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Poésie

Posts Tagged ‘rond’

Que cherches-tu (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 30 mars 2024



Illustration: Silvia Leveroni Calvi
    
Que cherches-tu
Tu avances erres te traînes renonces repars rebrousses chemin tournes en rond
Ton oeil empli par la nuit tu cherches le lieu
Le lieu où tu serais rassasié
Où se déploierait la réponse
Où bouillonnerait la source
Tu ne sais que marcher
La nuit et la peur te harcèlent
Et aussi la soif
Mais à chaque pas la hantise de faire fausse route
D’accroître encore la distance
Tu cherches le lieu
Le lieu et le nom
Le nom qui saurait tout dire de ce en quoi consiste l’aventure

Tu ne sais où tu vas ni ce que tu es ni même ce que tu désires mais tu ne peux t’arrêter
Et tu progresses
À moins que tu ne t’éloignes
Sans fin tu erres te traînes rampes tournes en rond
Et tu renonces
Et tu repars
Jusqu’à n’être plus qu’épuisement

Survient l’instant où tu dois faire halte
Faire ton deuil du lieu et du nom
Et à l’invitation de la voix définitivement tu renonces t’avoues vaincu
Alors que tu découvres que tu auras chance de trouver ce que tu cherches
si précisément tu ne t’obstines pas à le chercher

Tu repars
Des forces nouvelles te sont venues
Ton oeil qui s’écarquille n’est plus dévoré par la soif
Tu ne sais où tu vas mais tu connais ce que tu es

Tu avances d’un pas tranquille désormais convaincu que le lieu se porte à ta rencontre
Le lieu où mûrir l’hymne la strophe le nom
Où jouir enfin de ce qui s’est jusque-là dérobé

(Charles Juliet)

Recueil: Pour plus de lumière Anthologie personnelle 1990-2012
Editions: Gallimard

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CORBEAUX, RONDEAUX (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2024




    
CORBEAUX, RONDEAUX

Quand la ville n’était déjà plus
Un combat a commencé autour du cimetière
C’était la veille de Pâques
Avec les croix en bois sur les tombes d’à peine hier

Ils ont sorti leurs fleurs de papier —

Rouges, bleu ciel, néon,
Salades, oranges, framboises

Des familles joyeuses se sont versées de la horilka
Et pour les défunts, droit sur les tombes
Qui en demandaient encore plus, encore, et encore
Et les leurs ont continué de verser

Le carnaval cavalcade, cavalcade le carnaval
Jusqu’au moment où le gendre saute sur une mine
Près de la tombe de la belle-mère
Et que regardant fixement le ciel, le vieux grand-père

Se retrouve sans cieux
Un homme enveloppé explose de son verre
La clôture de la tombe de sa femme
Les éclats tombent à ses pieds
Comme la grêle des nuages d’orage

Le jour de Pâques est arrivé
Et sur la tombe d’Anna Andriivna Ravenova
Trône non pas un tombeau, mais un corbeau
Et au-dessus du caveau familial des Kolesnyk
Où gisent Maria Viktorivna, Pylyp Vasylovytch

Et Mykola Pylypovytch
Trônent les roues rondes d’un blindé

Qui sont-ils pour moi, ces roues et corbeaux ?

Qui sont-ils ? Déjà oublié

2015

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin
Editions: des femmes

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L’enfant nouveau-né (Hubert Haddad)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
L’enfant nouveau-né
et ses tout premiers sourires
ronds dans une eau pure

(Hubert Haddad)

Recueil: Les Haïkus du peintre d’éventail
Editions: Zulma

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Pomme ronde… (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2024




    
Pomme ronde…

Pomme ronde, poire, banane
et groseille… Tout cela parle
de vie, de mort dans la bouche. Je sens…
Lisez plutôt sur le visage de l’enfant

lorsqu’il mord dans ces fruits. Oui, ceci vient de loin.
Sentez-vous l’ineffable dans votre bouche ?
Là où étaient des mots coulent des découvertes,
comme affranchies soudain de la pulpe du fruit.

Osez dire ce que vous nommez pomme.
Cette douceur qui d’abord se concentre,
puis, tandis qu’on l’éprouve, doucement érigée,

se fait clarté, lumière, transparence.
Son sens est double : terre et soleil.
Expérience, toucher : ô joie immense !

(Rainer Maria Rilke)

Recueil: Sonnets à Orphée
Editions:

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Hymne au soleil (Edmond Rostand)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2024




    
Hymne au soleil

Je t’adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,
Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
Se divise et demeure entière
Ainsi que l’amour maternel !

Je te chante, et tu peux m’accepter pour ton prêtre,
Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu
Et qui choisis, souvent, quand tu veux disparaître,
L’humble vitre d’une fenêtre
Pour lancer ton dernier adieu !

Tu fais tourner les tournesols du presbytère,
Luire le frère d’or que j’ai sur le clocher,
Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,
Tu fais bouger des ronds par terre
Si beaux qu’on n’ose plus marcher !

Gloire à toi sur les prés! Gloire à toi dans les vignes !
Sois béni parmi l’herbe et contre les portails !
Dans les yeux des lézards et sur l’aile des cygnes !
Ô toi qui fais les grandes lignes
Et qui fais les petits détails!

C’est toi qui, découpant la Sœur jumelle et sombre
Qui se couche et s’allonge au pied de ce qui luit,
De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre,
A chaque objet donnant une ombre
Souvent plus charmante que lui !

Je t’adore, Soleil ! Tu mets dans l’air des roses,
Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !
Tu prends un arbre obscur et tu l’apothéoses !
Ô Soleil ! toi sans qui les choses
Ne seraient que ce qu’elles sont !

(Edmond Rostand)

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En hébreu, le mot « malade » (mahala) (Christiane Singer)

Posted by arbrealettres sur 10 février 2024



Illustration: Dominique Leuthold
    
En hébreu, le mot « malade » (mahala) signifie « tourner en rond ».
Le malade est celui qui tourne en rond,
qui s’est rendu prisonnier de lui-même,
qui s’est mis en enfer-mement.

L’autre, cet intrus,
cet empêcheur de tourner en rond,
opère une brèche dans les fortifications
conscientes ou inconscientes
que j’ai dressées autour de moi.

Il me libère du piège
qui s’était refermé sur moi.

(Christiane Singer)

Recueil: N’oublie pas les chevaux écumants du passé
Editions: Le livre de poche

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Poli et nacré (Anick Baulard)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024




    
poli et nacré
tout juste fait pour sa paume
mon genou tout rond

(Anick Baulard)

 

Recueil: L’effet Haïku Lire et écrire des poèmes courts agrandit notre vie
Traduction:
Editions: Leduc. S

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Je sais bien que je les immortaliserai (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024




    
Je sais bien que je les immortaliserai,
ces moments cruellement mortels.
Tananarive.

Les aiguillons de l’horloge en mon flanc
comme ils sont prompts ou lents Ah!
L’heure me blesse, trop vite tardive,
de ses épines vives.
Quand sonnera l’heure que rien ne tend
dans la suite du temps
l’heure dont les armes ne tourneront
qu’au fond d’un piège rond
d’où nous serons l’un loin de l’autre absents
alors de ce présent
qui me vise et m’écorche et me dépèce
je ferai la caresse
du passé.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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Le monde n’a pas de bout (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration: Tomas Januska
    
Le monde n’a pas de bout
on va de l’autre côté
Pour qui vit de ce côté-là
on est le bout du monde
On peut faire le tour du monde
l’entourer sans le pénétrer

Même très imparfait
on est rond
Si l’on veut forcer le secret
de son image
il faut tourner
autour de ce qu’elle est
mais quelle volonté
quels voyages !

On fait des petits tours, des rondes
et l’on ausculte son endroit
sans le quitter
car le quitter, pourquoi ?
on reviendrait
au même endroit

L’homme ne tourne pas
autour de ce qu’il est
il tourne sur lui-même.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Cette plume qui tournoie
Editions: Gallimard

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CHANT DE NOURRICE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024



Illustration: Edouard Manet
    
CHANT DE NOURRICE
Pour endormir Madeleine.

Dors mon petit pour qu’aujourd’hui finisse,
Si tu ne dors pas, si c’est un caprice,
Aujourd’hui, ce vieux long jour,
Ce soir durera toujours.

Dors mon petit pour que demain arrive.
Si tu ne dors pas, petite âme vive,
Demain, le jour le plus gai,
Demain ne viendra jamais.

Dors mon petit afin que l’herbe pousse,
Ferme les yeux : les herbes et la mousse
N’aiment pas dans le fossé
Qu’on les regarde pousser.

Dors mon petit pour que les fleurs fleurissent.
Les fleurs qui la nuit se parent, se lissent,
Si l’enfant reste éveillé,
N’oseront pas s’habiller.

Mais s’il dort, les fleurs en la nuit profonde
N’entendant plus du tout bouger le monde,
Tout doucement à tâtons,
Sortiront de leurs boutons,

Quand il dormira, toutes les racines
Descendront sous terre au fond de leurs mines
Chercher pour toutes les fleurs
Des parfums et des couleurs.

Les roses alors et les églantines
Vite fronceront avec leurs épines
Leurs beaux jupons à volants
Rouges, roses, jaunes, blancs.

Les nielles feront en secret des pinces
À leur jupe étroite et les bleuets minces
Serreront leur vert corset
Avec un petit lacet.

Les lys du jardin, si nul ne les gêne,
Iront laver leur robe à la fontaine
Et le lin qui fit un voeu
Passera la sienne au bleu.

Les gueules de loup et les clématites
Monteront leur coiffe et les marguerites
Habiles repasseront
Leurs bonnets et leur col rond.

Et quand à la fin toutes seront prêtes
En robes de noce, en habits de fête,
Alors, d’un pays lointain,
Arrivera le matin.

Et saluant toute la confrérie,
Le matin pour voir la terre fleurie,
Du bout de son doigt vermeil
Rallumera le soleil.

Et pour que l’enfant, mon bel enfant sage,
Voie aussi la terre et son bel ouvrage,
Il enverra le soleil
Le chercher dans son sommeil.

Viens, mon petit, viens voir, chère prunelle,
Pendant ton somme, écoute la nouvelle,
Notre jardin s’est levé…
Aujourd’hui est arrivé !

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Editions: Gallimard

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