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Posts Tagged ‘collier’

JETER DES PIERRES (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



    
JETER DES PIERRES

L’eau avale cailloux avec des gloups amers.
Et tombe en son gosier, régulier et métrique,
Un collier de diamants qu’elle, aussitôt, digère
Pour le régurgiter en serpents concentriques.

L’enfant sempiternel, aux recommencements
De l’onde dans l’eau, fort et impuissant assiste.
De quel droit déranger cet ordonnancement
Du cours d’eau? Allégeance aux choses qui existent!

Passent anneaux, années, mois, semaines, pourquoi
Demeure dans son coeur l’étreinte d’un boa?
Maintenant il se dit que remarquer est trop,

Que noter quelque chose est perturber un centre,
Que même apercevoir est un acte trop gros
De ce qu’il trouble tout de ce dans quoi il entre.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Quand la neige fond, où va le blanc ? (Mélanie Leblanc)

Posted by arbrealettres sur 9 février 2024




    
Quand la neige fond, où va le blanc ?
Sur les pâquerettes, peut-être ?

Pâquerettes filles de pâques,

foulées au pied
vous êtes pourtant
parmi mes préférées

vous offrez le plus court chemin
vers l’enfance et ses trésors

de mes doigts maladroits
j’essaie toujours de faire
des colliers de pâquerettes
avec les mots

(Mélanie Leblanc)

Recueil: Soleils vivaces vibrent dans nos mains
Editions: Le Castor Astral

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Les rivières (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2023



Illustration: Henri Robert Bresil
    
Les rivières

Sur les terres plates
Où l’empreinte des pas est une plante
Les flamants boivent leurs ombres

Et les morts
Étroits et blancs comme des pierres
Sont les colliers des champs

Ils coulent bout à bout
Longues fleurs sans venin
Tout au long des rivières.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Tout détruire (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
Tout détruire

À huit milliards et plus
L’espèce est au bout du rouleau
Sur une terre qui n’en peut mais

L’épilogue ne fait pas de manières
Et là-dessus en vérité
Il nÿ a plus rien à se dire

Plus rien à penser ni prédire
Si ce n’est qu’à tout détruire
On tire enfin son être du jeu

On entre dans la danse où Shiva
Sous des colliers de neiges
Et d’éclairs

Reprend le chaos à zéro

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

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TOUSSAINT POUR TOI MAMAN (Odette Romeu)

Posted by arbrealettres sur 15 septembre 2023




    

« Puis à l’heure par Dieu choisie
Je partirai pour les grands Cieux
Adieu la terre, adieu la vie
Où l’on ne peut pas être heureux »
Marguerite ORRIT
(1962, juste avant sa mort)

TOUSSAINT POUR TOI MAMAN
A mon père A mon frère A ma tante

Toussaint… et j’omettais de t’envoyer des fleurs
M’en voudras-tu, maman, toi jadis toujours prête
A t’enfuir comme moi vers l’azur des poètes ?
Je pense qu’aujourd’hui l’amertume des pleurs

Qui brouillent mon regard et baignent mon visage
Et cette main qui tremble au long de cette page
Te prouveront assez, qu’après bientôt dix ans,
Je garde au fond du coeur, tranchant comme une lame,

Aussi dense, aussi dur, le souvenir du drame
De cette nuit hagarde où pendant si longtemps
J’ai dû, pâle et glacée, accourir vers ces lieux
Où tu n’étais plus qu’ombre en la clarté funèbre

Des cierges vacillant au milieu des ténèbres,
Toi dont je n’avais pu fermer les pauvres yeux.
Depuis, sourde à la voix d’un cyprès d’où retombent
Des écailles tissant un linceul clairsemé,

Tu dors : un cyclamen, quelques glaïeuls, des tombes…
Et sur ce clou profond mon coeur s’est refermé.
Pourtant je ne crois pas qu’un mur longtemps résiste

Même si c’est la Mort, aux assauts de l’Amour
Et j’entrevois en songe un collier d’améthyste
Où tu luiras pour moi, plus pure encore, un jour.

Mais avant, que d’écueils, mais avant, que de larmes
Sur ma route d’exil je devrai rencontrer.
Dis, toutes ces douleurs, dis, toutes ces alarmes,
Si l’amour jusqu’à toi les force à pénétrer,

A travers ce linceul dont nous t’avions drapée
Ne les ressens-tu pas encor comme une épée ?
Et n’as-tu pas encor, graves et triomphants,
Des mots mélodieux pour bercer ton enfant ?

Quand mon corps se révolte à l’acmé de sa fièvre,
N’est-ce pas toi qui clos d’un doigt tendre mes lèvres ?
Ce bleu vers le zénith, dis, n’est-ce pas ta main
Dans l’arc-en-ciel mouvant, qui montre le chemin ?

Et pour que n’erre plus mon âme solitaire,
N’as-tu pas fait reluire un nouveau sanctuaire ?
Toi qui me chérissais si maladroitement,
Prête à donner ta vie afin que je renaisse,
Toi qui voyais le monde à travers un tourment,
Qui m’irritais parfois à force de tendresse,

A force de vouloir, éperdument, mourir,
De trop scruter le ciel sans regarder à terre,
De trop heurter du pied, à chaque pas, des pierres,
Toi que dans mon oubli je n’ai pas su fleurir
De ces roses, miroir de ton âme rêveuse
Où tes yeux auraient vu passer ma main pieuse,

En ce jour de Toussaint où croulent tant de fleurs,
Où tant de marbre luit sous tant de chrysanthèmes,
De mes doigts sans bouquet recueille ce poème
Où chaque rose perle et tremble comme un pleur.

(Odette Romeu)

Recueil: Sur les rives du Jourdain
Editions: émergences

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SOUFFLE D’OUEST (Pierre Reverdy)

Posted by arbrealettres sur 30 août 2023




    
SOUFFLE D’OUEST

Les paroles distribuées au vent
Les perles du collier
et la main sous le gant
Au soir l’étoile tremble
Un oeil s’ouvre en passant
Je ne connais personne
La nuit vient en courant
Et tout ce qui m’égale fuit dans le même sens

Derrière c’est la peur qui pousse
Tout le monde est pressé
La voiture qui roule
L’eau blanche qui s’étend
La vague des visages
Les mains
Rien
Aucune ombre ne calme cet élan

Les remous près du sol s’éteignent
Dans l’axe la matière vive et tout le temps
Le tour de la maison
du monde
Jusqu’à l’appui fermé plus tard à l’horizon

 

(Pierre Reverdy)

Recueil: Main d’oeuvre 1913-1949
Editions: Gallimard

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O mère, le jeune Prince doit passer devant notre porte (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 4 juillet 2023




    

O mère, le jeune Prince doit passer devant notre porte.
Comment pourrais-je travailler ce matin ?
Apprenez-moi à natter mes cheveux ;
dites-moi quel vêtement je dois mettre.

Pourquoi, mère, me regardez-vous avec étonnement ?

Je sais bien qu’il ne jettera pas un regard à ma fenêtre ;
je sais qu’en un clin d’œil, il disparaîtra
et que seuls les sanglots de sa flûte lointaine
viendront mourir à mon oreille.

Mais le jeune Prince passera devant notre porte
et je veux, pour cet instant,
mettre ce que j’ai de plus beau.

O mère, le jeune Prince a passé devant notre porte
et le soleil du matin étincelait sur son char.
Je me suis dévoilée ;
j’ai arraché mon collier de rubis de mon cou
et je l’ai jeté à ses pieds.

Pourquoi, mère, me regardez-vous avec étonnement ?

Je sais qu’il ne ramassa pas mon collier ;
je sais que mon collier fut écrasé sous les roues de son char,
laissant une tache rouge sur la poussière ;
personne n’a su ce qu’était mon présent ni à qui il était offert.

Mais le jeune Prince a passé devant notre porte
et j’ai jeté sur son chemin
le joyau de mon coeur.

***

La lampe s’était éteinte prés de mon lit ;
au matin je m’éveillai avec les oiseaux.
Je m’assis à ma fenêtre ouverte
et entourai mes cheveux défaits
d’une couronne de fleurs.

Le jeune voyageur vint le long de la route
dans la brume rosée du matin.
Un collier de perles était à son cou
et les rayons du soleil brillaient sur sa couronne.
Il s’arrêta devant ma porte
et ardemment me demanda : « Où est-elle ? »

Honteuse, je ne pus lui dire :
« Elle, jeune voyageur, c’est moi, c’est moi. »

Le jour tombait et la lampe n’était pas allumée.
Distraitement, je tressais mes cheveux.
Le jeune voyageur vint sur son char
dans le rayonnement du soleil couchant.
Ses chevaux écumaient et son vêtement était couvert de poussière.
Il descendit à ma porte
et demanda d’une voix fatiguée : « Où est-elle ? »

Honteuse, je ne pus lui dire :
« Elle, voyageur lassé, c’est moi, c’est moi. »

Par une nuit d’avril, la lampe brûle dans ma chambre.
La brise du sud souffle doucement.
Le bruyant perroquet dort dans sa cage.
Mon corsage a la couleur d’une gorge de paon
et mon manteau est vert comme de la jeune herbe.
Je suis assise à terre près de la fenêtre,
surveillant la rue déserte.

A travers la nuit sombre, je murmure constamment :
« Elle, voyageur désespéré, c’est moi, c’est moi ! »

(Rabindranath Tagore)

Recueil: Le Jardinier d’Amour
Editions: Gallimard

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A la belle étoile (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2023



etoile
La nuit qui joue des cils
à la branche d’un arbre oublie son collier
tes pas suivront-ils
le silence et l’amour qui vont nous en lier ?

(Daniel Boulanger)

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LES FILLES DES GOBES (André Pieyre de Mandiargues)

Posted by arbrealettres sur 9 mars 2023



 

Kristine Kvitka [1280x768]

LES FILLES DES GOBES

Dans un de ces jours-là qui sont pâles et gris
Comme les flancs humides de la craie
Dans le jour gris d’une marée de novembre
Qui attire très loin le bord bruissant de l’eau
Un homme inquiet regarde le ciel noir
Entre les découpures de la crête de marne
Au-dessus de la crête le ciel sombre où passent
Des voiliers d’oies sauvages en route vers le sud.

Il faut descendre encore un peu parmi les éboulis
Aller sur le chemin des ramasseurs d’épaves
De l’autre côté d’un tas rocheux où le pied glisse
Passer un cailloutis où des charognes pourrissent
Pour la joie des crabes verts à marée haute
Là-bas se trouve une grève secrète
Murée de blocs précipités jadis
Solitaire entre toutes les plages de ce rivage désolé.

Nous vîmes là dans un matin de fin d’automne
Trois filles de la mer qui dansaient tristement
Pâles aussi couronnées de varech
Nues comme la craie soumise à l’érosion.

Leurs cheveux ondulaient sur leurs épaules maigres
Comme les laminaires flottant aux creux des Haumes
Leurs ventres plats remuaient des croûtes de sable
Avec des mousses marines rouges et roses.

La plus belle portait un long collier d’or
Toutes trois apportaient le grand froid de la mort.

Trois filles nues battues du vent du nord
Le sel brillait au bout de leurs menus seins gris
Leurs pieds dans l’eau faisaient un clapotis
Monotone. Et la mort habitait leurs yeux clairs.

Froides filles accrues aux trous de la falaise
En quelque vieux nid de pygargue
Elles se paissent de moules crues et d’algues
Pêchées à mer basse
L’iode seul court dans leurs veines.

Quand le vent chasse la brume du matin
Déroulée comme un suaire en lisière du ciel
Quand le vent du nord hérisse de glaçons
Les rets blonds des parcs qui sèchent sur les pieux
Les filles des falaises sortent de leurs cavernes
Dans un tourbillon de plumes blanches.

Aux cris des guillemots et des grèbes
Les filles des falaises dansent devant les gobes.

(André Pieyre de Mandiargues)

Illustration: Kristine Kvitka

 

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PRÉSENCE (Pierre Gamara)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2023




    
PRÉSENCE

Ne bouge pas. Écoute.
Quelqu’un viendra ce soir,
Peut-être…
Les rideaux se balancent.
Le ciel est plein de fraises
Et de lis.

Écoute les paroles
De la brise, écoute
Les longs murmures
Du crépuscule,
Écoute les chansons bleues
Des arbres,
Les silences de la rue.

Ne bouge pas. Regarde.
Quelqu’un viendra ce soir,
Peut-être.
Une porte a gémi
Avec finesse.

Regarde au fil des rues
Les colliers des feux rouges.
Toutes les voitures
S’éloignent
Vers des maisons de velours noir.
Regarde. Les portes de l’ombre
Vont s’ouvrir.

(Pierre Gamara)

 

Recueil: Noël en poésie
Editions: Folio Junior

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