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J’ai su comment les visages se défont (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
J’ai su comment les visages se défont,
Comment on voit la teneur sous les paupières,
Comment des pages d’écriture au poinçon
Font ressortir sur les joues la douleur,
Comment les boucles noires ou cendrées
Ressemblent soudain à du métal blanc.
Le sourire s’éteint sur les lèvres dociles
Et la peur tremble dans un petit rire sec.
Si je prie, ce n’est pas pour moi seule,
Mais pour tous ceux qui ont avec moi attendu
Dans le froid féroce, ou sous la canicule,
Au pied du mur rouge, du mur aveugle.

(Anna Akhmatova)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Jean-Louis Backès
Editions: Gallimard

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L’auberge (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023



Illustration: David Téniers  
    
L’auberge

Murs blancs, toit rouge, c’est l’Auberge fraîche au bord
Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L’Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passe-port.

Ici l’on fume, ici l’on chante, ici l’on dort.
L’hôte est un vieux soldat, et l’hôtesse, qui peigne
Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,
Parle d’amour, de joie et d’aise, et n’a pas tort !

La salle au noir plafond de poutres, aux images
Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous accueille d’un bon parfum de soupe aux choux.

Entendez-vous ? C’est la marmite qu’accompagne
L’horloge du tic-tac allègre de son pouls.
Et la fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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Mon enfance (Monique Serf)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023




Illustration
    
Mon enfance

J’ai eu tort, je suis revenue dans cette ville au loin perdue
Où j’avais passé mon enfance
J’ai eu tort, j’ai voulu revoir le coteau où glissait le soir
Bleu et gris, ombres de silence
Et j’ai retrouvé comme avant
Longtemps après
Le coteau, l’arbre se dressant
Comme au passé

J’ai marché les tempes brûlantes
Croyant étouffer sous mes pas
Les voies du passé qui nous hantent
Et reviennent sonner le glas
Et je me suis couchée sous l’arbre
Et c’était les mêmes odeurs
Et j’ai laissé couler mes pleurs
Mes pleurs

J’ai mis mon dos nu à l’écorce, l’arbre m’a redonné des forces
Tout comme au temps de mon enfance
Et longtemps j’ai fermé les yeux, je crois que j’ai prié un peu
Je retrouvais mon innocence
Avant que le soir ne se pose
J’ai voulu voir
La maison fleurie sous les roses
J’ai voulu voir
Le jardin où nos cris d’enfants
Jaillissaient comme source claire
Jean-claude et Régine et puis Jean
Tout redevenait comme hier
Le parfum lourd des sauges rouges
Les dahlias fauves dans l’allée
Le puits, tout, j’ai tout retrouvé
Hélas

La guerre nous avait jeté là, d’autres furent moins heureux je crois
Au temps joli de leur enfance
La guerre nous avait jeté là, nous vivions comme hors-la-loi
Et j’aimais cela quand j’y pense
Oh mes printemps, oh mes soleils, oh mes folles années perdues
Oh mes quinze ans, oh mes merveilles
Que j’ai mal d’être revenue
Oh les noix fraîches de septembre
Et l’odeur des mûres écrasées
C’est fou, tout, j’ai tout retrouvé
Hélas

Il ne faut jamais revenir aux temps cachés des souvenirs
Du temps béni de son enfance
Car parmi tous les souvenirs, ceux de l’enfance sont les pires
Ceux de l’enfance nous déchirent
Oh ma très chérie, oh ma mère, où êtes-vous donc aujourd’hui?
Vous dormez au chaud de la terre
Et moi je suis venue ici
Pour y retrouver votre rire
Vos colères et votre jeunesse
Et je reste seule avec ma détresse
Hélas

Pourquoi suis-je donc revenue et seule au détour de ces rues
J’ai froid, j’ai peur, le soir se penche
Pourquoi suis-je venue ici, où mon passé me crucifie
Et ne dort jamais mon enfance?

(Monique Serf)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Les monstres bizarres (Corinne Albaut)

Posted by arbrealettres sur 3 mai 2023



Illustration: Jean-François Martin
    
Les monstres bizarres

Caché sous le fauteuil
Un fantôme à un oeil

Tout au fond du tiroir
Un dragon rouge et noir

Tapi dans le bahut
Un loup-garou poilu

Et sous le tabouret
Une sorcière à balai !

(Corinne Albaut)

Recueil: Petites Comptines pour tous les jours
Editions: Nathan

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TOMBE DE LUMUMBA (Langston Hughes)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2023



Patrice Lumumba
    
TOMBE DE LUMUMBA

Lumumba était noir
Et il ne faisait pas confiance
À ces putains toutes poudrées
De poussière d’uranium.

Lumumba était noir
Et il ne croyait pas
À ces mensonges que les voleurs agitaient
Dans leur tamis « liberté ».

Lumumba était noir.
Son sang était rouge —
Et pour avoir été un homme
Ils l’ont tué.

Ils ont enterré Lumumba
Dans une tombe sans épitaphe.
Mais il n’a pas besoin d’épitaphe —
Car l’air est sa tombe.

Le soleil est sa tombe,
La lune l’est, les étoiles le sont,
L’espace est sa tombe.

Mon coeur est sa tombe,
Et là est son épitaphe.
Demain son épitaphe sera
Partout.

***

LUMUMBA’S GRAVE

Lumumba was black
And he didn’t trust
The whores all powdered
With uranium dust.

Lumumba was black
And he didn’t believe
The lies thieves shook
Through their « freedom » sieve.

Lumumba was black.
His blood was red—
And for being a man
They killed him dead.

They buried Lumumba
In an unmarked grave.
But he needs no marker—
For air is his grave.

Sun is his grave,
Moon is, stars are,
Space is his grave.
My heart’s his grave,
And it’s marked there.
Tomorrow will mark
It everywhere.

(Langston Hughes)

Recueil: La panthère et le fouet
Traduction: Pascal Neveu
Editions: YPSILON

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ODE À L’AMOUR TERRESTRE (Henrique Huaco)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2023




    
ODE À L’AMOUR TERRESTRE

Amour? Jamais je ne l’ai vu briller
aussi beau que dans les marchés,
caché dans les fromages,
ou déguisé en fleurs dans les paniers rouges;
jamais je n’ai imaginé sa fraîcheur séculaire
sa force souterraine,
à cette heure avant la création du soleil
dans l’obscurité.

Le merveilleux repose sur les nappes
des vieilles tables,
prêt pour être choisi, observé, senti,
prêt pour être palpé
par notre entendement,
prêt à s’abandonner et se donner, à nous.

Qui parle d’amour ?
Qui, caché dans les jardins,
sort à sa rencontre ?
Qui l’attend dans les nuits antiques ?

Nous chercherons une cinquième saison
pour nous aimer.
Nous chercherons le nouveau monde,
les plages
où goûter enfin la peau
obscure et parfumée du bonheur
la peau opaque de la mangue.

Nos angles sont riches en possibilités,
nous avons la soif qui produit la multiplication,
la soif de l’image pour l’image,
Pour les aïes ! et les voix qui nous réduisent
à une boule de feu;
qui nous soulèvent sur les toits
des vieux quartiers des villes,
haletants, comblés enfin,
ardents de nostalgie et de sagesse.

***

ODA AL AMOR TERRESTRE

¿Amor ? Nunca lo vi brillar
tan bello como en los mercados,
oculto entre los quesos,
o disfrazado de flor en las canastas rojas ;
nunca imaginé su frescura secular,
su subterranea fuerza,
en esa hora antes de la creación del sol
en la oscuridad.

Lo maravilloso yace sobre las mantas
de las viejas mesas,
listo para ser escogido, observado, olido,
listo para ser palpado
por nuestro entendimiento,
listo para dejarse y darse a nosotros.

¿ Quién habla de amor?
¿ Quién, escondido en los jardines,
sale a su encuentro ?
¿ Quién le espera en las antiguas noches ?

Buscaremos una quinta estación
para amarnos.
Buscaremos el nuevo mundo,
las playas
donde probar al fin la piel
oscura y perfumada de la dicha,
la opaca piel del mango.

Nuestros ángulos son ricos en posibilidades,
tenemos la sed que produce la multiplicación,
la sed de la imagen por la imagen.
Por ayes! Y voces que nos reduzcan
a una bola de luz;
que nos levanten sobre los techos
de los viejos barrios de las ciudades,
jadeantes, plenos al fin,
ardiendo con nostalgia y sabiduría.

(Henrique Huaco)

Recueil: La peau du temps
Traduction: Anne-Marie Vindras
Editions: des Crépuscules

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CHANT DE PRINTEMPS (Miguel León-Portilla)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2023




    
CHANT DE PRINTEMPS

Dans la maison des peintures
il se met à chanter
il essaie le chant
il répand des fleurs
il égaie le chant.

Le chant résonne
les grelots se font entendre
et nos sonnailles fleuries
leur répondent.
Il répand des fleurs
il égaie le chant.

Sur les fleurs chante
le superbe faisan,
son chant se déploie
à l’intérieur des eaux.
Viennent lui répondre
plusieurs oiseaux rouges
le bel oiseau rouge
chante superbement.
Ton coeur est un livre peint
tu es venu chanter
tu fais résonner les tambours
c’est toi le chanteur.
A l’intérieur de la maison du printemps
tu réjouis les gens.

Toi seul répartis
des fleurs qui enivrent
des fleurs précieuses.
C’est toi le chanteur.
A l’intérieur de la maison du printemps
tu réjouis les gens.

traduit du Nahuátl

(Miguel León-Portilla)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Je voudrais être né de ton ventre (Tomas Segovia)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
Je voudrais être né de ton ventre
avoir vécu un temps à l’intérieur de toi
depuis que je te connais je me sens plus orphelin

O tendre grotte
rouge éden de chaleur
quelle joie d’avoir été cette cécité

je voudrais que ta chair se souvienne
de m’avoir emprisonné
et que quand tu me regardes
quelque chose se resserre dans ton ventre
et que tu te sentes orgueilleuse au souvenir
de la générosité sans pareille de ta chair
se dénouant pour que je sois libre

pour toi je me suis mis à déchiffrer les signes de cette vie
que de toi je voudrais avoir reçue.

(Tomas Segovia)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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O ciel que vois-je ? (Jean Tortel)

Posted by arbrealettres sur 11 avril 2023




    
O ciel que vois-je ?
Une rose Perdue.
Je passe mon chemin,
Car j’ai à faire.

La rose me suit comme un chien,
Son odeur est derrière moi ;
Elle laisse sur les pavés
Sa rouge trace indélébile.

Et d’autres passants connaîtront
Le prix d’une telle rencontre.

(Jean Tortel)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout

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ROSE ROUGE (Philippe Chabaneix)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2023




    
ROSE ROUGE

Le souvenir d’une amoureuse,
Divine enfant des anciens jours,
Se mêle en songe au frais velours
De cette rose ténébreuse
Que je respire lentement
Et qui dans son parfum m’apporte
Comme un secret d’étoile morte
Tout un passé doux et dormant.

(Philippe Chabaneix)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Traduction:
Editions: Marabout

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