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Poésie

Posts Tagged ‘pourquoi’

SIMPLE COMME BONJOUR (Jacques Prévert)

Posted by arbrealettres sur 25 Mai 2024



    

SIMPLE COMME BONJOUR

L’amour est clair comme le jour
l’amour est simple comme bonjour
l’amour est nu comme la main
c’est ton amour et le mien
pourquoi parler du grand amour
pourquoi chanter la grande vie?
Notre amour est heureux de vivre
et ça lui suffit.

C’est vrai l’amour est très heureux
et même un peu trop… peut-être
et quand on a fermé la porte
rêve de s’enfuir par la fenêtre

Si notre amour voulait partir
nous ferions tout pour le retenir
que serait notre vie sans lui
une valse lente sans musique
un enfant qui jamais ne rit
un roman que personne ne lit
la mécanique de l’ennui
sans amour sans vie!

(Jacques Prévert)

Recueil: Soleil de nuit
Editions: Folio

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Je me surprends à prier (Jean-Claude Pirotte)

Posted by arbrealettres sur 19 Mai 2024



    

je me surprends à prier le dieu que je ne connais pas
rien ne vient de moi suis-je traversé

aucun mouvement d’ailes
mon ange est au diable vauvert
cependant je l’appelle peut-il intercéder

le parfum de l’amie est-il proche ou lointain
en moi tout est incertain

une parole un signe
j’attends je ne suis rien
pourquoi me parlerait-Il

la réponse : il faut y croire ce n’est que réponse humaine
je ne suis pas parieur et j’aimerais tellement l’être

je laisserais les heures se tourner
comme les pages d’un livre interminable en apparence,

le pari serait de le lire ailleurs
sous les yeux de l’Éternel
ce livre commode et lourd

des péchés de la terre
et des joies de la certitude
dont je n’ai pas le secret

(Jean-Claude Pirotte)

Recueil: Plein emploi
Editions: Le Castor Astral

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Navire qui pars pour le lointain (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2024




    
Navire qui pars pour le lointain,
Pourquoi est-ce que, contrairement aux autres,
Je ne ressens pas, une fois disparu, des saudades de toi ?
Parce que quand je ne te vois plus, tu cesses d’exister.
Et si on a la nostalgie de ce qui n’existe pas,
On n’est plus alors en relation avec rien,
Ce n’est pas du navire, mais de nous, que l’on ressent le manque.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Presque hors du ciel (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration: Silvia Leveroni Calvi
    
Presque hors du ciel jette l’ancre entre deux montagnes
la moitié de la lune.
Tournante, errante nuit, la terrassière des yeux.
Que d’étoiles en morceaux à voir dans la flaque.

Elle fait une croix de deuil entre mes sourcils, elle fuit.
Forge de métaux bleus, nuits des luttes silencieuses,
mon coeur tourne comme un volant fou.
Petite venue de si loin, amenée de si loin,
parfois fulgure son regard sous le ciel.

Plainte incessante, tempête, tourbillon de furie,
traverse sur mon coeur, sans t’arrêter.
Ô vent des sépulcres charrie, détruis,
disperse ta racine somnolente.

Déracine les grands arbres de l’autre côté d’elle.
Mais toi, claire petite, question de fumée, épi.
Elle était celle que formait peu à peu le vent
avec des feuilles illuminées.

Derrière les montagnes nocturnes, blanc lys d’incendie,
ah je ne peux rien dire !
Elle était faite de toutes les choses.

Désir violent, toi qui me fendis la poitrine à coups de couteau,
il est l’heure de suivre un autre chemin,
où elle ne sourira pas.

Tempête qui enterra les cloches,
trouble et nouvel essor des tourments
pourquoi la toucher maintenant,
pourquoi l’attrister.

Suivre hélas le chemin qui s’éloigne de tout,
où ne taillade pas l’angoisse, la mort, l’hiver,
avec ses yeux ouverts parmi la rosée.

***

Casi fuera del cielo ancla entre dos montañas la mitad de la luna.
Girante, errante noche, la cavadora de ojos.
A ver cuántas estrellas trizadas en la charca.

Hace una cruz de luto entre mis cejas, huye.
Fragua de metales azules, noches de las calladas luchas,
mi corazón da vueltas como un volante loco.
Niña venida de tan lejos, traída de tan lejos,
a veces fulgurece su mirada debajo del cielo.
Quejumbre, tempestad, remolino de furia,
cruza encima de mi corazón, sin detenerte.

Viento de los sepulcros acarrea, destroza, dispersa tu raíz soñolienta.
Desarraiga los grandes árboles al otro lado de ella.
Pero tú, clara niña, pregunta de humo, espiga.
Era la que iba formando el viento con hojas iluminadas.
Detrás de las montañas nocturnas, blanco lirio de incendio,
ah nada puedo decir! Era hecha de todas las cosas.

Ansiedad que partiste mi pecho a cuchillazos,
es hora de seguir otro camino, donde ella no sonría.
Tempestad que enterró las campanas, turbio revuelo de tormentas
para qué tocarla ahora, para qué entristecerla.

Ay seguir el camino que se aleja de todo,
donde no esté atajando la angustia, la muerte, el invierno,
con sus ojos abiertos entre el rocío.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Lise (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2024



Illustration: Vladimir Volegov
    
Lise

J’avais douze ans ; elle en avait bien seize.
Elle était grande, et, moi, j’étais petit.
Pour lui parler le soir plus à mon aise,
Moi, j’attendais que sa mère sortît ;
Puis je venais m’asseoir près de sa chaise
Pour lui parler le soir plus à mon aise.

Que de printemps passés avec leurs fleurs !
Que de feux morts, et que de tombes closes !
Se souvient-on qu’il fut jadis des coeurs ?
Se souvient-on qu’il fut jadis des roses ?
Elle m’aimait. Je l’aimais. Nous étions
Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons.

Dieu l’avait faite ange, fée et princesse.
Comme elle était bien plus grande que moi,
Je lui faisais des questions sans cesse
Pour le plaisir de lui dire : Pourquoi ?
Et par moments elle évitait, craintive,
Mon oeil rêveur qui la rendait pensive.

Puis j’étalais mon savoir enfantin,
Mes jeux, la balle et la toupie agile ;
J’étais tout fier d’apprendre le latin ;
Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile ;
Je bravais tout; rien ne me faisait mal ;
Je lui disais : Mon père est général.

Quoiqu’on soit femme, il faut parfois qu’on lise
Dans le latin, qu’on épelle en rêvant ;
Pour lui traduire un verset, à l’église,
Je me penchais sur son livre souvent.
Un ange ouvrait sur nous son aile blanche,
Quand nous étions à vêpres le dimanche.

Elle disait de moi : C’est un enfant !
Je l’appelais mademoiselle Lise.
Pour lui traduire un psaume, bien souvent,
Je me penchais sur son livre à l’église ;
Si bien qu’un jour, vous le vîtes, mon Dieu !
Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu.

Jeunes amours, si vite épanouies,
Vous êtes l’aube et le matin du coeur.
Charmez l’enfant, extases inouïes !
Et quand le soir vient avec la douleur,
Charmez encor nos âmes éblouies,
Jeunes amours, si vite épanouies!

(Victor Hugo)

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Une frêle embarcation (Christophe Manon)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2024




    
Une frêle embarcation
dérivant
sur l’océan
sans savoir pourquoi
cherchant une direction
sous le ciel brouillé
voici
(peut-être)
ce que nous sommes
mais le coeur pèse tant
et nous sombrons
dans l’onde
incertaine et trouble
sans recours
adressant de vaines suppliques
à l’ombre
qui se tient dressée
derrière nous.

(Christophe Manon)

Recueil: Provisoires
Editions: NOUS

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Pourquoi (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2024




    
Pourquoi les feuilles occupent-elles le lieu des feuilles
et non celui qui reste entre les feuilles ?
Pourquoi ton regard occupe-t-il le vide qui est devant la raison
et non celui qui est derrière ?
Pourquoi te souviens-tu que la lumière meurt
et par contre oublies-tu que l’ombre meurt aussi ?

Pourquoi s’affine le coeur de l’air
jusqu’à ce que le chant devienne un autre vide dans le vide ?.
Pourquoi ne fais-tu silence à l’endroit même
où mourir est la juste présence
suspendue à l’arbre de sa propre vie ?

Pourquoi ces traits où le corps cesse
et non un autre corps et un autre et un autre ?
Pourquoi cette courbe du pourquoi et non le signe
d’une droite sans fin avec un point dessus ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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JETER DES PIERRES (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



    
JETER DES PIERRES

L’eau avale cailloux avec des gloups amers.
Et tombe en son gosier, régulier et métrique,
Un collier de diamants qu’elle, aussitôt, digère
Pour le régurgiter en serpents concentriques.

L’enfant sempiternel, aux recommencements
De l’onde dans l’eau, fort et impuissant assiste.
De quel droit déranger cet ordonnancement
Du cours d’eau? Allégeance aux choses qui existent!

Passent anneaux, années, mois, semaines, pourquoi
Demeure dans son coeur l’étreinte d’un boa?
Maintenant il se dit que remarquer est trop,

Que noter quelque chose est perturber un centre,
Que même apercevoir est un acte trop gros
De ce qu’il trouble tout de ce dans quoi il entre.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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POURQUOI ? (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



Illustration: Fabienne Contat
    
POURQUOI ?

Pourquoi baissez-vous les yeux
quand je vous prends dans mes bras
que je vous baise le bout des doigts
et que je sens du bout des lèvres
ce frisson de vous à moi

Pourquoi baissez-vous les yeux
Pourquoi ce sourire malicieux
qui me parle de surprise
qui m’obsède et qui m’attise
sous le rideau de vos cheveux

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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Dans la pénombre (Hans Magnus Enzensberger)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024



Illustration: Claude Bordat
    
Dans la pénombre

Quand elle est étendue ainsi,
si entièrement de ce monde,
telle une vache ou une chatte,
sans intention ni remords,
un halo dans la pénombre nimbe
sa peau diaphane.

Tu peux le sentir, le ressens,
quand tu es suffisamment proche,
ce doux rayonnement
d’infrarouge lointain.
Une série de Fourier
que personne ne déchiffre.

Ce n’est qu’un souffle
qui te caresse plus
qu’il ne te touche,
et ne pas savoir pourquoi,
c’est peut-être cela le bonheur.

***

Im Halbschatten

Wenn sie so, vollkommen diesseits
wie eine Kuh oder eine Katze,
plan- und reuelos daliegt,
umgibt ein Halo im Halbschatten
ihre hellschimmernde Haut.

Du kannst es spüren, fühlst,
wenn du ihr nahe genug bist,
diese weiche Strahlung
im ferneren Infrarot.
Eine Fourier-Entwicklung,
die keiner entziffert.

Es ist nur ein Hauch,
der dich mehr berührt
als die Berührung,
und daß du nicht weißt warum
ist vielleicht das Glück.

(Hans Magnus Enzensberger)

Recueil: L’HISTOIRE DES NUAGES 99 méditations
Traduction: de l’allemand par Frédéric Joly et Patrick Charbonneau
Editions: Vagabonde

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