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Poésie

Posts Tagged ‘résonner’

Il est un chagrin vague (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Illustration: Guy Baron
    
Il est un chagrin vague
Dans le fond de mon coeur…
Semblable à un bruit d’eau
Dans une solitude…
Un fragile bruit d’eau…

Je pense à ce qui, mort,
Persiste à vivre en moi…
J’y pense, et je m’enfouis
Dans un rêve sans fin,
Stérile et qui m’enfouit.

Me suffit-elle enfin
La vie vécue en vain ?
Allons, que rien ne sorte
Hors de sa solitude…
De moi que je ne sorte !

Je ne sais pas. J’endure les à-coups
Du chagrin dans mon être…
Je médite, et en moi résonne le couchant
De tout ce que j’ai voulu vivre
— Toujours seulement le couchant.

(Fernando Pessoa)

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Ce nom pour la vie (Hubert Haddad)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
Ce nom pour la vie
qui résonne autour d’un corps
s’efface dans les cendres

(Hubert Haddad)

Recueil: Les Haïkus du peintre d’éventail
Editions: Zulma

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Oh, ce je insoumis (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2024



Illustration: René Magritte
    
Oh, ce je insoumis
que je suis au plus profond
de moi!

Le je
qui m’a vu naître
qu’aucun miroir
ne reflétera
dont jamais
je ne saurai les traits
dont je résonne
sans le connaître
que j’annonce
sans le vouloir
que je dénonce
malgré moi
celui qui s’insurge
avec moi
qui s’incarcère
en moi
qui fut muré
dans mes viscères
et qui m’emmure
et qui frappe
aux parois
celui-là
qui se voudrait
que je voudrais
hors de moi
celui-là
ne s’évadera
que de ma dépouille

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Editions: Gallimard

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ICI (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 19 janvier 2024




    
ICI

Mes pas dans cette rue
Résonnent
Dans une autre rue

J’entends mes pas
Passer dans cette rue

Seule est réelle la brume

(Octavio Paz)

 

Recueil: Versant Est
Traduction: Yesé Amory,Claude Esteban,Carmen Figueroa,Roger Munier,Jacques Roubaud
Editions: Gallimard

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SOIF (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    

SOIF

I
Le jour où un semeur invisible arracha
les racines des fourmilières
avec tout le blé caché dedans
et les jeta dans le ciel,
le disque du soleil ternit
et je compris soudain
que je n’étais plus la fille de personne.

L’absence a la capacité
de dilater les espaces orphelins,
de soulever les plafonds,
d’élargir les escaliers.
La maison où je suis née grandit,
et je ne sais que faire
avec ce vide.

Et pendant que je reste sur le seuil
un cadenas dans la main
pareille à une étrangère
qui ne se souvient pas
des mots d’adieu,
un rayon de soleil se faufile tel un voleur
parmi les orties au fond du jardin
et dépose une clé brûlante
sur la carcasse de la tortue :
la nouvelle hôtesse de la maison.

II
Une autre saison est venue,
le disque du soleil a émergé
vert par les blés drus.
Il a mûri longtemps
et quand il est devenu pain rituel
au-dessus de la colline
les invités se sont assis
autour de la table sous la treille.

Soudain un tourbillon est descendu,
a soulevé la nappe
et renversé les verres
jusqu’à la dernière goutte.
La fiancée de Dieu est revenue,
a dit quelqu’un tout bas,
et elle a très soif.
Ou bien elle cherche son trousseau,
a ajouté un autre
qui fait vite le signe de la croix
en montrant la table nue.

Et puis le calme.

Seule la poule, ayant pondu un œuf d’or,
a caqueté longtemps dans l’après-midi figé.
Un souffle chaud a remué
les fleurs du fenouil,
une charrette vide
a résonné dans la rue.
Et tout était comme jadis,
avant que maman soit devenue
une hirondelle.

Si ce n’était les fourmilières
dans mes yeux
qui continuent à prendre racine
dans une direction inverse
de celle des larmes.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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VIBRATIONS (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023




VIBRATIONS

La chaleur résonne
Le jour se partage
Les cailloux qui chantent
Dehors la route s’en va
Vers des villages qui l’accueillent
Villages de fontaines et de portes cochères
L’arbre pénètre la rosée
La trame du paysage s’ouvre
Sur le le lit de la chair
Une goutte d’eau abat les fenêtres
Et le ciel s’étend sur la nudité
Immense de l’ombre

(Jean-Baptiste Besnard)

 

 

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Route nocturne (André Durand)

Posted by arbrealettres sur 11 décembre 2023


lune

Route nocturne:
serrant les murs, passant sous les feuillages
pour que mon pas résonne en moi

(André Durand)

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L’oubli (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2023




    
L’oubli

Il y a un grand trou noir au fond de mon jardin
Où je jette les pierres qui encombrent ma route

Il y a un grand trou noir au creux de ma mémoire
Où se jettent les visages à qui j’avais juré
Rempart contre l’oubli

Il y a un grand trou noir dans la tête du monde
Où je m’engloutirai
Moi tout baigné de vie
Avec mon sang et mes cheveux
Avec mes pas qui résonnent
Avec ma grande tourmente d’homme

Il y a un grand trou noir dans la tête du monde
Où je m’engloutirai.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Tempête sur la ville (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2023




Illustration: Alexander Kurkov
    
Tempête sur la ville

On la sentait venir depuis des jours
I1 y avait eu les signes

La nuit suintant hors des étoiles
La lourdeur du vol de l’oiseau
Les pierres se couvrant de veines
Qui se brisaient en poussières

Tout annonçait le Vent et sa tourmente

Les volets se fermaient
Sur leurs cubes de couleur ou de tristesse
Les maisons se firent muettes
Sans écoute pour le cri
Qui voulait se faire entendre
Sans regard sur la ville et son angoisse
Sa grande angoisse au seuil de l’arrivée
Du Vent

Privée d’une partie de son âme La cité frissonna
D’être entre ses fenêtres closes
Si nue avec sa peur

Pesant comme la légende
Sec comme les pailles
Le Vent s’engouffra dans la ville

Dans sa longue course à travers sables
Il avait accumulé ses fièvres
Et fut saisi du vertige de se raconter

1l prit les rues meurtries et piétinées
Sans s’étonner de leur don

Il prit le ciel
Et lui jeta son désert à la face

Il prit les arbres
Parce qu’ils épousaient son tumulte
Il y accrocha ses colères
Et les laissa résonnants et déracinés

Il s’approcha des volets clos
Mais sentant que leur temps n’était pas encore venu
Il s’en fut de la ville
De la fatigue aux lèvres.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Corps mémorable (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Bruno Di Maio
    
Corps mémorable

I

Tes mains pourraient cacher ton corps
Car tes mains sont d’abord pour toi
Cacher ton corps tu fermerais les yeux
Et si tu les ouvrais on n’y verrait plus rien

Et sur ton corps tes mains font un très court chemin
De ton rêve à toi-même elles sont tes maîtresses
Au double de la paume est un miroir profond
Qui sait ce que les doigts composent et défont.

II

Si tes mains sont pour toi tes seins sont pour les autres
Comme ta bouche où tout revient prendre du goût
La voile de tes seins se gonfle avec la vague
De ta bouche qui s’ouvre et joint tous les rivages

Bonté d’être ivre de fatigue quand rougit
Ton visage rigide et que tes mains se vident
Ô mon agile et la plus lente et la plus vive
Tes jambes et tes bras passent la chair compacte

D’aplomb et renversée tu partages tes forces
A tous tu donnes de la joie comme une aurore
Qui se répand au fond du cœur d’un jour d’été
Tu oublies ta naissance et brûles d’exister.

III

Et tu te fends comme un fruit mûr ô savoureuse
Mouvement bien en vue spectacle humide et lisse
Gouffre franchi très bas en volant lourdement
Je suis partout en toi partout où bat ton sang

Limite de tous les voyages tu résonnes
Comme un voyage sans nuages tu frissonnes
Comme une pierre dénudée aux feux d’eau folle
Et ta soif d’être nue éteint toutes les nuits.

(Paul Eluard)

Recueil: Eluard amoureux
Editions: Bruno Doucey

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