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OÙ DONC EST LE BONHEUR ? (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Salvador Dali
    
OÙ DONC EST LE BONHEUR ?

Sed satis est jam posse mori.
LUCAIN.

Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l’enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l’âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l’homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus tard, aimer, – garder dans son coeur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d’un ineffable hymen,

Envier l’eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son coeur se fondre au son d’une parole,
Connaître un pas qu’on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,

Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d’avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu’un regard, qu’une fleur, qu’un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d’une main jalouse
Les boutons d’orangers sur le front de l’épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;

Voir aux feux de midi, sans espoir qu’il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l’illusion, l’espérance, et sentir
Qu’on vieillit au fardeau croissant du repentir,

Effacer de son front des taches et des rides ;
S’éprendre d’art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s’égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l’on ne dormait pas ;

Se dire qu’on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s’enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d’amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,

Être sage, et railler l’amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d’un oeil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l’homme, ô mon Dieu ! marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d’ombre.
C’est donc avoir vécu ! c’est donc avoir été !
Dans la joie et l’amour et la félicité

C’est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !
Hélas ! naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l’enfance où le coeur dort,

Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !
Où donc est le bonheur, disais-je ? – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné !

(Victor Hugo)

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Enfance (Brigitte Baumié)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2024




    

Enfance

Quand je lis
j’arrête d’attendre.
Les livres
ils attendent à notre place.

(Brigitte Baumié)

Recueil: paysages intermittents
Editions: La Boucherie littéraire

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Enfance (Brigitte Baumié)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2024




    
Enfance

Les voitures passent sur la route.
Perchés sur la barrière,
on joue à deviner la couleur
de celle qui va surgir du virage.
Parfois on parie des cailloux
ou des boutons d’or.

Moi, j’attends,
j’attends autre chose…
autre chose…

Une chose
que je ne sais pas…

(Brigitte Baumié)

Recueil: paysages intermittents
Editions: La Boucherie littéraire

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Si seulement (Jim Morrison)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024




    
Si seulement je
pouvais sentir pépiement
des moineaux air l’enfance
me ramener
à elle
seulement je pouvais
me sentir ramené
à elle

me sentir une nouvelle fois
embrassé par
la réalité
Je mourrais
Avec joie je mourrais

***

If only I
could feel The sound
of the sparrows
& feel child hood pulling me
back again

If only I could feel
me pulling back
again
& feel embraced
by reality
again
I would die
Gladly die

(Jim Morrison)

Recueil: La nuit américaine
Traduction: de l’anglais (Etats-Unis) par Patricia Devaux
Editions: Christian Bourgois

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Un seul mot d’amour (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Par la caresse nous sortons de notre enfance
Mais un seul mot d’amour et c’est notre naissance

(Paul Eluard)

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LA CHAMADE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
LA CHAMADE

à Jacques T.

J’ai vécu mon enfance auprès d’un champ de courses,
Un endroit où le son arrive avant l’image,
Où, précédant l’éclair, un grondement d’orage
Semble avoir dans le noir la source de sa source.

On pendait notre enfance alentour de l’arène,
Le coeur au bord des yeux et les doigts au grillage,
Attendant le galop qu’annonçait le virage,
Percevant dans la cage une rumeur lointaine.

Nos coeurs et nos genoux peints au mercurochrome
Battaient à l’unisson des sabots et des coups
Enfonçant dans la chair l’hypodermique clou

Qui nous rivait au sol au coin de l’hippodrome.
Chaque fois que j’entends
le galop qui martèle,

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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LA HOULE (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024



Illustration: Vincent Van Gogh
    

LA HOULE

Je suis la houle qui porte le voilier
le grain de chair de poule
que l’amour a planté

Le regard assoiffé et le baiser fougueux
qui fait monter le feu
aux joues de l’innocence

Le rocher de l’enfance usé par le torrent
et le drapeau de la colère
déchiré par le vent

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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A MA MÈRE (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: Oskar Kokoschka
    
A MA MÈRE

J’ai la nostalgie du pain de ma mère,
Du café de ma mère,
Des caresses de ma mère…
Et l’enfance grandit en moi,
Jour après jour,
Et je chéris ma vie, car
Si je mourais,
J’aurais honte des larmes de ma mère !

Fais de moi, si je rentre un jour,
Une ombrelle pour tes paupières.
Recouvre mes os de cette herbe
Baptisée sous tes talons innocents.
Attache-moi
Avec une mèche de tes cheveux,
Un fil qui pend à l’ourlet de ta robe…
Et je serai, peut-être, un dieu,
Peut-être un dieu,
Si j’effleurais ton coeur !

Si je rentre, enfouis-moi,
Bûche, dans ton âtre.
Et suspends-moi,
Corde à linge, sur le toit de ta maison.
Je ne tiens pas debout
Sans ta prière du jour.
J’ai vieilli. Ramène les étoiles de l’enfance
Et je partagerai avec les petits des oiseaux,
Le chemin du retour…
Au nid de ton attente !

(Mahmoud Darwich)

 

Recueil: La terre nous est étroite
Traduction: Elias Sanbar
Editions: Gallimard

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PROMENADE (Denise Jallais)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



PROMENADE

Plus d’herbes bleues
Pour me mordiller les paupières dans un pré
Je meule la menthe sauvage
De mes dents d’adulte
Et je la crache sur le chemin
La bouche poivrée d’enfance perdue
L’âme broutée jusqu’à la terre
Par la vie — mouton
Qu’un jour
J’égorgerai.

(Denise Jallais)

 

 

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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