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Poésie

Posts Tagged ‘solitude’

Sa dernière lettre à Dieu (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




Illustration: Otto Dix
    
Sa dernière lettre à Dieu

Le sol tombe…
De l’autre côté du sang
Un cheval n’a pas échappé à sa solitude… Le sol tombe
Un homme aux mains d’oiseaux
Bien plus seul qu’une étoile
Jette des pierres dans le ciel

La neige est noire
Le cheval s’est noyé
Sur les charniers
Un homme écrit une dernière lettre à Dieu : Elle commence comme ça :
“À toi le Silencieux ! À toi le grand Aveugle !
Et elle se finit par ASSEZ, ÇA SUFFIT ! “.

(Tristan Cabral)

Recueil: Poèmes à dire
Editions: Chemins de Plume

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ENTRÉE DANS L’EXIL (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




    
ENTRÉE DANS L’EXIL.

J’ai fait en arrivant dans l’île connaissance
Avec un frais vallon plein d’ombre et d’innocence,
Qui, comme moi, se plaît au bord des flots profonds.
Au même rayon d’or tous deux nous nous chauffons ;

J’ai tout de suite avec cette humble solitude
Pris une familière et charmante habitude.
Là deux arbres, un frêne, un orme à l’air vivant,
Se querellent et font des gestes dans le vent

Comme deux avocats qui parlent pour et contre ;
J’y vais causer un peu tous les jours, j’y rencontre
Mon ami le lézard, mon ami le moineau ;
Le roc m’offre sa chaise et la source son eau ;

J’entends, quand je suis seul avec cette nature,
Mon âme qui lui dit tout bas son aventure ;
Ces champs sont bonnes gens, et j’aime, en vérité,
Leur douceur, et je crois qu’ils aiment ma fierté.

(Victor Hugo)

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Rêverie (Brigitte Baumié)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2024




    
Rêverie

Le sol impose la solitude
et la vitesse
sur les cailloux pointus de l’attente
traverser vite l’espace
arriver ailleurs
passer le danger de la rencontre
sur l’interminable chemin des illusions

(Brigitte Baumié)

Recueil: paysages intermittents
Editions: La Boucherie littéraire

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Blanche abeille (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration
    
Blanche abeille tu bourdonnes — ivre de miel — dans mon âme
et tu te tords en lentes spirales de fumée.

Je suis le désespéré, la parole sans échos,
celui qui perdit tout, et celui qui posséda tout.

Ultime amarre, en toi craque mon anxiété ultime.
En ma terre déserte tu es l’ultime rose.

Ah silencieuse !

Clos tes yeux profonds. Là bat des ailes la nuit.
Ah dénude ton corps de statue craintive.

Tu as des yeux profonds où la nuit bat des ailes.
De frais bras de fleur et giron de rose.

Tes seins ressemblent aux escargots blancs.
Un papillon d’ombre est venu s’endormir sur ton ventre.

Ah silencieuse !

Voici la solitude d’où tu es absente.
Il pleut. Le vent marin chasse d’errantes mouettes.

L’eau marche pieds nus dans les rues trempées.
De cet arbre geignent, comme des malades, les feuilles.

Blanche abeille, absente, encore tu bourdonnes dans mon âme.
Tu revis dans le temps, fine et silencieuse.

Ah silencieuse !

***

Abeja blanca zumbas — ebria de miel — en mi alma
y te tuerces en lentas espirales de humo.

Soy el desesperado, la palabra sin ecos,
el que lo perdió todo, y el que todo lo tuvo.

Última amarra, cruje en ti mi ansiedad última.
En mi tierra desierta eres la última rosa.

Ah silenciosa !

Cierra tus ojos profundos. Allí aletea la noche.
Ah desnuda tu cuerpo de estatua temerosa.

Tienes ojos profundos donde la noche alea.
Frescos brazos de flor y regazo de rosa.

Se parecen tus senos a los caracoles blancos.
Ha venido a dormirse en tu vientre una mariposa de sombra.

Ah silenciosa !

He aquí la soledad de donde estás ausente.
Llueve. El viento del mar caza errantes gaviotas.

El agua anda descalza por las calles mojadas.
De aquel árbol se quejan, como enfermos, las hojas.

Abeja blanca, ausente, aún zumbas en mi alma.
Revives en el tiempo, delgada y silenciosa.

Ah silenciosa !

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Penché dans les soirs (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024




    
Penché dans les soirs
je jette mes tristes filets
à tes yeux océaniques.

Là s’étire et flambe
dans le plus haut brasier ma solitude
qui tourne les bras comme un naufragé.

Je fais de rouges signaux sur tes yeux absents
qui palpitent comme la mer au pied d’un phare.

Tu ne retiens que ténèbres,
femme distante et mienne,

de ton regard émerge parfois
la côte de l’effroi.

Penché dans les soirs
je tends mes tristes filets
à cette mer qui bat tes yeux océaniques.

Les oiseaux nocturnes picorent
les premières étoiles
qui scintillent comme mon âme
quand je t’aime.

La nuit galope sur sa sombre jument
répandant des épis bleus sur la campagne.

***

Inclinado en las tardes tiro mis tristes redes a tus ojos oceánicos.

Allí se estira y arde en la más alta hoguera mi soledad que da vueltas los brazos como un náufrago.

Hago rojas señales sobre tus ojos ausentes que olean como el mar a la orilla de un faro.

Sólo guardas tinieblas, hembra distante y mía, de tu mirada emerge a veces la costa del espanto.

Inclinado en las tardes echo mis tristes redes a ese mar que sacude tus ojos oceánicos.

Los pájaros nocturnos picotean las primeras estrellas que centellean como mi alma cuando te amo.

Galopa la noche en su yegua sombría desparramando espigas azules sobre el campo.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Quitte ou double (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Quitte ou double

Nous sommes tous amoureux.
Seuls certains d’entre nous sont éveillés.

*

L’amour est une parenthèse ouverte.

*

Je sais que tu me rends heureuse
car ma tristesse ne te reconnaît pas.

*

Elle était si belle qu’elle m’a fait douter :
Allais-je l’aimer de l’extérieur
ou m’aimer de l’intérieur ?

*

Je l’aimais avec l’éternité que concède
la brièveté d’un moment inoubliable.

*
Elle m’a demandé de lui écrire
un poème d’amour.
J’ai dessiné un oiseau
Et elle est partie.

*

Je suis aussi faible et aussi forte
qu’une fleur au milieu d’un champ en ruine.

*

Je t’aime jusqu’à ce que tu me prouves le contraire.

*

Il est des moments où la vie te place à égale distance
de l’envie de fuir ou de rester pour toujours.

*

La paix, ce n’est pas l’absence de bruits,
mais les écouter et les changer en silence.

*

Écrire est une affaire de lâches ;
l’amour est pur courage.
Les deux ensemble, poésie.

*

Deux personnes qui s’oublient
s’aiment juste différemment.
L’oubli arrive avec la solitude,
quand un n’est plus qu’un
et qu’il n’y a pas de place pour un autre.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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Nous les complices du soleil (Henri Meschonnic)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2024



    

nous les complices du soleil
je fais tout pour qu’il t’éclaire
plus longtemps
je tiens de sa chaleur
nous la tenons
quand nous sommes ensemble

*

quand on est séparés
chacun est seul pour deux
ce n’est pas deux solitudes
c’est deux solitudes doubles
à ne pas pouvoir porter
mais quand on est réunis
on n’est pas deux
on est doublement un

(Henri Meschonnic)

Recueil: L’obscur travaille
Editions: Arfuyen

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Il est un chagrin vague (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Illustration: Guy Baron
    
Il est un chagrin vague
Dans le fond de mon coeur…
Semblable à un bruit d’eau
Dans une solitude…
Un fragile bruit d’eau…

Je pense à ce qui, mort,
Persiste à vivre en moi…
J’y pense, et je m’enfouis
Dans un rêve sans fin,
Stérile et qui m’enfouit.

Me suffit-elle enfin
La vie vécue en vain ?
Allons, que rien ne sorte
Hors de sa solitude…
De moi que je ne sorte !

Je ne sais pas. J’endure les à-coups
Du chagrin dans mon être…
Je médite, et en moi résonne le couchant
De tout ce que j’ai voulu vivre
— Toujours seulement le couchant.

(Fernando Pessoa)

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Solitude d’encre (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024



 

La nuit les yeux les plus confiants nient
Jusqu’à l’épuisement
La nuit sans une paille
Le regard fixe dans une solitude d’encre.

(Paul Eluard)

 

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Un son nouveau (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024




    
Un son nouveau
dénonce ma langue.
Il ne ressemble pas à la parole.
C’est comme si l’arbre
prenait en charge le chant de l’oiseau
ou la pierre le murmure de l’eau.

C’est le son que fait entendre
la solitude dans la solitude.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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