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Poésie

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J’aime imaginer (Julien Baer)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023



Illustration: Guy Borremans
    
J’aime imaginer

Quand tes dix doigts d’un geste lent effleurent la soie
Ou se dessinent
Tes seins que tu frôles à présent d’un air absent
Qui me fascine

Un miroir où tu te vois naître et disparaître
Qui te résume
Allongée sur le lit défait, les draps froissés
Tu te consumes

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Laisse aux passants aux autres gens quelques indices
Pour qu’ils espèrent
Je n’ai besoin de presque rien pour dans le noir
Voir la lumière

Et s’ils veulent savoir où tu vis, ce que tu dis
A quoi tu penses
Il me suffit de t’inventer et en un éclair
Tout recommence

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Je vois souvent ce qui n’est pas, ce qui s’esquisse
Encore à peine
Je vois du sang sur le mur blanc et même libre
Je vois mes chaînes

Et si tu pars vers d’autres quais, d’autres idées
Une autre histoire
Pour moi tu n’as jamais vraiment, même un instant
Quitté la gare.

(Julien Baer)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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AU TEMPS PRÉSENT (Henrique Huaco)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2023




    
AU TEMPS PRÉSENT

Au crépuscule je me lève et m’envole
dans ma grande chemise d’ange
au-dessus de la terre ;
je vole sur les fleuves et les arbres,
je vole sur le bois tendre et fragile
des paliers de ce monde.

Mais mes yeux restent fermés.
Ma bouche à peine montre la tristesse,
pour les humbles jours de terreur qui m’attendent
derrière et devant moi,
comme un grand pont.

Penché sur le bord de ce fleuve à Paris
appelé la «Seine»,
celui qui va aux marchés
les matinées du Samedi
transportant la cendre et la lumière d’autres temps,
je me suis retourné pour me deviner
plus clairement dans l’eau.

Peut-être je me suis perdu,
comme disent les bonnes gens.
Peut-être je me suis perdu
en bougeant la tête,
en secouant la manche de chemise,
en retournant la chaussure
multipliant mon ombre
sur la terre
à chaque geste, chaque mot,
avec la voix qui s’éloigne
et la voix qui revient
sur ce miroir d’eaux.

Nous imaginons des anges et des voix,
nous imaginons des bois et des visages
au travers de l’obscurité
sans personne qui grandit,
au travers du linceul
que jours et nuits nous imposent
avec leurs quatre saisons,
leurs jours, leurs mois,
leurs heures.

Mais où est la grâce ?
En regardant dans quelle direction
au-dessus ou au-dessous de moi ?
Mais où est la grâce ?

Je suis suspendu
sans ombre entre les doigts,
sans ombre aux semelles,
espérant qu’ils m’empoignent
pour entendre.

***

EN EL TIEMPO PRESENTE

Al anochecer me levanto y vuelo
en mi gran camisón de ángel
sobre la tierra;
vuelo sobre los ríos y los árboles,
vuelo sobre la madera tierna y fácil
de los pisos de este mundo.

Pero mis ojos permanecen cerrados.
Mi boca apenas muestra la tristeza,
po los días humildes de terror que me aguardan,
detrás y delante de mí,
como un gran puente.

Reclinado al borde de ese río en París,
llamado «La Seine »,
aquel que va a los mercados
en las mañanas del sábado
trayendo la ceniza y luz de otros tiempos,
me he volteado para adivinarme
más claramente sobre las aguas.

Acaso me he perdido,
como dicen las buenas gentes.
Acaso me he perdido
moviendo la cabeza,
sacudiendo la manga de la camisa,
doblando el zapato,
multiplicando mi sombra
sobre la tierra
con cada gesto, cada palabra,
con la voz que se aleja
y la voz que regresa
sobre este espejo de aguas.

Imagínamos ángeles y voces,
imaginamos bosques y rostros
a través de la oscuridad
sin gente que crece,
a través de la mortaja
que los días y las noches nos imponen
con sus cuatro estaciones,
sus días y sus meses,
sus horas.

Pero dónde está la gracia ?
Y mirando hacia qué lado,
encima o debajo de mí?
Pero dónde está la gracia ?

Estoy suspendido
sin sombra entre los dedos,
sin sombra en las suelas,
esperando que me empujen
para oír.

(Henrique Huaco)

Recueil: La peau du temps
Traduction: Anne-Marie Vindras
Editions: des Crépuscules

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Quand tu passes à côté de moi (Heinrich Heine)

Posted by arbrealettres sur 14 mars 2023



Illustration: Alfred James Munnings
    
Quand tu passes à côté de moi,
Il suffit que ta robe me frôle,
Mon coeur te chante sa joie et plein de fougue
S’élance sur les traces de ta beauté.

Alors tu te retournes et me regardes
Longuement de tes grands yeux,
Et mon coeur en est tant effrayé
Que c’est à peine s’il peut te suivre.

(Heinrich Heine)

Recueil: Nouveaux poèmes
Traduction: Anne-Sophie et Jean Guégan
Editions: Gallimard

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Ah ! J’ai la nostalgie de larmes (Heinrich Heine)

Posted by arbrealettres sur 14 mars 2023




    
Ah ! J’ai la nostalgie de larmes,
De larmes d’amour, douces à souffrir,
Et je crains que cette nostalgie
Ne finisse par être exaucée.

Ah ! La douce misère de l’amour
Et de l’amour l’amer plaisir
Se glissent à nouveau, tourments divins,
Dans ma poitrine à peine guérie.

(Heinrich Heine)

Recueil: Nouveaux poèmes
Traduction: Anne-Sophie et Jean Guégan
Editions: Gallimard

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Se peut-il qu’aujourd’hui le monde? (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 17 février 2023



Illustration
    
se peut-il qu’aujourd’hui le monde?
comme si l’on ne savait pas
que l’on n’était qu’un peu de temps
semé entre terre et ciel

avec juste l’art et l’amour en bagage
dans l’éphémère superbe des couleurs

du rouge flamboyant des tulipes
à la calligraphie des hirondelles
s’effaçant à peine tracée dans le bleu

ou même la légèreté blanche si blanche
des flocons de neige
ces instants glacés suspendus dans l’air
qui retombent sans bruit pour mourir

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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Rêves déchus fleurs coupées (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2023



Illustration
    
Rêves déchus fleurs coupées
langue morte dans le deuil des chambres

plus d’incendie de gares départs fougueux
plus d’après

dans notre dos l’invisible grignote
sans trace d’infini

à peine un bruit de pas enfoncés dans le sable
en sourdine une mélodie
vestige des notes d’avant

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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La forme de ma pensée (Lokenath Bhattacharya)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2022




    
La forme de ma pensée

Cette chambre est fermée de tous côtés.
Cependant, un éclair l’a traversée.
Il me semble du moins en avoir aperçu un.
Ou est-ce la merveilleuse réalité
que nous percevons de l’endroit où nous sommes ?
Cet éclair, est-il désormais
ailleurs, hors d’ici ?

Est-ce chose possible ?
Il n’y a en ce lieu aucun passage.
Et les vitres des fenêtres sont couvertes d’épais rideaux.
Cela ne fut-il qu’une intime illusion?
Cet éclair, n’est-il passé qu’en moi?

Ce malentendu entre dedans et dehors
m’a fait entendre un grondement violent.
Pendant qu’en ce vide obscur
la respiration est à peine sensible,
un silence imperturbable demeure
couché et endormi à mes pieds sur lui : un couvre-pied.

Ce frémissement, qui a parcouru coins et recoins de ce lieu,
a provoqué dans les forêts environnantes un cri de douleur soudain,
audible jusqu’à cette chambre si bien fermée,
cri apparu pour s’éteindre aussitôt, sans disparaître pour autant.

Les rayons, qui pénétrèrent et lacérèrent cet instant fragile,
se sont enfuis et s’enfuient encore,
vers le haut et le bas, le nord, le sud.
S’agit-il du vaste ciel où je me tiens assis maintenant?
Quelle étrange vision pour mes yeux clos !

Mon siège tourne, et en tournant
m’entraîne dans une orbite circulaire,
planète au mouvement semblable
à des milliers d’autres en cet espace infini.

Est-ce donc ainsi la forme de ma pensée,
ainsi ce monde :
un royaume céleste dans la chambre ?

***

(Lokenath Bhattacharya)

Traduction de l’auteur et de Marc Blanchet

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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C’est un bruissement à peine (Jacques Ancet)

Posted by arbrealettres sur 19 octobre 2022




    
C’est un bruissement à peine.
Une sorte de vibration fixe
venue de là-haut ou d’en bas,
on ne sait pas.

Avec un ciel de craie
et des visages noirs à contre-jour.
Et des cris soudain, des rires.

Et des phrases qui s’en vont,
qu’on n’a pas su comprendre.
Ou qu’on a mal entendues.
Qu’on a oubliées, déjà.

Seul est resté le silence
et, très loin,
comme au bord,
ce qui ne se tait pas.

***

Et puis, oui, on est au bord.
On ne voit rien, mais on y est.
Le passé vient par bouffées.
Comme poussé par un vent violent.
Tenir, dit-il, que faire d’autre ?
La main touche la main.
Elle y sent battre le coeur.

***

On poursuit comme on peut.
Le jour est froid, le futur une brume immobile.
Rien qui en sorte, sauf peut-être une ombre venue des yeux
et qui se déplace sans jamais prendre forme.
Quant au présent,
il tient comme en équilibre sur la pointe d’un pied.

***

En attendant, lève-toi.
Ouvre les mains.
Laisse tomber ce que tu portes.
Ne garde que ta vie.
Une brassée d’air.
Et rien.

(Jacques Ancet)

Recueil: L’âge du fragment
Traduction:
Editions: AENCRAGES

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Une libellule bleue (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 19 août 2022



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   &nbsp
Une libellule bleue
Se pose sur mon bouchon
A peine l’eau frissonne

(Anonyme)

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Beaucoup ne verront plus… (Cécile Périn)

Posted by arbrealettres sur 4 juillet 2022




    

Beaucoup ne verront plus…

Beaucoup ne verront plus palpiter la lumière,
Ni l’éclat délicat des matins de printemps.
Un doux soleil entr’ouvre en vain les primevères ;
Je pense aux jeunes morts qui n’avaient pas vingt ans.

Le destin les coucha dans l’ombre, à peine en vie.
Et les vieillards et les femmes regarderont,
La flamme vacillant dans ces mains engourdies,
S’éteindre les divins flambeaux ; — et survivront.

Mais ils ne pourront plus connaître cette ivresse
Qui les envahissait, jadis, au temps joyeux.
Pour un rayon posé sur les pousses qui naissent,
Pour un jeune arbre en fleur, pour un pan de ciel bleu.

Ils n’auront plus jamais l’exaltation douce
De ceux que la beauté seule autrefois rythmait.
Leur coeur se souviendra de l’horrible secousse
Quand l’oubli s’étendra sur les jardins de Mai.

(Cécile Périn)

 

Recueil: Poésie au féminin
Traduction:
Editions: Folio

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