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Poésie

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Une fois, presque à la fin de la journée (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023



    

Une fois, presque à la fin de la journée,
elle (ma nourrice) m’a conduite très loin,
au bord du monde, dans un champ mystérieux
où nous avons coupé avec la faucille
de grandes fougères.

Je n’ai jamais retrouvé ce champ.
Il n’avait pas d’entrée.
Mais un bonheur était dedans,
sur le bord du soleil qui allait partir.

Comment étions-nous venues là
toutes les deux,
sans route ni sentier?

*

Quand viendra le soir, au bout des années
Où, l’épaule basse et les yeux rougis,
Je ne serai plus, traînante et fanée,
Qu’une vieille en trop qui vague au logis.

Alors, quand le jour hésite et décline,
Comme une étrangère à jamais qui part,
A jamais… alors, comme une orpheline
Dont le cri n’a plus d’abri nulle part,

Je m’en irai seule avec mon pauvre âge
Qui n’a plus ni chant, ni charme, ni fleur,
Je m’en irai seule à la mort sauvage,
Sans faire alentour ni bruit ni malheur.

J’irai retrouver le pré seul au monde
0ù je traversai, petite, un bonheur
Que nul autre pré ne sut à la ronde,
Le champ oublié de tous les faneurs;

Le champ égaré depuis mon enfance
Que les bois au fond de leur secret noir
Ont si loin serré dans un grand silence
Que nul sentier clair n’a su le revoir.

Là se tient la fleur qui n’est pas sortie
Pour d’autres que moi dans mon prime temps.
Peut-être en ce champ, derrière l’ortie,
Que l’oiseau de l’aube à mi-ciel m’attend?

J’entrerai dedans sans bouquet ni gerbe,
La fleur et l’oiseau perdus y seront.
Je m’enfermerai dans ma chambre d’herbe…
Ce que j’y viens faire, eux seuls le sauront.

…….

Pas à pas le temps faible qui persiste
A battre en mon coeur sans savoir pourquoi
Sortira du monde… Et les feuilles tristes
Qui meurent le soir tomberont sur moi.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Pour toute la beauté (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2023



Illustration: Josephine Wall
    
Pour toute la beauté
Glose divinisée

Pour toute la beauté
jamais ne me perdrai,
sinon pour un je ne sais quoi
qui s’obtient d’aventure.

1.
Saveur d’un bien qui est fini
à rien ne peut arriver d’autre
que de fatiguer l’appétit
et de ravager le palais ;
et ainsi pour toute douceur
moi jamais je ne me perdrai,
sinon pour un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

2.
Le coeur généreux jamais
n’a cure de s’arrêter
là où l’on peut passer
sinon dans le plus difficile ;
rien ne lui cause satiété,
et sa foi monte tellement
qu’il goûte d’un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

3.
Celui qui d’amour est dolent,
par le divin Être touché,
a le goût si transformé
qu’il défaille à tous les goûts ;
comme celui qui a la fièvre,
le manger qu’il voit le dégoûte ;
il désire un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

4.
Ne soyez de cela surpris
que le goût demeure tel,
parce que la cause du mal
est étrangère à tout le reste ;
et ainsi toute créature
se voit devenue étrangère,
et goûte d’un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

5.
Car la volonté étant
touchée par la Divinité,
elle ne peut être payée
sinon par la Divinité ;
mais sa beauté étant telle
que par foi seule elle se voit,
la goûte en un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

6.
Or d’un tel amoureux,
dites-moi si aurez douleur
qu’il n’y ait pareille saveur
parmi tout le créé ;
seul, sans forme ni figure,
sans trouver appui ni pied,
goûtant là un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

7.
Ne pensez pas que l’intérieur,
qui est de bien autre valeur,
trouve jouissance et allégresse
en ce qui donne ici saveur ;
mais par delà toute beauté,
et ce qui est, sera et fut,
là il goûte un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure

8.
Plus emploie son souci
qui veut s’avantager,
en ce qui est à gagner
qu’en ce qu’il a déjà gagné ;
ainsi, pour plus grande hauteur,
moi toujours je m’inclinerai
surtout à un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

9.
Pour cela qui par le sens
peut ici se comprendre,
et tout ce qui peut s’entendre,
fût-il très élevé,
ni pour grâce ni beauté
jamais je ne me perdrai,
sinon pour un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

***

Por toda la hermosura
Glosa a lo divino

Por toda la hermosura
nunca yo me perderé,
sino por un no sé qué
que se alcanza por ventura.

1.
Sabor de bien que es finito,
lo más que puede llegar
es cansar el apetito
y estragar el paladar ;
y así, por toda dulzura
nunca yo me perderé,
sino por un no sé qué,
que se halla por ventura.

2.
El corazón generoso
nunca cura de parar
donde se puede pasar,
sino en más dificultoso ;
nada le causa hartura,
y sube tanto su fe,
que gusta de un no sé qué
que se halla por ventura.

3.
El que de amor adolece,
de el divino ser tocado,
tiene el gusto tan trocado
que a los gustos desfallece ;
como el que con calentura
fastidia el manjar que ve,
y apetece un no sé qué
que se halla por ventura.

4.
No os maravilléis de aquesto,
que el gusto se quede tal,
porque es la causa del mal
ajena de todo el resto ;
y así, toda criatura
enajenada se ve,
y gusta de un no sé qué
que se halla por ventura.

5.
Que, estando la voluntad
de Divinidad tocada,
no puede quedar pagada
sino con Divinidad ;
mas, por ser tal su hermosura
que sólo se ve por fe,
gústala en un no sé qué
que se halla por ventura.

6.
Pues, de tal enamorado,
decidme si habréis dolor,
pues que no tiene sabor
entre todo lo criado ;
solo, sin forma y figura,
sin hallar arrimo y pie,
gustando allá un no sé qué
que se halla por ventura.

7.
No penséis que el interior,
que es de mucha mas valía,
halla gozo y alegría
en lo que acá da sabor ;
mas sobre toda hermosura,
y lo que es y será y fue,
gusta de allá un no sé qué
que se halla por ventura.

8.
Más emplea su cuidado
y así, para más altura,
quien se quiere aventajar
en lo que está por ganar
que en lo que tiene ganado ;
yo siempre me inclinaré
sobre todo a un no sé qué
que se halla por ventura.

9.
Por lo que por el sentido
puede acá comprehenderse
y todo lo que entenderse,
aunque sea muy subido
ni por gracia y hermosura
yo nunca me perderé,
sino por un no sé qué
que se halla por ventura.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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Le pastoureau (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2023




Illustration: Georges Paul François Laurent Laugée
    
Le pastoureau

Un pastoureau, seul, est en peine,
loin de tout plaisir et contentement,
en sa pastourelle la pensée fixée,
et le coeur d’amour très blessé.

Ne pleure pas que l’amour l’ait meurtri,
car il n’a peine ainsi d’être affligé,
bien qu’en son coeur il soit blessé :
il pleure à la pensée de se voir oublié.

Car rien qu’à la pensée d’être oublié
de sa belle bergère, en grande peine,
en terre étrangère se laisse maltraiter,
le coeur de l’amour fort blessé.

Et le pastoureau dit : « Ah ! malheur
à qui de mon amour s’est fait absent,
et ne veux pas jouir de ma présence
et de mon coeur par son amour blessé ! »

***

El pastorcico

Un pastorcico solo está penado,
ajeno de placer y de contento,
y en su pastora puesto el pensamiento,
y el pecho del amor muy lastimado.

No llora por haberle amor llagado,
que no le pena verse así afligido,
aunque en el corazón está herido ;
mas llora por pensar que está olvidado.

Que sólo de pensar que está olvidado
de su bella pastora, con gran pena,
se deja maltratar en tierra ajena,
el pecho del amor muy lastimado.

Y dice el pastorcico : ¡Ay desdichado
de aquel que de mi amor ha hecho ausencia,
y no quiere gozar la mi presencia
y el pecho por su amor muy lastimado!

Y a cabo de un gran rato se ha encumbrado
sobre un árbol, do abrió sus brazos bellos,
y muerto se ha quedado, asido de ellos,
el pecho del amor muy lastimado.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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COMME UN AUTRE DOMAINE (Anne-Marie Kegels)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2023



Illustration: Gennady Privedentsev
    
COMME UN AUTRE DOMAINE

J’étais auprès de toi comme un autre domaine.
Nos versants se touchaient — et nous ne savions plus
si des cieux étrangers frôlaient nos bois perdus.

Des miroirs t’appelaient au creux de mes fontaines,
tu cueillais l’eau vivante ou l’éclair bleu d’un geai.
Je bâtissais des feux sous tes branches pressées.

Sur le noeud des aubiers nos doigts se rencontraient
Nous échangions le vent, des ailes par poignées,
et de longues ciguës qui ombrageaient nos coeurs.

Nous étions deux enfants aux confins de la vie,
plus secrets que des faons, avec des yeux vainqueurs,
à jamais possesseurs de terres agrandies.

(Anne-Marie Kegels)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout

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Y a-t-il en ce lieu (Younous Emré)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2023




    
Y a-t-il en ce lieu
Un étranger pareil à moi
Tête baissée, les yeux en pleurs
Un étranger pareil à moi ?

Par l’Anatolie, la Syrie,
Errant par tous les pays
J’ai tant voulu mais jamais pu trouver
Un étranger pareil à moi.

Que nul ne se fasse étranger
Ne brûle au feu de nostalgie
Maître, que nul ne brûle
En étranger pareil à moi.

Ma langue parle, mon œil pleure
Je me consume pour les étrangers
Au ciel mon étoile est sans doute
Etrangère pareille à moi.

Que je brûle de cette peine !
La mort viendra un jour me prendre
Dans ma tombe je trouverai sans doute
Un étranger pareil à moi.

Ils diront «un étranger est mort»
Ils le sauront trois jours après
A l’eau froide ils le laveront
Cet étranger pareil à moi.

Hé, mon Emré, pauvre Younous,
A ta peine pas de remède
Va maintenant, erre de ville en ville
En étranger pareil à moi.

(Younous Emré)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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PLUIE (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 29 mars 2023




    
PLUIE

Des arbres, des buissons, sans trêve,
Une tiède pluie d’été
Coule ; oh, bonheur, félicité
De retrouver mon soûl de rêve !

Longtemps au soleil je vécus ;
J’en oubliais ce que veut dire
Habiter mon âme en reclus,
Sans que rien d’étranger m’attire.

Je ne veux, ne réclame rien.
Semblable à l’enfant, je chantonne
Et vers mes rêves je reviens
Dont la chaude splendeur m’étonne.

Ô coeur saignant de désespoir,
Vivre en aveugle est joie profonde ;
Ne rien penser, ne rien savoir,
Sentir, sentir, rien d’autre au monde !

***

REGEN

Lauer Regen, Sommerregen,
Rauscht von Büschen, rauscht von Bäumen,
Oh, wie gut und voller Segen,
Einmal wieder satt zu träumen !

War so lang im Hellen draußen,
Ungewohnt ist mir dies Wogen :
In der eignen Seele hausen,
Nirgend fremdwärts hingezogen.

Nichts begehr ich, nichts verlang ich,
Summe leise Kindertöne,
Und verwundert heim gelang ich
In der Träume warme Schöne.

Herz, wie bist du wundgerissen,
Und wie selig, blind zu wühlen,
Nicht zu denken, nicht zu wissen,
Nur zu fühlen, nur zu fühlen !

(Hermann Hesse)

Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti

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L’AUBERGE DES ERRANTS (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
L’AUBERGE DES ERRANTS

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables,

Et encore et toujours, tel un parfum,
S’étale le clair de lune sur les toits,
Et par les airs, frais et sombres,
Vole l’essaim léger des nuages.

Tout cela existe, est bien réel,
Mais nous, errants, reposons une nuit,
Puis repartons par les champs,
Et nul ne pense plus à nous.

Bien plus tard, des années après peut-être,
Un rêve en nous évoque la fontaine,
La porte et le toit, et comme tout était là,
Et comme maintenant et longtemps encore tout sera là.

C’est en nous un petit jardin familier,
Et pourtant il n’y eut qu’une halte brève,
Un toit étranger pour l’hôte inconnu,
Il ignore la ville et le nom.

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables…

(Hermann Hesse)

 

Recueil: L’Allemagne en Poésie
Traduction: Rémi Laureillard
Editions: Folio Junior

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Sourate des paisibles (Khayr al-Din al-Asadi)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2023




    
Sourate des paisibles
(extrait)

Je suis descendu sur ce terrain de jeu
et me suis retrouvé étranger et seul.
Ô Seigneur ! Où sont-ils ceux qui se passionnent
pour la dignité et le bel-agir ?

le déluge s’est déversé, le déluge des épreuves,
ses torrents ont emporté ma maison
excepté le château de mes rêves
chargé de l’auréole des enchantements

je suis sorti de ma peau comme le serpent,
puis j’ai regardé et voici que je suis Lui

j’ai accepté mon isolement
tel le compas qui tourne
sur sa circonférence,
mais le sort me fera à la fin
centre du cercle

la vie n’est que ruines,
rien qu’une poignée de vent,
alors relève tes pans
là où tu vas

(Khayr al-Din al-Asadi)

 

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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Regarder cette divinité sylvestre (Belinda Cannone)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2022



Illustration: Belinda Cannone
    
Regarder cette divinité sylvestre
(façon de lui rendre hommage)
est manière de prière matinale :

devant mon lare,
toute pensée étrangère me quitte,
je glisse en mon for intérieur.
À la fois identique à lui-même
et nouveau par quelque élément changeant,
il m’invite à un exercice quotidien de vigilance.

Attention, concentration, émerveillement :
n’est-ce pas la source de toute poésie ?

(Belinda Cannone)

 

Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir

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La course grinçante de la charrette (Chen Zilong)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2022




Illustration: Shan Sa
    
La course grinçante de la charrette

La vieille charrette pousse ses lamentations stridentes le long du chemin ocre
Et laisse derrière elle des sillons de poussière dans le soir venu.
Un couple l’encadre d’efforts ; il pousse, elle tire.
Où conduiront leurs pas lourds qui les éloignent du foyer ?
La faim ne se laisse pas tromper par les feuilles d’orme que nous mangeons.
Nous espérons une terre qui nous donnera un peu de riz.
La main glacée du vent agite les joncs desséchés.
Mais voilà que surgit au loin une ancienne demeure.
Ils auront peut-être gardé pour l’étranger un coin de table.
La porte est muette, la salle est vide, le feu et la marmite absents.
Ils hésitent sur le seuil ouvert de la route désertée ;
Une pluie de larmes inonde leurs joues creuses.

(Chen Zilong)

(1608-1647)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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