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Poésie

Posts Tagged ‘éteint’

L’AVENTURIER (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023




    
L’AVENTURIER

Dans le noeud bleu des veines
que voile une peau tendre
il vit une carte des fleuves ;
combien il désirait
ces courants bleus ! S’y rendre
sans retour désormais !

Au souffle de la bouche
qui effleura son visage
il sut le sel des mers.
Là-bas, une tempête bouge
et, hors des livres des mages,
passe un songe fiévreux.

Les serpents, leurs danses : il sait ;
le venin vint d’une lèvre
quand chantonna la flûte.
Abattu, accablé,
dans le demi-jour lunaire
il rentrait par la suite.

Et combien de ses rêves
dans un sein se sont éteints ;
les rires lui étaient pleurs,
les larmes, elles, étaient gaies.
Le doigt tremblait, discret,
contre le tambourin.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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Je suis (Grégory Rateau)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2023



Illustration: Mario Cossu

    

Je suis

Je suis ce gamin lancé dans le monde
cherchant « la maison » partout
où les sourires se souviennent encore

Je suis cette langue exilée
dont l’héritage en fuite
le retient par la peau du Verbe

Je suis cette cigarette de trop
et qui, une fois éteinte
attend sagement de nouvelles brumes

Je suis cet être en chantier
à la recherche du frère ou de la sœur
passant outre les quelques miettes de sang

Je suis cette raison vacillante
accoquinée aux maudits
mais se refusant à partager leurs tristes sorts

Je suis ce bohémien avide de sensations
aveuglé par ses chimères
mais s’accrochant désespérément à une branche d’éternité

Je suis cet imposteur
dont la lucidité vengeresse
lui désigne la blessure du soleil

(Grégory Rateau)

Recueil: Imprécations nocturnes
Traduction:
Editions: Conspiration

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BRUITS (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 13 janvier 2023



 


    
BRUITS

La nuit
Parfois
S’anime
Du clapotis de l’eau
Et des sanglots du vent
Vibrante, comblée
Par cet étrange bruit
Je brûle soudain
Pour un feu qui
S’embrase
Puis pour me recueillir
Je brûle
Pour le silence glacé
D’un feu éteint.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion

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UNE PIERRE (Yves Bonnefoy)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2022




    
UNE PIERRE

Le jour au fond du jour sauvera-t-il
Le peu de mots que nous fûmes ensemble ?
pour moi, j’ai tant aimé ces jours confiants, je veille
Sur quelques mots éteints dans l’âtre de nos coeurs.

(Yves Bonnefoy)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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Cirque (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2022




    
Cirque

Le poète n’est pas quelqu’un, il est bête chose
Qui de la geôle ou la cage a vagabondé
Et il parcourt le monde en cabriolant,
Souvenir du cirque qu’il a inventé.

Il étend sur le sol la cape qui le découvre,
Fait de la poitrine le tambour, et roule, saute,
Il est ours danseur, singe savant,
Oiseau torse du bec et échasse.

Pour finir il joue la fanfare du poème,
Grosse caisse, basson, notes écorchées,
Et parce que bête il est, bête il reste là
A chanter pour les étoiles éteintes.

***

Circo

Poeta não é gente, é bicho coiso
Que da jaula ou gaiola vadiou
E anda pelo mundo às cambalhotas,
Recordadas do circo que inventou.

Estende no chão a capa que o destapa,
Faz do peito tambor, e rufa, salta,
E urso bailarino, mono sábio,
Ave torta de bico e pernalta.

Ao fim toca a charanga do poema,
Caixa, fagote, notas arranhadas,
E porque bicho é, bicho lá fica,
A cantar às estrelas apagadas.

(José Saramago)

 

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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Frissons (Émile Nelligan)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2022




    
Frissons

Aux becs de gaz éteints, la nuit, en la maison,
Ils prolongent souvent des plaintes éternelles;
Et sans que nous puissions dans leurs glauques prunelles
En sonder la sinistre et mystique raison.

Parfois, leur dos aussi secoue un long frisson;
Leur poil vif se hérisse à des jets d’étincelles
Vers les minuits affreux d’horloges solennelles
Qu’il écoutent sonner de bizarre façon.

(Émile Nelligan)

Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus

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Une brise aiguise les aiguilles de pin (Chingak)

Posted by arbrealettres sur 18 janvier 2022



Illustration: Bang Hai Ja Ciel-Terre
    
Une brise aiguise les aiguilles de pin
Monte la tristesse profonde et lointaine
La lune roule sur les vagues de mon coeur
Dans mon esprit un cristal de silence
Écoute et regard, reflets d’un miroir
Je flâne en pinçant les cordes de mon coeur
Là où l’écho s’évanouit, s’épanouit la méditation
Coeur apaisé, cendres éteintes

(Chingak)

Recueil: Les mille monts de lune Poèmes de Corée
Traduction: Sunmi Kim
Editions: Albin Michel

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Visages (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2022



Illustration: Marie-Paule Deville Chabrole
    
Visages qui apaisent

Visages qui ne sont que refus

Visages au regard éteint

Visages que verrouille la timidité

Visages qui inquiètent

Visages creusés par la faim

Visages qui ouvrent la porte
sur une amitié

Visages vides qui ne laissent
pressentir aucun arrière-pays

Visages dévastés par la maladie

Visages empreints d’une bonté
qui réchauffe

Visages durcis par la haine

Visages où demeurent les traces
du combat qui les a pacifiés

Visages qui vous font
vous rétracter

*

Visages trop lisses
sur lesquels rien ne se lit

Visages dont la dureté
vous glace vous scelle les lèvres

Visages douloureux
où affleure un secret
qu’on aimerait connaître

Visages et regards
de ceux qui sombrent

Visages qu’un excès de souffrance
a figés à jamais
au-delà du désespoir

Visages à l’expression
décidée et hautaine

Visages qui rayonnent
une douce lumière
et dont on garde le souvenir

Visages compassés
façonnés par les conventions

*

Visages qui consentent
au regard qui les pénètre

Visages las impavides
revenus de tout

Visages d’enfants
d’une grâce infinie

Visages concentrés
à l’écoute
du murmure intérieur

Visages dont la beauté
émerveille

Visages qui vous ouvrent
vous dilatent
vous aimantent

Visages visages visages

Une des grandes et inépuisables
richesses de la vie

(Charles Juliet)

Recueil: Pour plus de lumière anthologie personnelle
Traduction:
Editions: Gallimard

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Fillettes (Attila Jozsef)

Posted by arbrealettres sur 1 mai 2021



Fillettes

En longue file, viennent et vont
Les diablotins, mes petites saintes;
Et c’est du chaud pain frais que leur front –
Yeux de charbon, braises de charbon
Encor non éteintes.

En longue file, viennent et vont,
Et leurs amours aux fleurs sont pareilles;
Comme muguets aiment les garçons –
Vont aux garçons comme grives vont
Aux raisins des treilles.

En longue file, viennent et vont,
Même pleurantes, ne font que rire;
Lointaines sont, et lointaines vont –
Ainsi l’on voit, par les soirs trop bons,
Les étoiles luire.

(Attila Jozsef)


Illustration: Jean-Honoré Fragonnard

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J’AI VU (Louise de Vilmorin)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2020



J’AI VU

J’ai vu plus d’un adieu se lever au matin,
J’ai vu sur mon chemin plus d’une pierre blanche,
J’ai vu parmi la ronce et parmi le plantain
Plus d’un profil perdu, plus d’un regard éteint
Et plus d’un bras, la nuit, que me tendaient les branches.

Par le calme et la pluie et le souffle du vent
J’ai vu passer les mots qu’un baiser accompagne.
J’ai vu ces baisers-là s’en aller au couvent
Et dans le flot des lacs où le temps va, rêvant,
J’ai vu plus d’un noyé dont je fus la compagne.

J’ai vu tous mes regrets guetter mon avenir,
L’amour me délaisser pour une autre nature
Mon coeur, mal estimé, de loin me revenir
Et ce coeur me rester pour battre ma mesure.

Ces mains, ces yeux, ces bras où passa mon destin
Ces profils éperdus ne pesant plus une once,
Je les revois dans l’onde et l’arbre et le plantain
Et je vois mon destin dans l’entrelacs des ronces.

(Louise de Vilmorin)

 

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