Posts Tagged ‘enfance’
Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2023

Illustration: Jérôme Royer
Plus jamais
Puisque tu me le demandes
Il faut bien que je le dise :
Je n’en veux plus, je n’en veux plus jamais.
Je ne veux pas de nouvelle existence.
Une vie m’aura largement suffi.
D’une si longue peine —
Arrivées et départs du début à la fin,
L’amour créé, l’amour détruit,
L’instant de douleur
Qui vient pulvériser une vie de délices,
L’heure solitaire des désirs morts
Et sa survie de bavardage —
Je ne veux plus, je ne veux plus jamais
Ni vivre, ni mourir, ni exister encore.
Le récipient près de l’évier,
Les bruits qu’on étouffe au grenier,
La tombée de la nuit dans les tumeurs du ciel,
La chouette qui hulule sur le toit de l’école,
Aux proues des barques qui s’éloignent
Le regard fixe, muet,
Et sur l’aire des départs le sourire évanoui,
Je n’en veux plus, je ne veux plus jamais
Ni vivre, ni mourir, ni exister encore.
Une autre maison ?
Une mère nouvelle ?
Une enfance recommencée ?
Des défis jamais lancés ?
Des élans à découvrir ?
Des blessures, encore ?
De nouveaux rythmes à prendre ?
Des promesses fraîches du jour?
Je n’en veux plus, je n’en veux plus jamais.
(Ayyappa Paniker)
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Ayyappa Paniker), aire, amour, arrivée, autre, école, élan, étouffer, évanoui, évier, barque, bavarder, blessure, bruit, chouette, ciel, créer, découvrir, défi, délice, départ, désir, détruire, demander, dire, douleur, encore, enfance, existence, exister, fixe, frais, frenier, heure, hululer, instant, jamais, lancer, largement, long, maison, mère, mort, mourir, muet, nouveau, nuit, peine, prendre, promesse, prour, pulvériser, récipient, recommencer, regard, rythme, s'éloigner, solitaire, sourire, suffire, survie, toit, tombée, tumeur, vie, vivre, vouloir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2022

HOMME MORT
Moi qui n’en suis pour rien dans ma venue sur terre
Qui n’ai jamais appris les mots que pour me taire
Et marche lentement de peur de tout briser
Croyez-vous que je puisse encor vous satisfaire
Tant de mains attendues n’en valent plus la peine
Une heure d’amitié ne fait pas la semaine
Est-ce mon sang déjà qui teinte le pavé
Mon coeur découragé qui tire sur sa chaîne
A quoi bon ces matins sans hâte de l’enfance
Ces fausses libertés mes désobéissances
Les grains d’or du soleil au fond du sablier
Puisque toute ma vie est faite de silence
C’est là dans mon grenier derrière la fenêtre
Avec le ciel qui bouge au fond pour me remettre
Un instant dans le cycle effarant du passé
Que je serai tenté un soir de disparaître
Alors que vous importe un cri dans le naufrage
Le fardeau de ma joie est un maigre bagage
De la douleur, mon Dieu, j’en eus toujours assez
Mon ombre fut mon seul compagnon de voyage
(René Guy Cadou)
Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (René Guy Cadou), amitié, apprendre, assez, attendre, bagage, bouger, briser, chaîne, ciel, coeur, compagnon, cri, croire, cycle, décourager, désobéissance, derrière, Dieu, disparaître, douleur, effarant, encore, enfance, faire, fardeau, faux, fenêtre, fond, grain, grenier, hâte, heure, homme, importer, instant, joie, lentement, liberté, maigre, main, marcher, matin, mort, mot, naufragé, ombre, or, passé, pavé, peine, peur, pouvoir, remettre, rien, sablier, sang, satisfaire, se taire, semaine, seul, silence, soleil, teinter, tenter, terre, tirer, valoir, venue, vie, voyage | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 décembre 2022

Illustration: ArbreaPhotos
LONG FEU
Brières mes limons de tendresse
O mes cages
Pérous de la lumière
Iles saintes du feu
Les vols ensorcelés de mes canards sauvages
La chambre fortunée où j’en appelle à Dieu
Je revois tout
L’échoppe rose des aurores
Sur mes genoux il pleut encore
Combien de temps déjà
Combien de pas battant mes pas
Dans le miroir quelle rencontre
Mon coeur a fait battre la montre
Encore un soir où je m’en vais
Sur le grand livre des marais
Tracer les mots de mon enfance
D’un geste fondre les saisons
Au bercement des horizons
Et des hoquets de la souffrance.
(René Guy Cadou)
Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (René Guy Cadou), appeler, aurore, échoppe, île, battre, bercement, Brière, cage, canard, chambre, coeur, combien, Dieu, encore, enfance, ensorceler, feu, fondre, fortune, genoux, geste, hoquet, horizon, limon, livre, long, lumière, marais, miroir, montre, mot, pas, pleuvoir, rencontre, revoir, rose, s'en aller, saint, saison, sauvage, souffrance, tendresse, tout, tracer, vol | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2022

Les blanchisseuses
Sur la rive neuf blanchisseuses
En silence lèvent les bras,
Et je ne comprends vraiment pas
Ce qu’elles font avec leurs bras.
Neuf femmes rincent le linge.
Une épreuve de lumière et de son
Dans mon enfance, et mon être
Surgit ainsi en une haute science.
J’étais donc là, debout, un peu bête,
Doutant de ma soudaine vision,
Je séparais à jamais ce chant
De la marche connue du monde.
(Varlam Chalamov)
Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Varlam Chalamov), à jamais, épreuve, être, bête, blanchisseuse, bras, chant, comprendre, debout, douter, enfance, lever, linge, lumière, marche, monde, rincer, rive, séparer, science, silence, son, surgir, vision, vraiment | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2022

Écoute bien, ma sœur d’ici.
C’était la vieille chambre bleue
De la maison de mon enfance.
J’étais né là.
C’est là aussi
Que m’apparut jadis, dans le recueillement de la vigile,
Mon premier arbre de Noël, cet arbre mort devenu ange
Qui sort de la profonde et amère forêt,
Qui sort tout allumé des vieilles profondeurs
De la forêt glacée et chemine tout seul,
Roi des marais neigeux, avec ses feux follets
Repentis et sanctifiés, dans la belle campagne silencieuse et blanche :
Et voici les fenêtres d’or de la maison de l’enfant sage.
Vieux, très vieux jours ! si beaux, si purs ! c’était la même chambre
Mais froide pour toujours, mais muette, mais grise.
Elle semblait avoir à jamais oublié
Le feu et le grillon des anciennes veillées.
Il n’y avait plus de parents, plus d’amis, plus de serviteurs !
Il n’y avait que la vieillesse, le silence et la lampe.
(Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz)
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz), ami, ange, écouter, campagne, chambre, enfance, enfant, fenêtre, feu, forêt, froid, grillon, gris, lampe, maison, muet, parent, profondeur, recueillement, sage, serviteur, silence, soeur, vieillesse | 2 Comments »
Posted by arbrealettres sur 21 décembre 2022
Illustration: Xavier de Fraissinette
Les vers – ce n’est pas que le reflet
En petit des grands événements,
Ils sont pour déplacer cette terre,
Un levier soudain trouvé.
Les vers – ce n’est pas qu’une illumination,
Une lanterne dans les brumes et ténèbres.
Ils sont la création en mouvement
Permanent et l’obstination du rêve.
Les vers c’est toujours une note d’enfance,
En même temps que la douleur d’hier,
C’est la quenouille artisanale
Qu’on a reçue en héritage.
(Varlam Chalamov)
Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Varlam Chalamov), artisanal, évènement, brume, création, déplacer, douleur, enfance, grand, héritage, hier, illumination, lanterne, levier, mouvement, note, obstination, permanent, petit, quenouille, rêve, recevoir, reflet, soudain, ténèbres, terre, trouver, vers | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2022
Illustration: Shan Sa
Au loin disparu
Le cygne déploie ses ailes agiles et laisse le vent le porter au loin.
Un air vif le rappelle au souci et il tourne la tête, incertain.
Un cheval livre ses pas lourds à la steppe désertée — les siens sont partis.
Son coeur s’enlise dans des pensées interdites comme ses sabots dans la glaise meuble.
Le destin s’abat sans pitié sur deux dragons que leurs ailes opposent.
Il reste pourtant les chants qui savent révéler les amours secrets.
À l’ami qui s’en va, je joins les mots du ruisseau où coulent mes larmes.
L’écho des tambours exalte les vertus mâles et déchire les coeurs des compagnons vaincus.
La solitude des vers alimente le brasier du souvenir
Et plombe mon âme mon âme brisée dans l’horizon des peines.
J’aimerais pouvoir entonner encore les airs de l’enfance,
Ton pays est loin désormais — il t’ignore jusqu’au trépas.
Le mal me dévisage et il pleut sur les joues des filets d’amertume.
Les cygnes volent leur vie entière deux à deux
Mais pour nous, hommes, qui ne pouvons nous envoler ensemble
Il n’y a que routes mornes aux destins séparés.
(Su Wu)
(140-60)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in poésie | Tagué: (Su Wu), agile, aile, air, alimenter, amertume, ami, amour, âme, écho, brasier, briser, chant, cheval, coeur, compagnon, couler, cygne, déchirer, déployer, déserter, dévisager, destin, disparaître, dragon, enfance, ensemble, entier, entonner, envoler, exalter, filet, glaise, homme, horizon, ignorer, incertain, interdit, ivre, joindre, joue, laisser, larme, loin, lourd, mal, mâle, meuble, morne, mot, opposer, partir, pas, pays, peine, pensée, pitié, pleuvoir, plomber, porter, pouvoir, rappeler, révéler, rester, route, ruisseau, s'abattre, s'en aller, s'enliser, sabot, savoir, séparer, secret, solitude, souci, souvenir, steppe, tambour, tête, tourner, trépas, vaincru, vent, vers, vertu, vie, vif, voler | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 1 décembre 2022

Depuis la toute légère enfance je suis en pourparlers avec moi-même,
je mène de moi à moi un entretien que le monde s’évertue à interrompre.
Pour continuer à me parler, j’ai commencé d’écrire.
Ce qui se dit en moi n’est pas dans mes livres.
Les livres sont un contre-bruit au bruit du monde.
Ce qui se dit en moi est confié au silence, n’est rien que du silence.
Les livres frôlent ce silence.
Ils ne le touchent pas, ils le frôlent.
Les livres sont presque aussi intéressants que le silence.
Ecrire est presque aussi passionnant que ne rien faire
et attendre les premières gouttes de pluie dans les concertos pour piano de Mozart.
(Christian Bobin)
Découvert chez la boucheaoreilles ici
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in méditations, poésie | Tagué: (Christian Bobin), bruit, confier, enfance, entretien, frôler, interrompre, livre, passionnant, piano, pluie, pourparler, silence, toucher | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2022

Les mots Nella
et tout particulièrement les vôtres
les mots sont nourriture
Ils passent dans le silence
qui est un coeur fragile
que nous avons
tant que nous sommes en vie
Un coeur discret courtois
un vrai coeur comme l’autre
Nos paroles y descendent
pour y être lavées
Parfois il s’affole
on se demande vraiment pourquoi
Parfois il cesse de battre
et c’est que nous avons mangé
trop de mensonges bien trop de mots
De temps en temps je vais vers ce panier
je regarde dedans
il est tout plein de neige
éblouissant
et puis je m’en éloigne je n’y pense plus
C’est là
vos lettres sont là comme est l’enfance
on ne saurait la trouver
mais on sait bien qu’elle est là
partout où nous sommes
et avec elle
la nourriture
surabondante
(Christian Bobin)
Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in méditations, poésie | Tagué: (Christian Bobin), éblouissant, battre, cesser, coeur, courtois, descendre, discret, enfance, lettre, manger, mensonge, mot, neige, nourriture, panier, parole, regarder, s'affoler, s'éloigner, silence, surabondant, trouver, vie | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2022

Illustration
Le remède à la tristesse
c’est l’enfance
Le contraire de l’esprit de sagesse
c’est l’esprit d’enfance
Celui qui va où bon lui chante
celui qui trouve partout son bien
le bien dont il a besoin
pour grandir pour souffrir ou danser
Celui qui jamais ne s’endort
sauf dans les hautes branches
de l’arbre de
solitude
(Christian Bobin)
Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana
WordPress:
J’aime chargement…
Posted in méditations, poésie | Tagué: (Christian Bobin), aller, arbre, besoin, bien, branche, chanter, contraire, danser, enfance, esprit, grandir, remède, s'endormir, sagesse, solitude, souffrir, tristesse, trouver | Leave a Comment »