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Poésie

Posts Tagged ‘reposer’

Intérieur (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




Intérieur

Pensées en guerre
veulent briser mon front

Par des chemins d’oiseaux
avance l’écriture

La main pense à voix haute
le mot en convie un autre

Sur la feuille où j’écris
vont et viennent les êtres que je vois

Le livre et le cahier
replient les ailes et reposent

On a déjà allumé les lampes
comme un lit l’heure s’ouvre et se ferme

Les bas rouges et le visage clair
vous entrez toi et la nuit

***

Interior

Pensamientos en guerra
quieren romper mi frente

Por caminos de pájaros
avanza la escritura

La mano piensa en voz alfa
una palabra llama a otra

En la hoja en que escribo
van y vienen los seres que veo

El libro y el cuaderno
repliegan las alas y reposan

Ya encendieron las lámparas
la hora se abre y cierra como un lecho

Con medias rojas y cara pálida
entran tú y la noche

(Octavio Paz)

Illustration: Giuseppe de Nittis

 

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Rondeau lyrique (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    
Rondeau lyrique

Les cœurs dorment dans des coffrets
Que ferment de belles serrures ;
Sous les émaux et les dorures
La poussière des vieux secrets
Et des lointaines impostures
Se mêle aux frêles moisissures
Des plus récentes aventures :
Chère, ôtez vos doigts indiscrets,
Les cœurs dorment.

Vos doigts ravivent des blessures
Et vos regards sont des injures,
Laissez-les reposer en paix.
Comme des rois dans leurs palais
Ou des morts dans leurs sépultures,
Les cœurs dorment.

(Rémy de Gourmont)

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Le temps nouveau et mai et violette… (Le Chatelain de Coucy)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024



    
Le temps nouveau et mai et violette…

Le temps nouveau et mai et violette
Et rossignol me somment de chanter,
Et mon fin cœur me fait d’une amourette
Si doux présent que ne l’ose refuser.
Or me laisse Dieu en tel honneur monter
Que celle où j’ai mon cœur et mes pensers
Tienne une fois entre mes bras nuette,
Avant que j’aille outre mer !

Pour commencer la trouvai si doucette
Que ne croyais pour elle mal endurer,
Mais son doux vis et sa belle bouchette,
Et son bel œil qui est riant et clair
M’eurent pris avant que me pus donner.
Or ne me veut retenir ni quitter,
J’aime mieux avec elle faillir, si (me le) promet,
Qu’à une autre parvenir.

Las ! pourquoi l’ai-je de mes yeux regardée
La douce chose qui fausse amie a nom ?
Elle me raille, et je l’ai tant pleurée,
Si doucement ne fut trahi nul homme.
Tant que fus mien, ne me fit que le bien,
Or je suis sien, elle m’occit sans raison
Et pour autant que de cœur l’ai aimée,
Je ne sais autre raison.

De mille soupirs que je lui dois par dette,
Ne me veut pas d’un seul quitte clamer,
Et faux amour ne laisse que s’entremettre
Ni ne me laisse dormir ni reposer.
Si veut m’occire, moins aura à garder ;
Je ne sais m’en venger fors de pleurer,
Car qui amour détruit et déshérite
On ne l’en doit pas blâmer…

(Le Chatelain de Coucy)

Recueil: Troubadours et trouvères
Traduction: France Igly
Editions: Pierre Seghers

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THE NIGHT YOU SLEPT (Cesare Pavese)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024



    

THE NIGHT YOU SLEPT

La nuit elle aussi te ressemble,
nuit lointaine qui pleure
muette, dans le coeur profond,
et mornes les étoiles passent.

Une joue effleure une joue
— c’est un frisson glacé,
quelqu’un se débat et t’implore,
seul, perdu en toi, dans ta fièvre.

La nuit souffre et aspire vers
l’aube, pauvre coeur qui tressailles.
O visage fermé, sombre angoisse,
fièvre qui attristes les étoiles,

certains attendent l’aube
comme toi épiant ton visage en silence.
Tu reposes sous la nuit
comme un horizon mort et fermé.

Pauvre coeur qui tressailles,
un jour lointain tu étais l’aube.

(Cesare Pavese)

Recueil: Travailler fatigue La mort viendra et aura tes yeux
Traduction: Gilles de Van
Editions: Gallimard

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LE BERGER (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024



Illustration: William Blake
    
LE BERGER

Le sort du berger est le sort le plus doux.
Du matin au soir, doucement, il s’en va
Et tout le long du jour il va suivre ses moutons
Et sa bouche est pleine de louanges,

Car il entend le faible appel de l’agneau
Et la tendre réponse des brebis.
Il veille sur son troupeau qui repose,
Tranquille, parce qu’il est là, le berger.

***

The Shepherd

How sweet is the Shepherd’s sweet lot,
From the morn to the evening he strays:
He shall follow his sheep all the day
And his tongue shall be filled with praise.

For he hears the lambs innocent call,
And he hears the ewes tender reply,
He is watchful while they are in peace,
For they know when their Shepherd is nigh.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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Entre les arbres du parc (Ishikawa Takuboku)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024




    
Entre les arbres du parc
des moineaux folâtraient
à les regarder un instant reposé!

(Ishikawa Takuboku)

Recueil: Une poignée de sable
Traduction: du japonais par Yves-Marie Allioux
Editions: Philippe Picquier

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L’ÉQUILIBRE TERRESTRE (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2024




    
L’ÉQUILIBRE TERRESTRE

Il monte de la forge une dernière étincelle
dans leur grand loisir
les objets reposent
et toutes ces poussières
dans l’air suspendues
qui faisaient se trahir des voix
ou se fermer des yeux
descendent sur les choses
tandis que dans un chemin
un papillon mort
rouge et noir
se désagrège seul
que les robes ôtées
perdent de leur tiédeur
et que des mains d’enfant
dont la croissance se poursuivrait
durant des années longues
pétrissent par jeu la terre.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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CHANSON (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



Illustration: Henri-Fantin Latour
    
CHANSON

Nous étions deux soeurs chez nous :
La laide et la belle.
L’une avait les yeux si doux
Que tous après elle
Couraient sans savoir pourquoi.
Sa soeur, l’autre… c’était moi.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Elle avait cent jolis airs :
Un timide, un tendre,
Des tristes, des gais, des fiers,
Cent regards pour prendre
L’amour dans les coeurs tout bas…
Mais moi, je ne savais pas.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Elle avait quatre beaux temps
Pour se plaire au monde :
L’hiver, l’été, le printemps,
L’automne à la ronde,
Pressés d’arriver chacun…
Mais moi, je n’en avais qu’un.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Elle avait deux paradis :
L’air des matins roses
Pour sa joie et le logis
Aux fenêtres closes
Pour son bonheur au soir brun…
Mais moi, je n’en avais qu’un.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Tant d’amis l’avaient d’amour
Toute enveloppée,
Qu’elle était, la nuit, le jour,
Sans cesse occupée
À n’en oublier aucun…
Mais moi, je n’en avais qu’un.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Lui, c’était lui mon été,
Ma terre fleurie,
Lui, mon soleil, la bonté
Unique en ma vie !
C’était lui mon Paradis !
Le seul !… Elle me l’a pris.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

C’est pour lui seul que j’osais
Me laisser sourire,
En lui je me reposais.
J’aimais me redire
Tout bas ses mots attendris.
C’est fini… Tu me l’as pris.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Sans son coeur, avec mon coeur,
Maintenant que faire ?
Haïr ? Attendre, ô ma soeur,
Que le vent contraire
Jette ton bonheur à bas ?
Te haïr… Je ne peux pas.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Ô toi qui, sans le savoir,
De mon mal es cause,
Est-ce que je puis te voir,
Ma petite rose,
Sans t’aimer aussi ?… Pourtant,
De te voir je souffre tant !

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Chère grâce, dis, pourquoi
Es-tu si jolie ?
Ah ! qu’il ait assez de moi,
Qu’il t’aime et m’oublie,
Ce n’est que juste !… Et pourtant,
Faut-il que je souffre tant ?

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Aimons-nous bien, aimons-nous,
Je suis assez forte
Pour souffrir un peu pour vous.
Ce n’est rien… Qu’importe,
Quand vous serez trop joyeux,
Que je détourne les yeux.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

Vous voir, le coeur apaisé,
J’y suis mal habile.
Mais t’aimer, le coeur brisé,
Ce m’est plus facile.
Va, peut-être aime-t-on mieux
Avec des pleurs dans les yeux.

Qu’est-ce que nous ferons,
Ma douce, ma jolie ?
Qu’est-ce que nous ferons ?
Va, nous nous aimerons.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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CHERCHE TA PLACE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



 Illustration: Robert Cattan
    
CHERCHE TA PLACE

Je m’en vais cheminant, cheminant, dans ce monde,
Chaque jour je franchis un nouvel horizon.
Je cherche pour m’asseoir le seuil de ma maison
Et mes frères et soeurs pour entrer dans leur ronde.

Mais las ! J’ai beau descendre et monter les chemins,
Nul toit rêveur ne m’a reconnue au passage,

Et les gens que j’ai vus ont surpris mon visage
Sans s’arrêter, sourire et me tendre les mains.
Va plus loin, va-t’en ! qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place…

J’ai vu sauter dans l’herbe et rire au nez du vent
Des filles pleines d’aise et de force divine

Qui partaient, le soleil sur l’épaule, en avant,
L’air large des pays en fleurs dans la poitrine…
Ah ! pauvre corps frileux même sous le soleil
Qui sans te ranimer te surcharge et te blesse.

Toi qu’un insecte effraye, ô craintive faiblesse,
Honteuse d’être pâle et d’avoir tant sommeil.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Ainsi qu’à la Saint-Jean les roses de jardin,
Fleurs doubles dont le coeur n’est plus qu’une corolle,
J’ai regardé fleurir autour de leur festin
Les reines, les beautés qu’on aime d’amour folle.

Las ! je t’ai vue aussi, toi, gauche laideron,
Mal faite, mal vêtue, âme que son corps gêne,

Herbe sans fleur que le vent sèche avec sa graine
Et que ne goûterait pas même un puceron…
Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

De rien sachant tout faire, ici menant le fil,
Puis là, dessus, dessous, vite, vite, des fées,

Sous leurs doigts réguliers trouvent un point subtil,
Sans avoir l’air de rien, calmes et bien coiffées…
Toi qui pour ton travail uses le temps en vain,
Toi dont l’aiguille borgne, attentive à sa piste,

Pique trop haut, trop bas, choppe, accroche, résiste,
Prise aux pièges du fil tout le long du chemin,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, fermes esprits, têtes pleines de mots,
Connaissent tout : les dieux, les pays, leur langage,
Les causes, les effets, les remèdes, les maux,
Les mondes et leurs lois, les temps et leur ouvrage…

Tête qui fuis, et tel un grès à filtrer l’eau.
Laisse les mots se perdre à travers ta cervelle,
Ignorante qui crois que la terre est nouvelle
Tous les matins, et tous les soirs le ciel nouveau,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres ont pris leur rêve au piège et l’ont tout vif
Enfermé malgré lui dans leur strophe sonore
D’airain vaste, d’or calme ou de cristal plaintif,
Et l’applaudissement des hommes les honore…

Mais toi ! Tes rêves, comme un vol de moucherons,
T’étourdissent, dansant autour de tes prunelles,
Et ta main d’écolier trop lente pour leurs ailes
Sans en saisir un seul s’égare dans leurs ronds.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, se retirant à l’ombre de leurs cils,
Patients, cherchent la vermine de leur âme
Et pèsent dans l’angoisse avec des poids subtils
Son ombre et sa clarté, sa froidure et sa flamme.

Mais toi qui cours à Dieu comme un petit enfant,
Sans réfléchir, toi qui n’as pas d’autre science
Que d’aimer, que d’aimer et d’avoir confiance
Et de te jeter toute en ses bras qu’Il te tend,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Sans beauté ni savoir, sans force ni vertu,
Être qui par hasard ne ressemble à personne,
Je sais bien qui je suis, l’amour ne m’est pas dû
Et ne pas le trouver n’a plus rien qui m’étonne.

Mais malgré moi j’ai mal… De l’hiver à l’hiver,
Je m’en vais et partout je me sens plus lointaine,
Seule, seule, et le coeur qu’en silence je traîne
Me semble un poids trop lourd, sombre, inutile, amer…

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Bah ! c’est au même lieu que les chemins divers
Aboutissent enfin, le mien comme les vôtres.
Bonne à rien que le sort conduisit de travers,
Je ferai mon squelette aussi bien que les autres.

Mais où me mettrez-vous, mon Dieu ?… Pas en enfer ;
Je n’eus pas dans le mal assez de savoir-faire.
Et pas au paradis : je n’ai rien pour vous plaire…
Hélas ! me direz-vous comme le monde hier :

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

N’aurai-je au dernier jour ni feu, ni lieu, ni toit
Où reposer enfin ma longue lassitude ?
Ou m’enfermerez-vous — hélas ! que j’aurai froid ! —
Dans une lune vide avec ma solitude ?…

Mais à quoi bon, Seigneur, chercher la fin de tout ?
Vous arrangerez bien ceci sans que j’y songe.
Je m’en vais, mon chemin dénudé se prolonge…
Vous êtes quelque part pour m’arrêter au bout.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Rose (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2024



    

Rose, ô toi trônante, pour eux, aux anciens temps,
calice au bord banal tu étais.
Pour nous tu es la pleine innombrable fleur pourtant,
tu es l’inépuisable objet.

Dans ta richesse, tu nous parais comme habit sur habit
autour d’un corps fait d’éclat pur;
pourtant ton moindre pétale est a la fois le déni
et le mépris de toute parure.

Depuis des siècles a pour nous ton parfum
ses noms les plus suaves fait retentir ;
dans l’air, comme en gloire, il repose soudain.

Cependant, nous ne savons le nommer, nous cherchons…
Et puis vers lui retourne le souvenir
qu’aux heures remémorables nous demandions.

***

Rose, you enthroned, to them, in ancient times, you were
a calyx with a rim quite plain.
To us, you’re yet the full uncounted flower fair,
the inexhaustible domain.

In your richness you look like clothing on clothing
around a body of pure fire ;
yet each of your petals at once is the shunning
and disowning of all attire.

To us, century after century,
did your perfume its sweetest names proclaim ;
suddenly, it hangs in the air like glory.

We still don’t know how to name it, we guess…
And memory returns to it, as a claim
to the rememberable hours we press.

***

Rose, du thronende, denen im Altertume
warst du ein Kelch mit einfachem Rand.
Uns aber bist du die volle zahllose Blume,
der unerschöpfliche Gegenstand.

In deinem Reichtum scheinst du wie Kleidung um Kleidung
um einen Leib aus nichts als Glanz;
aber dein einzelnes Blatt ist zugleich die Vermeidung
und die Verleugnung jedes Gewands.

Seit Jahrhunderten ruft uns dein Duft
seine süfßesten Namen herüber;
plötzlich liegt er wie Ruhm in der Luft.

Dennoch, wir wissen ihn nicht zu nennen, wir raten…
Und Erinnerung geht zu ihm über,
die wir von rufbaren Stunden erbaten.

(Rainer Maria Rilke)

Recueil: Les sonnets à Orphée
Traduction: Claude Neuman
Editions: Ressouvenances

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