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La paupière philosophale (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




    
La paupière philosophale

Bien au-delà du peu
la peau et l’épée
lapent
l’eau ailée
du petit pire

Toupie d’une peur idéale
épi à pas de pou
appât
ou pâle pet de pétale

La vie dupe la fille du vite

Tapis doux
où les fées filent
les feux muets
d’un rien de doute

L’effet est fête
faute hâte
écho et cause

Muer le vil métal
en pot-au-feu d’or mental
étale
un métapeu de métatout :

œufs de tatou…

mythes dormants…

haute île en air…

Mi-métamoi mi-métatoi
lemétanous nous étoile

Le mot « pied » ose
le mot « pierre » s’use
tout colle

Tou est foutu
touffu
fétu

faux
défi
défaut
fou

Peau fine
paupière finale
foetale
fatale
philosophale

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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MÉTAPHYSIQUE DU DÉ (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



    

MÉTAPHYSIQUE DU DÉ

Jamais dé qu’on lança ne s’use de rouler,
Jamais il ne s’émousse et jamais ne s’arrête.
S’il y a un moyen d’en ôter les arêtes,
C’est celui qu’on acquiert de ses chiffres mêlés.

Car ceux-ci sont son os et son jeune squelette
Qui nous donne à songer l’interminable face
Par laquelle il se livre et constamment s’efface.
Les chiffres sont son bord, de son coeur une miette.

De ce cube on arrache un seul pauvre regard,
C’est celui qu’il nous jette avec condescendance,
Quand il prend à tourner, exécuter sa danse

Qu’il n’adresse pourtant qu’au seul dieu du hasard.
Rien ne sert de flatter son auguste chanfrein.
On n’en tirera rien, il est lancé sans frein.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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LES MATINS SONT DES MAINS… (Georges Jean)

Posted by arbrealettres sur 25 janvier 2021



    

LES MATINS SONT DES MAINS…

Les matins sont des mains creusées comme les vagues
Des bassins d’autrefois

Nos bateaux y faisaient de fabuleux voyages
Qui ne s’achèvent pas

Les visages ouverts par les dents du soleil
Viennent entre deux eaux sourire à la poussière

Des voix sous la fenêtre épèlent une histoire
Personnages de mes féeries

Avec l’odeur de vertige du foin qu’on rentre
Dans la grange remplie de mort

Des enfants dans la cour
Miettes de poignards croisés dans les vertèbres

Alors des larmes gonflent les paupières du jour
Et les paroles s’usent
À effacer la différence.

(Georges Jean)

Les Mots du ressac, 1975

 

Recueil: Je est un autre Anthologie des plus beaux poèmes sur l’étranger en soi
Traduction:
Editions: Seghers

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Les morts minuscules (Monika Herceg)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2021




    
les morts minuscules

nous respirons bruyamment de chaleur suffocante
dormant dans la même pièce
l’angoisse plus lourde que l’air
remplit l’espace comme le dioxyde de carbone
et nous étouffons dans le cauchemar

dans le rêve de mon père le vide prolifère
comme les doryphores sur les pommes de terre
jusqu’à la destruction complète des plantations
souvent il tousse
comme un chat qui rejette
une boule de poils
mon frère grince des dents
ma mère est immobile
les lèvres serrées
à l’image de la madone qu’elle prie
quelquefois je me penche sur son visage
pour vérifier si elle respire

j’écoute aussi
nos pieds dépasser les chaussures devenues étroites
nos cheveux s’assombrir
nos cartilages s’user à courir
dehors l’atmosphère se consume

et en nous brûlent nos corps d’enfants
comme les bougies d’anniversaire
suffisamment vite pour que le matin on
ne s’en souvienne plus

(Monika Herceg)

Traduit du croate par Martina Kramer

 

Recueil: Voix Vives de méditerranée en méditerranée Anthologie Sète 2019
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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La marque la plus voyante de l’homme (Pierre Oster)

Posted by arbrealettres sur 1 août 2020



Illustration
    
La marque la plus voyante de l’homme,
c’est qu’il s’use à désirer ce qu’en vain il possède.

(Pierre Oster)

 

Recueil: Paysage du Tout
Traduction:
Editions: Gallimard

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2ème retouche au matin (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2020



 

Boleslas Biegas 403_

2ème retouche au matin

la nuit sa barque lente
entre les nénuphars du songe

la chouette l’attend sur un degré
dont les marches s’usent à vue d’oeil

roc du réveil

(Daniel Boulanger)

Illustration: Boleslas Biegas

 

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Un jour puis un autre (Jean-François Mathé)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2020



un jour puis un autre s’usent
fumées et cheveux
une vitre est toujours
la dernière page du livre
on y lit des mots transpercés
qui vont droit au coeur
porter leur vide comme une blessure
dans le souffle qui nous abandonne
la journée répand son passage

(Jean-François Mathé)

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Mort dans l’âme (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2020


Les végétaux tremblent
la pierre reçoit les ondées
des mains se serrent de jour et de nuit
les maisons s’usent jusqu’à aujourd’hui
porte à porte un mendiant va
mort dans l’ême
jusqu’au bout se poursuivent
des luttes sauvages
des vapeurs sur les abîmes.

(Jean Follain)

Illustration

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LA ROUE (Robert Guiette)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2020



LA ROUE

I
Chante, étranger sur le trottoir
Ta voix n’écarte aucun volet

Au soleil blanc reste en arrêt
Chante plus fort chante plus noir

Dos au mur aveuglant
Face au fronton des façades

La note frappera la seule vitre en flammes
Aux mille éclairs vois le sourire du temps

Comme
un grand visage
qui se nomme

II
O doux éclatement
Le livre s’est ouvert
et j’ai vu du coeur qui ne ment
déborder les souvenirs de mon enfance

Comment
dis-moi comment
ce passé s’est ouvert
que tu gardais si pieusement
pour habiter ce coeur d’abondance

La bouche de blessure
avait-elle mis son secret
dans la grenade mûre
Si longtemps
si longtemps après

C’est bien ma solitude
comme une ancienne fleur
qui plus tard a germé dans ce feu
Où donc
jadis perdue

III
La parole est morte
Et le monde est venu
Et les rues sont pleines de monde

Personne ne passe la porte
Tout se nomme refus
Et les ruines s’enivrent de monde

Au fond de la chaussée
une grande fleur d’encre
qui rature la joie

L’attente folle
couleur de fuite
un souvenir géant
qui efface tout

IV
Coeur dévasté pour rire
beauté usée par les sales regards

Le triste et le gai
comme des éventails
et la blessure comme un loup

L’histoire finit
lorsqu’il n’est plus temps

V
La rue suit sa pente
Les hommes leur chemin
ou suivent les passantes
Moi seul je me souviens
Le soleil las poursuit sa route
Les fenêtres s’entrouvrent
au silence à la fraîcheur

Une grande roue tourne
et tourne grande roue
où les hommes s’usent

La terre mâche la terre

(Robert Guiette)

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Tu vois tes pensées (Lionel Ray)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2019



 Illustration
    
Tu vois tes pensées comme
la béance des tournesols
au-dessus des herbes.
Fraîcheur presque visible, le vent

est plein d’ombre. Tu es tout entier
dans cette vague sans profondeur.
Un ciel d’ennui se pose
sur la cime des chênes,

les siècles noueux y font
un bruissement monotone
Comme d’une mer éternelle.

Les heures s’usent
et tombent
d’un monde à l’autre.

(Lionel Ray)

 

Recueil: Syllabes de sable Poèmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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