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Posts Tagged ‘au-delà’

L’homme est une corde tendue entre la bête et le Surhumain (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 8 Mai 2024



 

L’homme est une corde tendue entre la bête et le Surhumain, — une corde sur l’abîme.

Il est dangereux de passer au-delà, dangereux de rester en route,
dangereux de regarder en arrière, frisson et arrêt dangereux.

Ce qu’il y a de grand dans l’homme, c’est qu’il est un pont et non un but :
ce que l’on peut aimer en l’homme, c’est qu’il est un passage et un déclin.

J’aime ceux qui ne savent vivre autrement que pour disparaître, car ils passent au-delà.

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Alain Chayer

 

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La paupière philosophale (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




    
La paupière philosophale

Bien au-delà du peu
la peau et l’épée
lapent
l’eau ailée
du petit pire

Toupie d’une peur idéale
épi à pas de pou
appât
ou pâle pet de pétale

La vie dupe la fille du vite

Tapis doux
où les fées filent
les feux muets
d’un rien de doute

L’effet est fête
faute hâte
écho et cause

Muer le vil métal
en pot-au-feu d’or mental
étale
un métapeu de métatout :

œufs de tatou…

mythes dormants…

haute île en air…

Mi-métamoi mi-métatoi
lemétanous nous étoile

Le mot « pied » ose
le mot « pierre » s’use
tout colle

Tou est foutu
touffu
fétu

faux
défi
défaut
fou

Peau fine
paupière finale
foetale
fatale
philosophale

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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Le matériau dont les mots sont faits (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024



Illustration: Wordart Nuages de Mots
    
Le matériau dont les mots sont faits et le mortier qui les unit
m’ont peu à peu enseigné un rythme secret et solitaire.

J’ai appris que toute construction est une musique
et que toute musique est faite de regards.
Le regard d’un mot est son sens,
entre les paupières tremblantes d’une perte.

Car ce n’est pas nous qui regardons les mots :
ce sont eux qui nous regardent
et peut-être aussi au-delà de nous,
en battant des paupières d’un rythme secret et solitaire.

Peut-être que demain je trouverai un mot
qui ne regarde plus vers nulle part
et ne batte pas non plus des paupières.
Un mot qui se laisse regarder.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Quelque chose nous fait mal sans nous (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 30 mars 2024



Illustration: Edvard Munch
    
Quelque chose nous fait mal sans nous,
tandis que les mains s’agitent comme des lutins
et que le dos nous éclabousse la voix.

Quelque chose nous fait mal comme un os
qui serait au-delà des os,
près des yeux sans cécité ni regard,
dans la parole qui nous tue les paroles
et jusqu’à l’ombre qu’elles portent.

Près de toute la douleur quelque chose nous fait mal,
comme une étoile forcée de s’inventer un autre ciel.

Et déjà nous fait mal sans notre être propre,
mais au centre et pour toujours,
bien que l’éternité n’existe pas
et bien que nous soyons de trop.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Oies de passage (Hubert Haddad)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
Oies de passage –
est-ce l’heure de l’exil?
silence au-delà

(Hubert Haddad)

Recueil: Les Haïkus du peintre d’éventail
Editions: Zulma

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Viens, je vais te montrer où est ta mère (Edith Bruck)

Posted by arbrealettres sur 6 février 2024




    
– Viens, je vais te montrer où est ta mère !
Je sautais à terre et je la suivis en courant à l’extérieur, jusque devant l’entrée de la baraque.
– Tu vois cette fumée ? me demanda-t-elle en m’indiquant un endroit au-delà des nombreux blocs.
– Oui.
– Tu sens cette puanteur de chair humaine ?
– Mais…
– Ta mère était grosse ?
– Un peu…
– Alors elle est devenue du savon comme la mienne !

(Edith Bruck)

Recueil: Le pain perdu
Editions: Points

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BERCEUSE DE LA GRAND’MÈRE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024



Marie Noël
    
BERCEUSE DE LA GRAND’MÈRE

Dors maintenant, dors… Détache de ton âme
Ses pensers volants, le bruit du jour, sa flamme,
Laisse le temps s’en retirer tout bas…
Hier n’est plus, ce soir n’est rien, demain n’est pas.

Dors, ne crains rien, dors… Ce n’est rien que la vie,
Rien… cette minute expirante et suivie
Déjà d’une autre. Enfant, quels vains effrois !
On n’endure jamais qu’un moment à la fois.
Dors, ne tourne pas ton coeur pâle en arrière.
Dors, ne penche pas en avant ta lumière.

Fol est qui souffre au delà de l’instant ;
Le malheur d’aujourd’hui n’en demande pas tant.

Dors, n’attends rien, dors… Prends ce que Dieu te donne ,
Dors, laisse en aller l’amour qui t’abandonne.
Aime toujours. Va, pauvre enfant peureux,
On n’a pas besoin de bonheur pour être heureux.

Va, tout ira bien, dormons… Après, qu’importe ?
Je vois du soleil sur le seuil de la porte
De quoi poser le pied pour un seul pas.
Pour le second… il est trop tôt, ne cherche pas.

Dors, la paix sur nous sera bientôt levée.
Dors, la Mort sera tout à l’heure arrivée.
Laisse-toi porter par le temps qui court.
Il sait la route, dors… Vivre et mourir est court.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Sur le bas-côté ensoleillé (Pier Paolo Pasolini)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2024



Italie – Toscane – RŽgion de Sienne – Chemin de campagne et cyprs // Landscape around Sienne – Tuscany – Italy

    

Sur le bas-côté ensoleillé dans le silence
habituel de la blanche campagne
je me berce d’une solitude mortelle
dans le mortel matin, qui depuis toujours
blanchit de sa lumière l’intense campagne.
Mais sous cette lumière monotone (où je rêve)
souffle un filet de vent, et l’or s’enflamme
dans les frondaisons des frênes lointains.
J’attends ? Nulle chose
dans cet espace ouvert auquel je fais face
ce vaste désert, cette lumière hors de moi,
rien que mon rêve jusqu’à l’horizon,
pas au-delà… Tout est muet.
Un enfant crie, je rêve ?, crie ou chante
il crie dans la muette campagne, je suis vivant,
un enfant crie.

***

Per i cigli assolati e il consueto
silenzio della candida campagna
cullo una solitudine mortale
nel mortale mattino; che da sempre
imbianca col suo lume i vivi campi.
Ma in quel lume monotono (o io sogno)
scorre un filo di vento; e accende oro
tra le fronde di frassini remoti.
Che cosa attendo? Nulla che non sia
in questo spazio aperto a cui sono volto,
questo esteso deserto, questo lume
fuori di me, tutto il mio sogno, fino,
non oltre, l’orizzonte… Tutto è muto.
Grida un fanciullo, sogno? , grida Ô canta,
grida nei muti campi, sono vivo,
grida un fanciullo.

(Pier Paolo Pasolini)

 

Recueil: Je suis vivant
Traduction: Olivier Apert et Ivan Messac
Editions: NOUS

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IL NEIGE (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2024



Illustration: Paul Signac
    
IL NEIGE

C’est la neige, c’est la neige.
Fascinés par ses flocons
Les géraniums se tendent
Au-delà des croisillons.

C’est la neige et tout s’égare,
Tout s’envole aux alentours,
L’escalier aux marches noires,
Le tournant du carrefour.

C’est la neige, c’est la neige,
Ces flocons qui tombent, c’est
Le ciel qui descend sur terre
En pelisse rapiécée.

Qui, furtif et l’air fantasque,
Nous arrive du grenier
En jouant à cache-cache
Dans la cage d’escalier.

Car la vie ne peut attendre.
C’est Noël, et moins de temps
Qu’il ne faut pour vous le dire,
C’est déjà le nouvel an.

Et la neige tombe, épaisse.
Dans son pas, du même pied,
Avec la même paresse,
La même célérité

Va peut-être le temps même
Les années peut-être vont
Comme les mots d’un poème
Ou la neige à gros flocons ?

C’est la neige, c’est la neige,
C’est la neige et tout s’égare,
Les passants enfarinés
Et les plantes étonnées,
Le tournant du carrefour.

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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Marée Basse (Philippe Soupault)

Posted by arbrealettres sur 8 janvier 2024



    

Marée Basse

Je songe à tous les vents
Simoun sirocco et mousson
à vous phénomènes et typhons
tandis qu’ici tout craque
et que la chaleur épaisse comme la neige
se répand dans le silence
O Lune simplicité oracle
qu’un vent de crépuscule
réduit en lucioles
O lune tout t’abandonne
toi l’amie du silence ennemie des vents
plus est-ce toi qui mène les nuages
paitre
au-delà de la nuit
tout t’abandonne tout te fuit
obéissante moins aimée
mes yeux se ferme grâce à toi
et ta douceur se répand dans les veines de la terre
je songe à vous absents ivres ou dormeurs
vents de terre et de mer
vous qui apprenez qu’il faut vivre
avec des ailes
ou dormir sans scrupules
quand les oiseaux vos enfants
cueillent les étoiles de la vie et du sommeil
vents des continents
roses vous tremblez
vous qui préférez le supplice du crépuscule

(Philippe Soupault)

Recueil: Georgia – Épitaphes – Chansons
Editions: Gallimard

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