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Poésie

Posts Tagged ‘cime’

Fontaine (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




Cette heure-ci a la forme d’une pause
La pause a ta forme
Et toi la forme d’une fontaine
non pas d’eau mais de temps
A la cime du jet
volent mes éclats
le je fus le je suis le je ne suis pas encore
Ma vie ne pèse pas
Le passé s’amenuise
Le futur est à peine un peu d’eau dans tes yeux

***

Esta hora tiene la forma de una pausa
La pausa tiene tu forma
Tú tienes la forma de una fuente
no de agua sino de tiempo
En lo alto del chorro de la fuente
saltan mis pedazos
el fui el soy el no soy todavía
Mi vida no pesa
El pasado se adelgaza
El futuro es un poco de agua en tus ojos

(Octavio Paz)

Illustration: Edouard Debat-Ponsan

 

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LE SOIR (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024



Illustration
    
LE SOIR

Heure incertaine, heure charmante et triste : les roses
Ont un sourire si grave et nous disent des choses
Si tendres que nos coeurs en sont tout embaumés ;
Le jour est pâle ainsi qu’une femme oubliée,
La nuit a la douceur des amours qui commencent,
L’air est rempli de songes et de métamorphoses ;
Couchée dans l’herbe pure des divines prairies,
Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis,
La vie offre ses lèvres aux baisers du silence.

Heure incertaine, heure charmante et triste : des voiles
Se promènent à travers les naissantes étoiles
Et leurs ailes se gonflent, amoureuses et timides,
Sous le vent qui les porte aux rives d’Atlantide ;
Une lueur d’amour s’allume comme un adieu
À la croix des clochers qui semblent tout en feu
Et à la cime hautaine et frêle des peupliers :
Le jour est pâle ainsi qu’une femme oubliée
Qui peigne à la fenêtre lentement ses cheveux.

Heure incertaine, heure charmante et triste : les heures
Meurent quand ton parfum, fraîche et dernière fleur,
Épanche sur le monde sa candeur et sa grâce :
La lumière se trouble et s’enfuit dans l’espace,
Un frisson lent descend dans la chair de la terre,
Les arbres sont pareils à des anges en prière.
Oh ! reste, heure dernière ! Restez, fleurs de la vie !
Ouvrez vos beaux yeux bleus déjà presque endormis…

Heure incertaine, heure charmante et triste : les femmes
Laissent dans leurs regards voir un peu de leur âme ;
Le soir a la douceur des amours qui commencent.
Ô profondes amours, blanches filles de l’absence,
Aimez l’heure dont l’oeil est grave et dont la main
Est pleine des parfums qu’on sentira demain ;
Aimez l’heure incertaine où la mort se promène,
Où la vie, fatiguée d’une journée humaine,
Entend chanter enfin, tout au fond du silence,
L’heure des songes légers, l’heure des indolences !

(Rémy de Gourmont)

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Lointaine cime (Takahama Kyoshi)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2024



Lointaine cime
Que frappe le soleil
Terres dénudées.

(Takahama Kyoshi)

Illustration: Li Kou-tch’an

 

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LE PAYSAGE (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
LE PAYSAGE

Cet homme à l’habit sombre
porte aux pieds des bottines hâves
où montent des insectes fins
les moellons de la maison
sont par le dur ciment liés
il grandit le hêtre rouge
le paysage est celui
où se déroulera
une bataille d’étrangers
dont l’air charriera les bruits
dans cette campagne altérée
où tremblent à peine les cimes.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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Sur les murs du Bois de l’Ouest (Sou-Tong-Po)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2024




    
Sur les murs du Bois de l’Ouest

Un regard d’horizon pour les cols,
un regard de ciel pour les cimes.
Haut et bas, proche et lointain
ne se ressemblent pas.
J’ignore le vrai visage du mont Lou –
Je sais seulement que j’y suis.

(Sou-Tong-Po)

Recueil: La montagne vide Anthologie de la poésie chinoise (IIIè – XIè siècle)
Traduction: Patrick Carré et Zéno Bianu
Editions: Albin Michel

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Encore plus exilé de toi (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024




    
Encore plus exilé de toi par la neige.
Vint un oiseau muet se poser sur le seuil — pourquoi ? —
et s’envola.
Fleury-en-Bière.

Il a neigé sur la maison
c’est l’air et le silence immenses
de la cime, et c’est l’horizon
des oublis que l’aube ensemence.

Il a neigé sur l’avenue
c’est la plage démesurée
sans une empreinte, toute nue
après l’étreinte des marées

Il a neigé sur les allées
c’est le jardin qui ne sait rien
rien que les fleurs ensommeillées
aux racines de leurs chagrins

Il a neigé sur la forêt
c’est plus lisible l’écriture
et moins déchirant le secret
mais aussi vive la blessure

Il a neigé. Tu me quittas
la patte d’oiseau vient des cieux
que signe-t-elle sur le pas
de la porte, est-ce ton adieu,

ou ton retour ?

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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On est la main qui lance la pierre (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration
    
On est la main
qui lance la pierre
au ras de l’eau
On est aussi la pierre

Par chance
plus que par adresse
on ricoche malgré les vents

Oh, le beau ricochet caresse
que l’amour
à fleur de cime
et de néant !

(Robert Mallet)

 

Recueil: Cette plume qui tournoie
Editions: Gallimard

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À MATINES (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024



Illustration: Edvard Munch
    
À MATINES
Donnez-nous aujourd’hui…

Du plus noir de l’abîme où mes sens sont noyés
Je viens ayant jeté le sommeil à mes pieds.

Je balbutie encore et ma prière est lourde.
A peine ai-je au cerveau quelque lumière sourde

Et ma pensée y cherche une issue à tâtons
Parmi des mots épars, aveugles sans bâtons.

Ô Père, il en est temps, les étoiles sont mortes,
Des cieux fermés encore entrebâille les portes.

Laisse échapper le jour à travers comme un fil
Pour conduire au soleil mes yeux pleins de péril…

Vêts-moi, Père ! Je n’ai ni chaussures, ni bourse.
Donne-moi ce qu’il faut pour reprendre ma course.

Baigne mon âme en l’innocence du matin,
Dans le bruit de la source et dans l’odeur du thym ;

Fais couler sur mes mains le ciel rose et l’arôme
Tendre du jeune jour pour que mon oeuvre embaume ;

Donne à ma voix le son transparent des ruisseaux ;
Dorme à mon coeur l’essor ingénu des oiseaux ;

Verse le calme ailé des brises sur ma face,
En mes yeux la candeur immense de l’espace ;

À mes pieds nus parmi les herbes en émoi
Prête un pas large et pur pour m’en aller vers Toi.

Et par les prés flottants voilés de mousselines,
Par le recueillement limpide des collines,

Mène-moi dans le haut du lumineux versant,
Aux cimes d’où l’eau vive éternelle descend.

Conduis-moi lentement seul à travers les choses
Le long des heures tour à tour brunes et roses,

Seul avec Toi, du ciel aspirant tout l’espoir,
De la paix du matin jusqu’à la paix du soir.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Editions: Gallimard

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Je tâtonne le long de l’horizon (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 10 décembre 2023




Je vais sans but précis
Dans un mélange de terre et de ciel
De jour et de nuit
De cimes et d’abîmes
Et je tâtonne le long de l’horizon

(Jean-Baptiste Besnard)

 

 

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Par delà (Jeanne Dortzal)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2023




    
Par delà

Donne… Élargis tes yeux jusqu’à sentir le vide
S’engouffrer sous ta peau.
Perçois-tu le rivage où le temps se dévide ?
Cette grappe d’air chaud,

Cette odeur magnétique et ce bouclier d’ombre,
Cet antre velouté cachant dans ses replis
Les soleils que j’enfourne et ce ciel en décombre,
N’ont-ils pas, sous ta lèvre, un goût de paradis ?

Allongé comme un dieu sur la stèle qui bouge,
Tes deux bras soulevant ce calice entr’ouvert,
N’as-tu pas déployé, comme une voile rouge,
Mon désir dont l’essor a dépassé ma chair ?

Ah! que ma volupté te soit comme une amphore,
Où ton front viendra boire et buter ton cerveau;
Ce ciel qui nous enserre et que l’instant redore,
D’un bond nous a remis, ce soir, à son niveau.

Je t’ai voulu semblable à ces bêtes qui ploient,
Et dont les reins puissants maintiennent sur le sol
La lumière et l’odeur des saisons qu’on déploie,
Comme si l’univers tirait sur leur licol.

Et cependant nous serons tels que cet abîme,
Les astres flotteront un jour entre nous deux;
Chacun se dressera pour toucher l’autre cime,
Le torse balafré de larmes et d’adieux.

Viens, la nuit qui descend s’élargit comme une île
Rien de nous ne saurait mourir; ferme tes bras
Sur la chambre qui plane et dont l’orbe immobile
Concentre l’infini des cieux qu’on n’atteint pas.

En me donnant à toi de toute ma tristesse,
T’aurais-je donc courbé vers ma gorge, ô bonheur
Suis-je un rayon brisé de quelque astre en détresse
Pour sentir ruisseler ces larmes dans mon coeur ?

Comme tu m’apparais lumineux et profane,
Avec ta chevelure où ma bouche a roulé.
Golfe du souvenir où cinglent des tartanes,
Dans une odeur de miel et de raisin foulé!

Ah! dussé-je engloutir ma force et disparaître
Dans cette houle où mon baiser s’est suspendu,
J’irai, léchant la trace où s’imprime ton être,
Pour te sentir peser sur mon torse étendu.

J’aurai joui de toi jusqu’à sentir mon rêve
Éclater sous ma tempe.
À chaque battement,
Projetée au-delà des saisons qu’on soulève,

J’apercevais notre âme et son aile en suspens.
Mais plus battait le soir, plus je croyais entendre,
Dans un chaos de fleurs, de musique et d’encens,
Nos fronts briser cette ombre où nous allons descendre

Et cette plainte allait toujours s’élargissant.
Étreignons-nous! Le temps a besoin de pâture.
En lui jetant nos corps, puissions-nous contempler
Un halo formidable autour d’une ossature,
Et ciel qui sur nous semble avoir débordé.

(Jeanne Dortzal)

La croix de sable 1927

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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