne radieuse!

(André Durand)

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Si vaste d’être seul (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024



Fortino Samano
    
Si vaste d’être seul
Pour toi Fortino

Fortino Samano
en ce 12 février 1917
les mains dans les poches
un bout de cigare à la bouche
le chapeau un peu baissé sur les yeux
regarde son peloton d’exécution;
il jette sur ceux qui vont tirer
un dédain souverain;
on dirait qu’il n’y croit pas…
on dirait qu’il dit « alors vous tirez ou non? »
derrière lui
sur le mur
quelqu’un a écrit
« da me la muerte que me falta »
Fortino ! je t’envie!

Mexique, 12 février 1917

(Tristan Cabral)

Recueil: Si vaste d’être seul
Editions: Le Cherche Midi

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Quart d’heure de culture métaphysique (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024



Illustration 
    
Quart d’heure de culture métaphysique

Allongée sur le vide
bien à plat sur la mort
idées tendues
la mort étendue au-dessus de la tête
la vie tenue de deux mains

Élever ensemble les idées
sans atteindre la verticale
et amener en même temps la vie
devant le vide bien tendu
Marquer un certain temps d’arrêt
et ramener idées et mort à leur position de départ
ne pas détacher le vide du sol
garder idées et mort tendues

Angoisses écartées
la vie au-dessus de la tête

Fléchir le vide en avant
en faisant une torsion à gauche
pour amener les frissons vers la mort
Revenir à la position de départ
Conserver les angoisses tendues
et rapprocher le plus possible
la vie de la mort

Idées écartées
frissons légèrement en dehors
la vie derrière les idées

Élever les angoisses tendues
au-dessus de la tête
Marquer un léger temps d’arrêt
et ramener la vie à son point de départ
Ne pas baisser les frissons
et conserver le vide très en arrière

Mort écartée
vide en dedans
vie derrière les angoisses

Fléchir la mort vers la gauche
la redresser
et sans arrêt la fléchir vers la droite
Éviter de tourner les frissons
conserver les idées tendues
et la mort dehors

Couchée à plat sur la mort
la vie entre les idées

Détacher l’angoisse du sol en baissant la mort
en tirant les idées en arrière
pour soulever les frissons
Marquer un arrêt court
et revenir à la position de départ
Ne pas détacher la vie de l’angoisse
Garder le vide tendu

Debout
les angoisses jointes
vide tombant en souplesse
de chaque côté de la mort

Sautiller en légèreté sur les frissons
à la façon d’une balle qui rebondit
Laisser les angoisses souples
Ne pas se raidir
toutes les idées décontractées

Vide et mort penchées en avant
angoisses ramenées légèrement fléchies
devant les idées

Respirer profondément dans le vide
en rejetant vide et mort en arrière
En même temps
ouvrir la mort de chaque côté des idées
vie et angoisses en avant
Marquer un temps d’arrêt
aspirer par le vide

Expirer en inspirant
inspirer en expirant

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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SUR LE TROTTOIR (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
SUR LE TROTTOIR

Persiennes tirées à quatre épingles
Son et lumière dans le même lit
La fille de tristesse est une horloge
Qui marque six heures moins le quart
Sur le trottoir d’en face
Toujours au même endroit
Plantée chaque jour à la même heure

Femme close : coupures à ses poignets de fée
Elle a gardé son coeur de petite fille
Qui enfle quand elle fait l’amour.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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MÉTAPHYSIQUE DU DÉ (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



    

MÉTAPHYSIQUE DU DÉ

Jamais dé qu’on lança ne s’use de rouler,
Jamais il ne s’émousse et jamais ne s’arrête.
S’il y a un moyen d’en ôter les arêtes,
C’est celui qu’on acquiert de ses chiffres mêlés.

Car ceux-ci sont son os et son jeune squelette
Qui nous donne à songer l’interminable face
Par laquelle il se livre et constamment s’efface.
Les chiffres sont son bord, de son coeur une miette.

De ce cube on arrache un seul pauvre regard,
C’est celui qu’il nous jette avec condescendance,
Quand il prend à tourner, exécuter sa danse

Qu’il n’adresse pourtant qu’au seul dieu du hasard.
Rien ne sert de flatter son auguste chanfrein.
On n’en tirera rien, il est lancé sans frein.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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PRINTEMPS (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024



Illustration: William Blake
    
PRINTEMPS

Chantez sur la flûte,
La voici muette.
Oiseaux ivres
Nuit et jour
Le rossignol
Dans le vallon
L’alouette
Dans les cieux
Gais, gais, gais,
Pour saluer l’année.

Petit garçon
Lourd de joie,
Petite fille
Douce et gentille
Le coq crie
Et vous aussi,
Voix de joie,
Cris d’enfant,
Gais, gais, gais,
Pour saluer l’année.

Agnelet, agnelet,
Me voici,
Viens lécher
Mon cou blanc,
Laisse-moi tirer
Ta toison plus douce,
Laisse-moi baiser
Ta tête plus douce,
Gais, gais, gais,
Saluons l’année.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR

Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Jamais de ma vie je n’ai fait de mal à une énigme :
je n’en ai résolu aucune.
Même pas celles qui voulaient mourir
aux côtés de mon enfance :
j’ai dans mon petit tonneau deux petits vins différents.
Je l’ai gardée jusqu’à présent
intacte inexpliquée,
car jusqu’à présent
deux petits vins différents, c’est ce que contient
tout ce qui m’arrive, soluble ou insoluble.
J’ai cohabité rudement
avec un grand moine qui n’a pas d’os
sans jamais lui demander
de quel feu il est le fils,
vers quel dieu il monte et me quitte.

Je n’ai pas réduit le nombre
des êtres masqués du monde,
j’ai nourri le mystère du monde
par sacrifices et privations.
Avec le sang qui m’a été donné
pour l’expliquer.

Ce qui est venu les yeux bandés
avec des intentions cachées
je m’en suis séparée
tel que je l’avais reçu :
Énigme empruntée,
énigme rendue.
J’ai accepté de ne pas savoir
comment se résout un hier,
un ça dépend,
l’énigme des asymptotes.
J’ai accepté de ne pas savoir ce que je touche,
un visage ou un je suis pressé.

Toi je ne t’ai pas non plus tiré dans la lumière
pour mieux te voir.
Je suis restée Pénélope
dans ton incurie obscure.
Et si une fois j’ai demandé comment te résoudre,
et si tu es source ou fontaine,
ce devait être un jour d’été
où, Pénélopes ou non,
s’empare de nous ce démon de l’eau
pour que grâces soient rendues à l’énigme
de ce que nous gardons notre soif.
Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Sans péché :
avec ma soif.

Vers l’énigme de la mort
je m’en vais bravement.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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LA PIERRE PÉRIPHRASE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: René Magritte
    
LA PIERRE PÉRIPHRASE

Parle.
Dis quelque chose, n’importe quoi.
Mais ne reste pas là comme une absence en acier.
Choisis ne serait-ce qu’un mot,
qui te liera plus étroitement
à l’indéfini.
Dis :
«en vain »,
arbre »,
«nu».
Dis :
« on verra »,
impondérable »,
poids ».
Il y a tant de mots qui rêvent
d’une vie brève, sans liens, avec ta voix.

Parle.
Nous avons tant de mer devant nous.
Là où nous finissons
la mer commence.
Dis quelque chose.
Dis «vague », qui ne tient pas debout.
Dis « barque », qui coule
quand trop chargée d’intentions.
Dis «instant»,
qui crie à l’aide car il se noie,
ne le sauve pas,
dis
«rien entendu».

Parle.
Les mots se détestent les uns les autres,
ils se font concurrence :
quand l’un d’entre eux t’enferme,
un autre te libère.
Tire un mot hors de la nuit
au hasard.
Une nuit entière au hasard.
Ne dis pas « entière »,
dis « infime »,
qui te laisse fuir.
Infime
sensation,
tristesse
entière
qui m’appartient.
Nuit entière.

Parle.
Dis «étoile», qui s’éteint.
Un mot ne réduit pas le silence.
Dis «pierre »,
mot incassable.
Comme ça, simplement
pour mettre un titre
à cette balade en bord de mer.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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Accourez au secours de ma mort violente… (Théodore Agrippa d’Aubigné)

Posted by arbrealettres sur 13 février 2024



Illustration: Etienne-Maurice Falconet
    
Accourez au secours de ma mort violente…

Accourez au secours de ma mort violente,
Amants, nochers experts en la peine où je suis,
Vous qui avez suivi la route que je suis
Et d’amour éprouvé les flots et la tourmente.

Le pilote qui voit une nef périssante,
En l’amoureuse mer remarquant les ennuis
Qu’autrefois il risqua, tremble et lui est avis
Que d’une telle fin il ne perd que l’attente.

Ne venez point ici en espoir de pillage :
Vous ne pouvez tirer profit de mon naufrage,
Je n’ai que des soupirs, de l’espoir et des pleurs.

Pour avoir mes soupirs, les vents lèvent les armes.
Pour l’air sont mes espoirs volagers et menteurs,
La mer me fait périr pour s’enfler de mes larmes.

(Théodore Agrippa d’Aubigné)

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