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Poésie

Posts Tagged ‘halte’

Ne doute pas (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 6 avril 2024




    
ne doute pas
ne doute plus

va ton
non-chemin
en silence

rends-toi sourd et aveugle
pour mieux assurer ton pas

et de temps à autre
fais halte en un poème
où s’accomplit la convergence

(Charles Juliet)

Recueil: Ce pays de silence précédé de Trop ardente et L’Inexorable
Editions: P.O.L.

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Que cherches-tu (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 30 mars 2024



Illustration: Silvia Leveroni Calvi
    
Que cherches-tu
Tu avances erres te traînes renonces repars rebrousses chemin tournes en rond
Ton oeil empli par la nuit tu cherches le lieu
Le lieu où tu serais rassasié
Où se déploierait la réponse
Où bouillonnerait la source
Tu ne sais que marcher
La nuit et la peur te harcèlent
Et aussi la soif
Mais à chaque pas la hantise de faire fausse route
D’accroître encore la distance
Tu cherches le lieu
Le lieu et le nom
Le nom qui saurait tout dire de ce en quoi consiste l’aventure

Tu ne sais où tu vas ni ce que tu es ni même ce que tu désires mais tu ne peux t’arrêter
Et tu progresses
À moins que tu ne t’éloignes
Sans fin tu erres te traînes rampes tournes en rond
Et tu renonces
Et tu repars
Jusqu’à n’être plus qu’épuisement

Survient l’instant où tu dois faire halte
Faire ton deuil du lieu et du nom
Et à l’invitation de la voix définitivement tu renonces t’avoues vaincu
Alors que tu découvres que tu auras chance de trouver ce que tu cherches
si précisément tu ne t’obstines pas à le chercher

Tu repars
Des forces nouvelles te sont venues
Ton oeil qui s’écarquille n’est plus dévoré par la soif
Tu ne sais où tu vas mais tu connais ce que tu es

Tu avances d’un pas tranquille désormais convaincu que le lieu se porte à ta rencontre
Le lieu où mûrir l’hymne la strophe le nom
Où jouir enfin de ce qui s’est jusque-là dérobé

(Charles Juliet)

Recueil: Pour plus de lumière Anthologie personnelle 1990-2012
Editions: Gallimard

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Paix (Yannis Ritsos)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2024




    

Paix

Le rêve de l’enfant, c’est la paix.
Le rêve de la mère, c’est la paix.
Les paroles de l’amour sous les arbres, c’est la paix.
Quand les cicatrices des blessures se ferment sur le visage du monde
et que nos morts peuvent se tourner sur le flanc et trouver
un sommeil sans grief
en sachant que leur sang n’a pas été répandu en vain,
c’est la paix.

La paix est l’odeur du repas, le soir,
lorsqu’on n’entend plus avec crainte
la voiture faire halte dans la rue,
lorsque le coup à la porte désigne l’ami
et qu’en s’ouvrant la fenêtre
désigne à chaque heure le ciel
en fêtant nos yeux aux cloches lointaines des couleurs,
c’est la paix.

La paix est un verre de lait chaud
et un livre posés devant l’enfant qui s’éveille.
Lorsque les prisons sont réaménagées en bibliothèques,
lorsqu’un chant s’élève de seuil en seuil, la nuit,
à l’heure où la lune printanière sort du nuage
comme l’ouvrier rasé de frais
sort du coiffeur du quartier, le samedi soir
c’est la paix

Lorsque le jour qui est passé
n’est pas un jour qui est perdu
mais une racine
qui hisse les feuilles de la joie dans le soir,
et qu’il s’agit d’un jour de gagné
et d’un sommeil légitime, c’est la paix.

Lorsque la mort tient peu de place dans le coeur
et que le poète et le prolétaire
peuvent pareillement humer le grand oeillet du soir,
c’est la paix.

Sur les rails de mes vers,
le train qui s’en va vers l’avenir chargé de blé et de roses,
c’est la paix.

Mes frères,
au sein de la paix, le monde entier
avec tous ses rêves respire à pleins poumons.
Joignez vos mains, mes frères,
C’est cela, la paix.

(Yannis Ritsos)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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Un jour (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024




    
Un jour

Attends-moi, ami, jusqu’au terme de ce jour;
Ce jour si parfait de l’été
Qui me retient de charmes sans fin,
Chaleur, musc des roses, enchantement des lumières.
Je vais m’arrêter, orner mon sein d’une fleur;
Anémone est son nom; elle vient de me tenir
Les plus doux, les plus légers propos qu’entende un coeur.
Je vais sur l’herbe m’allonger
Et plonger mes mains dans l’eau ridée du ruisseau
Puis me retourner, contempler le ciel bleu-blanc,
Et rire, pour écouter le rire des collines.
Je veux de ce jour qu’il soit mien,
Et au dernier baiser du soleil à la terre
Je vous rejoindrai toi et ta sobriété,
J’irai à ta guise, sans halte, sans regret,
Sans même garder sur mon sein la frêle fleur.
Attends seulement le terme de ce jour.

***

One Day

Wait for me friend, until the day be past:
This one most perfect summer day,
That hold me with an hundred varying spells
Of warmth, of rose scents and entrancing lights.
I’ll stop to place this flower on my breast;
‘Tis called anemone, and spake to me but jus, a moment gone
The softest, faintest speech that heart could listen to.
Now will I lie upon the sward
Plunging my hands deep in the rippling brook.
Now turn and gaze into the blue white sky
And laugh, and only laugh to hear the hills laugh back at me.
Let me but call the day my own,
And when the sun’s last kiss bath touched the earth
Then will I join thee on thy sober way
Whither thou wilst—nor linger—nor regret
Nor even keep the little flower at my breast.
Only but wait until the day be past.

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

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Virées à bicyclette (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



Virées à bicyclette

1

Dans le marais où la brume stagne,
Un long son de cloches s’égrenait
De Saint Samson de Dol de Bretagne
Jusqu’au village de La Fresnais.

Nous poursuivions jusqu’à La Gouesnière
Dans les champs, nous griffant les genoux
Et, en trébuchant dans les ornières,
Nous atteignions enfin Saint Guinoux

Suivant le vol lent d’un goéland
Tournant au-dessus d’un lourd chaland,
Nous longions le canal d’Ille et Rance
Où nous poussait notre folle errance.

Nous faisions une halte à Dinan.
Nous buvions quelques fraîches et bonnes
Bolées avec des crêpes bretonnes
Et nous nous embrassions en dînant.

2

Nous circulions dans l’odeur des haies.
Des voiles évoluaient dans la baie.
En grognant, la pointe du Grouin,
Dans la mer, enfonçait son groin.

Un soleil d’or secouait ses élytres
Sur Cancale et le port de la Houle,
Sur sa jetée et ses parcs à huîtres,
Sur Le Vivier et ses parcs à moules.

Le soir nous trouvait à Saint-Servan,
Dégustant un plat d’huîtres verdâtres
Et des sardines grillées dans l’âtre
Une bonne en patois nous servant.

Quand nous sortions, la Tour Solidor
Piquait la nuit dans la poudre d’or
D’un phare qui tournait dans la brume
Sur Cézembre noir, ourlé d’écume.

(Jean-Baptiste Besnard)

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LE TORRENT (Gérard d’Houville)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2023



Illustration
    
LE TORRENT

Un coeur libre ressemble au torrent des montagnes
Impétueux et pur, qui bondit en riant;
Loin du sommet natal tout le ciel l’accompagne,
Il mire tour à tour la nuit et l’orient;

Toujours alimenté par les neiges du rêve
Sous l’écume des jours à jamais transparent,
Limpide, irrésistible, et sans halte et sans trêve,
Un libre coeur ressemble au sauvage torrent.

Que le passant y boive ou que l’azur y sombre,
Toujours renouvelé par sa claire candeur,
Par lui-même lavé des aubes ou des ombres,
Il emporte sans fin sa force et sa fraîcheur.

Toujours précipité d’inaccessibles sources
Seul, quelquefois l’hiver maintient sa belle course,
Mais lorsque un printemps neuf libère tout effort,

Sa puissance innocente en ravage les fêtes,
Et tout gonflé d’orage et de grandes tempêtes,
Il ne se calmera qu’en ta paix, vaste mort!

(Gérard d’Houville)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Foi d’arbre (Dominique Scheder)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2023



Illustration
    
Foi d’arbre

Une halte entre terre et ciel
Vivant, comme les saints,
d’un peu d’eau, d’air,
terre et de lumière.
Abritant en ses branches
L’oiseau
Docile à la volonté des vents
Qui le caressent ou le cassent.
Ses feuilles le fuyant
Squelette seul et sec
Au coeur froid de l’hiver.
II résiste et il croit
– croix de bois –
A la promesse
De vie nouvelle
Colportée
Par son amie
L’hirondelle.

(Dominique Scheder)

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Femme (Georges-Emmanuel Clancier)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2023



Femme

Ton regard était une route blanche
Qui toucha mon front.
Puis je me détachai
D’elle, comme on délaisse les vrais chemins trop beaux
Tendus au fond des heures et de la forêt.

Ta voix venait de l’ombre la plus charnelle,
Ton regard:
La plus grave des ombres autour du sang.

Parler t’ouvrait plus loin que l’amour
Plus loin qu’un fruit dévoré.
Ton regard était par delà
Plaisir
Ou pensée.
Même on sentait glisser et fuir et reculer
Tes souvenirs,
Reculer ton destin.
Chaque mot de lumière m’arrachait à une halte
Pour m’engloutir.

Ta voix venait ainsi,
Ton regard,
Me dénuder jusqu’à la douleur.

Il faut finir ce jour sans rien à finir.
J’ai choisi le silence.
Mes matelots sourds ont ramé,
Mes matelots aveugles,
Sans le savoir, au rythme de ta voix.

(Georges-Emmanuel Clancier)

 

 

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L’AUBERGE DES ERRANTS (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
L’AUBERGE DES ERRANTS

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables,

Et encore et toujours, tel un parfum,
S’étale le clair de lune sur les toits,
Et par les airs, frais et sombres,
Vole l’essaim léger des nuages.

Tout cela existe, est bien réel,
Mais nous, errants, reposons une nuit,
Puis repartons par les champs,
Et nul ne pense plus à nous.

Bien plus tard, des années après peut-être,
Un rêve en nous évoque la fontaine,
La porte et le toit, et comme tout était là,
Et comme maintenant et longtemps encore tout sera là.

C’est en nous un petit jardin familier,
Et pourtant il n’y eut qu’une halte brève,
Un toit étranger pour l’hôte inconnu,
Il ignore la ville et le nom.

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables…

(Hermann Hesse)

 

Recueil: L’Allemagne en Poésie
Traduction: Rémi Laureillard
Editions: Folio Junior

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Là-bas les morts sous les cyprès (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 17 février 2023




    
Là-bas les morts sous les cyprès
sont à l’abri du vent
seuls

on vient parfois avec de l’eau des fleurs
s’asseoir à côté d’eux se recueillir sans bruit
prolonger leurs chemins

une pensée vers nulle part
une halte un moment une fleur sur la pierre

ces sans regard sans voix devenus
ces noms gravés en toi entre deux dates

l’absence là présente
circule comme le sang autrefois
pétales asséchés sur le marbre
les os poussière poussière lourde

coulent en lambeaux les jours
l’un après l’autre
et tout à coup
le chemin tourne court

où l’infini?

s’arrêter sa respiration lâcher
dans la lenteur heures lentes
un feu s’amenuise

un jour le corps
trahit notre confiance

l’innommé nous déborde

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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